Alors que le film "Ni chaînes Ni maîtres" sort en salle, c'est l'occasion de revenir sur une page sombre de l'histoire de France et, en particulier, celle de Nantes. Ce film explore la résistance des esclaves face à l'oppression et fait écho au passé négrier de cette ville portuaire, jadis acteur clé du commerce triangulaire en Europe.
L'esclavage et la traite négrière font partie intégrante du passé de la ville de Nantes et le Mémorial de l'abolition de l'esclavage est là pour le rappeler et ne pas oublier. Le film "Ni chaînes, ni maîtres" offre une nouvelle occasion de réfléchir à la tragédie de la traite négrière.
Un film pour réveiller les consciences
"Ni chaînes Ni maîtres" de Simon Moutaïrou est une œuvre qui aborde avec force la lutte des esclaves pour leur liberté. À travers ce film, le public est invité à se rappeler cette tragédie, mais aussi à honorer la mémoire de ceux qui ont résisté à l’oppression.
Ce film est une nouvelle occasion de se pencher sur cette mémoire, de questionner les injustices passées et présentes, et de rendre hommage aux luttes des esclaves pour leur liberté.
Le cinéma devient alors un outil puissant pour raviver les mémoires et éveiller les consciences sur un sujet qui, malgré les siècles, continue de résonner dans l’actualité.
Rencontre avec Krystel Gualdé, directrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes et du Mémorial de l'abolition de l'esclavage, qui accompagne la présentation du film.
Un Mémorial pour ne pas oublier
La ville de Nantes, longtemps associée à la honte de la traite négrière, a choisi d’assumer cette part de son histoire. Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage, inauguré en 2012, situé sur les quais de la ville, témoigne de la volonté de rendre hommage aux victimes et de sensibiliser le public à ce passé douloureux.
Il ne s'agit pas seulement de se souvenir, mais aussi de comprendre les mécanismes de domination qui ont perduré pendant des siècles. Cela aide à réfléchir aux questions contemporaines d'injustice sociale et raciale.
Krystel GualdéDirectrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes
Nantes et sa population au cœur du commerce négrier français
Retour sur l'héritage douloureux laissé par cette période de l’histoire avec les regards de Krystel Gualdé, directrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes, et de l’historien Éric Saugera, rencontrés en mai 2022.
Pendant près de deux siècles, Nantes a été un acteur clé dans la traite négrière, avec 43 % des expéditions françaises partant de ses quais. Selon les archives, 550 000 esclaves ont transité par le port de Nantes, et 700 d'entre eux y ont été vendus, principalement à la grande bourgeoisie.
Le commerce triangulaire, qui reliait l'Europe, l'Afrique et les colonies des Amériques, permettait à la ville d'accumuler des richesses considérables. Éric Saugera, historien et spécialiste de cette période, met en lumière l'implication de toute la société nantaise dans cette entreprise.
C'était toute une économie locale qui profitait de la traite.
Éric SaugeraHistorien
Le commerce des esclaves était tellement intégré dans le quotidien que personne ne semblait être gêné par cette pratique. "Des artisans comme des forgerons fabriquaient des colliers et chaînes, et des couturières tricotaient des bonnets pour les esclaves. C'était vu comme une activité normale, avec des annonces dans les journaux locaux."
Cela illustre à quel point la traite était normalisée, banalisée, dans une société qui tournait le dos à l’humanité de millions de personnes.
Le drame humain est colossal. Selon les estimations, entre 13 et 17 millions de personnes ont été arrachées à leurs terres, déportées vers les Amériques dans des conditions inhumaines. Ces hommes, femmes et enfants furent réduits en esclavage, privés de toute liberté et condamnés à une vie de souffrance.
Une source financière importante pour la ville
Aujourd’hui, Nantes porte encore les traces de son passé négrier. Les maisons imposantes qui bordent ses rues principales, construites par de riches armateurs, témoignent d'une richesse bâtie sur le dos des esclaves.
Les profits générés par le commerce des esclaves étaient considérables, au point que la ville peinait à imaginer un avenir sans cette main-d'œuvre captive.
Nantes va être un acteur extrêmement important dans la résistance à l'abolition de l’esclavage, et ce, dès la première abolition en 1794. Les enjeux économiques étaient énormes et il était difficile pour la société de l’époque d’imaginer un autre système.
Krystel GualdéDirectrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes
Le commerce négrier ne fut réellement stoppé qu’après une série de lois coercitives.
Mais, Krystel Gualdé rappelle que même après l’interdiction de la traite, Nantes persistait. L’esclavage représentait une force économique si puissante que beaucoup d’acteurs locaux ont fait de la résistance face à son abolition. Certains bateaux auraient continué de pratiquer la traite clandestine jusqu’à la première moitié du 19ᵉ siècle.
Un héritage visible dans l’architecture et la mémoire
Si l'esclavage a été aboli depuis bien longtemps, l’héritage de cette période est encore présent dans la ville de Nantes. Les magnifiques façades des demeures bourgeoises qui bordent les quais racontent, en silence, l’histoire d’une richesse bâtie sur la souffrance humaine.
Ces maisons appartenaient autrefois aux riches armateurs qui finançaient les expéditions négrières.
►"Ni chaînes Ni maîtres" de Simon Moutaïrou, en salle à partir du 18 septembre. Le réalisateur était l'invité d'Emmanuel Faure dans "ça se passe ici !"
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