VIDÉO. Retour sur le passé esclavagiste méconnu de la Normandie

Au 18ᵉ siècle, les ports du Havre et d'Honfleur, mais aussi la ville de Rouen pour les finances, ont constitué le deuxième pôle de commerce esclavagiste français. Un passé méconnu sur lequel revient l'excellent documentaire de Thierry Durand : "Le souvenir dans la peau, esclavage en terre normande".

On ne parlait pas de l'esclavage lorsque j'étais enfant. C'était un sujet tabou dans les familles. Donc quand on nous apprenait à l'école que nos ancêtres étaient les Gaulois, les adultes n'y voyaient pas d'inconvénient. La déconvenue, c'est quand je suis arrivée en France, au Havre... parce que les Gaulois d'ici, ils vous regardent drôlement et vous posent des questions.

Anaïs Gernidos

Arrière petite-fille d'esclave

Anaïs Gernidos est l'arrière-petite-fille d'un esclave. Née en Martinique et installée au Havre depuis une cinquantaine d'années, elle travaille activement à faire vivre une mémoire apaisée de l'esclavage dans sa ville. Notamment grâce à son association Mémoires et partages.

Anaïs est la figure centrale du documentaire de Thierry Durand : c'est elle qui a "le souvenir dans la peau".

"Le souvenir dans la peau, esclavage en terre normande" de Thierry Durand

Une coproduction Keren Production et France Télévisions

Un pan d'histoire méconnu

En Normandie, les ports du Havre (3ᵉ port français du commerce triangulaire au 18ᵉ siècle) et d'Honfleur, mais aussi la ville de Rouen pour les finances, ont constitué le deuxième pôle de commerce esclavagiste français. En fait, toute l’expansion économique de la vallée de la Seine de l’époque est liée à la traite.

Et cela vaut pour aujourd’hui encore : l’importance du port du Havre, le cachet d'Honfleur, la richesse de Rouen et de sa métropole trouvent en partie leurs origines dans ce sordide trafic humain.

durée de la vidéo : 00h00mn56s
Un documentaire de Thierry Durand Une coproduction Keren Production et France Télévisions ©France 3 Normandie

L'importation du coton, autre or blanc en plus du sucre, va permettre à notre région d'être la première région industrielle de France au 18ᵉ. À la fin du siècle, un habitant sur trois vit de l'industrie cotonnière.

Mais les bombardements du Havre en 1944 ont fait disparaître presque toutes les traces de cette histoire. De plus, les ports du littoral normand ne sont pas toujours associés à l’Atlantique. On pense à Nantes, à Bordeaux... pas à Honfleur et Le Havre.

Une triple exposition pour se souvenir

2023 symbolise la prise de conscience collective de la nécessité de retracer cette histoire, puisque l’exposition Esclavage, mémoires normandes est présentée à Rouen, Honfleur et Le Havre jusqu'au 10 novembre 2023. 

L'exposition "Fortunes et servitudes" est présentée à l'Hôtel Dubocage de Bléville au Havre.

"L'envers d'une prospérité" au musée industriel de la Corderie Vallois à Notre-Dame-de-Bondeville, près de Rouen. 

Et enfin "D'une terre à l'autre" au musée Eugène Boudin de Honfleur.

Un documentaire pour mieux comprendre

Dans le documentaire de Thierry Durand diffusé ce jeudi 19 octobre sur France 3 Normandie, Anaïs Gernidos raconte : "Au moment de l'abolition de l'esclavage en 1848, il y allait avoir des élections, donc la République avait besoin de citoyens pour pouvoir voter. Il a alors été demandé aux officiers d'État Civil français de prendre le bateau et d'aller dans les îles pour nommer des esclaves. En ce qui concerne ma famille, mon grand-père a reçu cette visite en 1854 seulement."

"Il se trouve que beaucoup de familles ont des noms offensants. Moi, je m'en sors bien : je m'appelle Gernidos. D'autres personnes s'appellent "Beaux seins", "Belle gueule", "Trou à balle" ou "Crétinoir". Il y a une famille Crétinoir au Havre : "crétin" "Noir".

durée de la vidéo : 00h01mn53s
Une coproduction Keren Production et France Télévisions ©Un film de Thierry Durand

C'est une histoire qui rend fous les gens parce que c'est une question qui est liée à l'identité. C'est violent parce que vous devez réinitialiser votre manière de VOUS penser. Mais c'est très bien. Parce que c'est plus juste et c'est plus sain que de se raconter des histoires, que de s'inventer des ancêtres qui seraient éventuellement des Gaulois, voyez-vous.

Anaïs Gernidos

Présidente de l'association Havre Mémoires et Partages

Diffusé ce jeudi 19 octobre à 22h55 sur France 3 Normandie, le documentaire "Le souvenir dans la peau, esclavage en terre normande" de Thierry Durand sera aussi disponible en replay, pendant un mois, sur notre site internet.

A voir d'urgence.

Rediffusion le lundi 6 novembre à 9h10.

L'actualité "Société" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Normandie
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité