Ce mercredi 10 mai 2023 marque la journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. Une histoire douloureuse du passé, souvent méconnue, à laquelle a largement participé la Normandie.

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Une minute de silence. Puis sous les notes de Kora, des roses blanches sont déposées sur la plaque commémorative, à l'entrée du port du Havre, qui évoque un passé tragique.

La cérémonie solennelle se poursuit avec des discours, ce mercredi 10 mai, à l'occasion de la journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, pour rendre hommage à toutes les victimes de cette partie de l'histoire douloureuse de la cité Océane.


Le lourd passé du Havre

Au XVIIIe siècle, le Havre constitue le deuxième port négrier de France après Nantes. Un haut lieu du commerce triangulaire. À l'époque, des navires quittent le port du Havre pour l'Afrique avec des perles, de l'alcool, du textile.

Autant de marchandises qui seront échangées contre des esclaves. Ces êtres humains seront vendus "comme des biens meubles", en particulier à Saint-Domingue et en Martinique, contre du sucre, du coton, du café. Des marchandises ensuite revendues en France et en Europe.

Entre 1679 et 1791, plus de 400 navires ont été armés dans les ports du Havre et d’Honfleur pour participer à la traite négrière. Pas moins de 90 000 africains ont été mis en esclavage et déportés.

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Esclavage en Normandie : un lourd passé négrier qui dérange ©France 3 Normandie

Pourtant, lorsqu'on se balade dans les rues, rien, à première vue, n'évoque le passé douloureux qui plane sur la ville du Havre. "Les bombardements de 1944 ont détruit presque toutes les traces de cette histoire" explique Anaïs Gernidos, présidente de l'Association Mémoires et partages.

Mais quand on regarde de plus près les noms de certaines rues du Havre, on peut lire "rue Bégouen", "rue Jules Masuriers" ou encore "rue Bernardin de Saint-Pierre" pour l'un des axes les plus commerçants du Havre. Ce sont les noms de négociants et armateurs normands qui ont fait fortune grâce à l'esclavage, jusqu'au début du XIXe siècle. Un passé sombre qui est mis, petit à petit, en lumière : 

"Certains habitants du Havre ne savent même pas qui se cache derrière ces noms de rue. Il faut reconstruire cette mémoire, d'où le travail que nous faisons en emmenant les gens dans des visites guidées pour les emmener sur les quelques traces laissées sur les murs"

Anaïs Gernidos

Présidente de l'association Mémoires et partages

La commune ne souhaite pas débaptiser ces noms de rue. La municipalité souhaite que les passants sachent pourquoi ces hommes ont été honorés et leur rôle dans la traite négrière. Pour Anaïs Gernidos: "Effacer ces noms de rue, c'est effacer aussi la mémoire. Il vaut mieux raconter et expliquer pour que les gens se souviennent".

Une triple exposition pour mettre la lumière sur cette période sombre en Normandie

En cette journée nationale des mémoires, de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, l'exposition "Esclavage, mémoires normandes" ouvre ses portes au Havre, à Rouen et à Honfleur. Trois lieux, trois chapitres sur le commerce triangulaire qui se déclinent en simultané pour raconter l’implication des Normands dans la traite atlantique et l’esclavage entre 1750 et 1848. En effet, Honfleur et Rouen ont participé, aux côtés du Havre, à cette page de l'histoire.

"Fortune et servitude" au Havre

L’exposition "Fortune et servitude" présentée à l’Hôtel Dubcage de Bléville évoque le parcours des protagonistes et des personnes mises en esclavage, des producteurs, négociants et l’organisation du système économique et commercial de la traite atlantique.

"C'était une économie qui tournait autour du port avec le tabac qui était préparé au Havre dans une manufacture qui employait 500 personnes, les dentelières travaillaient, devant leurs portes, sur des kilomètres de dentelles qui repartaient à l'export, on y faisait aussi du textile" explique Fabienne Delafosse, adjointe au maire du Havre chargée de la culture. Deux cents œuvres appartenant aux collections patrimoniales de la Ville du Havre sont exposées.

"D'une terre à l'autre" à Honfleur

Le Havre, grâce à son ouverture maritime, donnait du poids au trois villes. Mais des navires partaient également d'Honfleur. L'exposition "D'une terre à l'autre" au musée Eugène Boudin évoque l'angle maritime : 

"Nous montrons les chemins empruntés par les bateaux partant d'Honfleur jusqu'en Afrique, puis aux Antilles, on explique les formes des bateaux utilisés, la manière dont les marchandises étaient entreposées et échangées contre des captifs"

Benjamin Findinier

Conservateur et directeur des musées de Honfleur

"L’envers d’une prospérité" à Rouen

L’exposition rouennaise "L'envers d'une prospérité" qui se tient à la Corderie Vallois, met en avant cent vingt-six œuvres et pièces issues des collections de onze musées de la Métropole de Rouen. Des objets qui racontent le développement d’un système économique global lié à la traite atlantique "qui concernait plus ou moins consciemment toute la population" explique Laurence Renou, vice-présidente de la Métropole Rouen Normandie chargée de la culture.

Le site de Rouen s’attarde sur les aspects économiques et industriels de la production de pacotille, mais aussi le financement des armements puisque ce sont majoritairement les Rouennais qui finançaient ce commerce triangulaire et par conséquent cette traite négrière. 

Ouverte du 10 mai 2023 au 10 novembre 2023, cette exposition a donc pour vocation de montrer la participation des Normands et du territoire de la Normandie à la traite des Noirs et à l’esclavage au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Une pierre de plus à l'édifice de la loi Taubira du 10 mai 2001 qui a permis de reconnaître la traite et l'esclavage comme un crime contre l'humanité.

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