VIDÉO. Histoire de l'esclavage en Normandie : "la prise de conscience est longue"

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Une émission présentée par Laurent Quembre
Une émission présentée par Laurent Quembre ©France 3 Normandie

Entre le 16ᵉ et le 19ᵉ siècle, les ports du Havre, d'Honfleur et Rouen ont prospéré grâce au commerce des esclaves Africains. Des familles normandes d’armateurs et de banquiers ont fait fortune, et toute la région a connu un essor économique. Retour sur ce passé méconnu dans notre émission "Débadoc" présentée par Laurent Quembre.

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Quelles traces reste-t-il de ce passé négrier en Normandie ? Comment faire face à ce chapitre sombre de notre histoire, trop longtemps méconnu ?

"La mémoire normande de l'esclavagisme", c'est le thème de notre nouveau débadoc diffusé ce jeudi 19 octobre à 23h45 sur France 3 Normandie.

Il est disponible en replay sur notre site internet et sera rediffusé le mardi 7 novembre à 9h10.

Parmi nos invité.es :

  • Mathilde Schneider, directrice des musées Beauvoisine de Rouen. Elle est l'une des commissaires de l’exposition "Esclavage, mémoires normandes" présentée en trois lieux : Rouen, Le Havre et Honfleur (jusqu'au 10 novembre pour ces deux dernières villes).

L'exposition "Fortunes et servitudes" est présentée à l'Hôtel Dubocage de Bléville au Havre.

"L'envers d'une prospérité" au musée industriel de la Corderie Vallois à Notre-Dame-de-Bondeville, près de Rouen. 

Et enfin "D'une terre à l'autre" au musée Eugène Boudin d'Honfleur.

Mathilde Schneider revient dans l'émission sur le rôle joué par cette exposition, première en son genre dans notre région : "La Normandie, contrairement à Nantes ou Bordeaux, ne fait qu'amorcer ce travail. Et cette exposition n'est pas une exposition bilan, mais bien le début d'un travail. C'est la première fois que l'on montre au public et qui plus est, sur trois villes simultanément, l'étendue de cette implication normande."

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Une émission présentée par Laurent Quembre ©France 3 Normandie

  • Tom-Hugo Couvet est l'auteur d'un livre consacré à l'un des navires négriers normands : "L’Alligator : l’odyssée d’un navire négrier havrais" paru aux éditions Hémisphères. Il en a fait son sujet de mémoire de recherche, un peu par hasard :

"A la fin des années 2010, les archives municipales du Havre ont fait l'acquisition de deux grandes malles en bois qui contenaient des archives de deux familles havraises actrices du commerce négrier : d'un côté la famille Boivin, propriétaire à l'époque d'une plantation en Guadeloupe et les Colombel, famille qui armait en traite l'Alligator. Ces papiers contenaient une très riche correspondance entre les armateurs basés au Havre et leurs commissionnaires à Saint-Domingue."

En tout, 170 lettres qui lui ont permis de faire une recherche historique poussée permettant d'en savoir plus sur la vie à bord d'un navire négrier.

  • Également en plateau, Bernard Michon, professeur à l’Université de Nantes et membre du Conseil Scientifique de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage.

C'est quelque chose qui est difficilement accessible pour les citoyennes et les citoyens que nous sommes, c'est de considérer que cette abomination, ce crime contre l'humanité était quelque chose de légal, d'encadré et même d'encouragé par l'État. 

Bernard Michon

Professeur à l'Université de Nantes

Il poursuit : "À l'échelle de la France, c'est vraiment à partir de 1642, à la toute fin du règne de Louis XIII, que le Roi autorise ses sujets à pratiquer le commerce des esclaves en mettant une condition : que ces esclaves soient convertis au catholicisme.

Donc là, on a une traite qui devient légale et cette traite va être financée également par un certain nombre de primes, particulièrement dans les périodes qui suivent les conflits. Parce que les conflits européens entraînent l'arrêt des expéditions de traite et au moment où la paix revient, l'État cherche à relancer l'activité parce que les planteurs ont besoin de cette main d'œuvre servile."

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Une émission présentée par Laurent Quembre ©France 3 Normandie

  • Eric Saunier est professeur à l’Université du Havre et membre du Conseil Scientifique de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage. Il est aussi le conseiller scientifique de l’exposition  "Esclavage, mémoires normandes".

Il revient dans l'émission sur la conscience que pouvaient avoir les contemporains de l'inhumanité de cette traite négrière : "Ils étaient au courant parce que ce commerce faisait vivre un très grand nombre de professions."

Mais la question de la mauvaise conscience est une question rétrospective dans la mesure où ce que l'on appelle l'anthropologie des Lumières, c'est-à-dire l'idée que les hommes ne sont pas égaux en race est largement répandue à l'époque. Dans certains courants philosophiques, on a une pensée qu'on appelle le polygénisme : l'idée que tout le monde n'appartient pas au même genre humain. Je pense qu'inconsciemment une très grande majorité de la population était acquise à cette idée, vivait l'esclavage comme quelque chose qui faisait partie du paysage, qu'on ne contestait pas.

Eric Saunier

Professeur d'histoire à l'Université du Havre

Rappelons qu'en 2001, la loi dite Taubira inscrit dans son article premier que : "La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité."


La France est le seul pays au monde à avoir fait cette reconnaissance.


Depuis 2006, la France a aussi une journée de commémoration : le 10 mai est la journée des mémoires et de réflexion sur la traite, l'esclavage et leurs abolitions. À l'occasion de cette journée, des actions sont menées par l'Éducation nationale dans les établissements scolaires.

Nantes a son Mémorial depuis plus de 10 ans.

La Normandie a fait son premier grand acte fondateur de la mémoire de l’esclavage avec cette exposition.

Et il y a une question qui se pose, au Havre, comme à Rouen, comme elle s’est posée à Nantes ou à Bordeaux. Que fait-on avec les rues qui portent le nom d’une personnalité de l’époque impliquée directement dans la traite négrière. Faut-il débaptiser ? 

  • Non, selon Jean-Baptiste Gastinne, 1ᵉʳ adjoint au maire du Havre qui nous explique dans l'émission le choix qui a été fait :

"Nous, on ne débaptise pas les rues. Parce que si on le faisait, on ferait encore disparaître d'un espace public qui n'a quasiment plus aucune trace une trace qui, elle, existe aujourd'hui. Par contre, on travaille depuis plusieurs mois maintenant à un parcours "Ombre et Lumière" où on mettrait en avant ceux qui ont condamné l'esclavage et pourquoi ceux qui ont été acteurs de l'esclavage ont été honorés, on expliquerait leur parcours sans le cacher."

Le projet de la ville du Havre est un parcours de six personnalités havraises qui ont participé à l'esclavage, de six personnalités qui l'ont critiqué. Un panneau sera posé en dessous de la plaque de rue avec un texte assez court, mais avec un QR code à scanner avec son téléphone pour avoir une notice plus détaillée.

Article écrit avec Laurent Quembre.

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