Une équipe de Vert de Rage enquête sur la pollution industrielle pétrochimique et alerte les riverains de Gonfreville l’Orcher (76). Les résultats d’analyses de l’air, de la terre et d’urines révèlent des taux élevés de polluants cancérogènes.

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« Plus on en sait, mieux c’est », affirme le maire, « Est-ce que je dois prendre mes enfants et partir ? », s’inquiète une jeune maman, « il est évident qu’il faut faire une étude plus large et aller chercher dans différents endroits », tempère Martin Boudot, journaliste à l’origine de l’enquête Pollutions de l’industrie pétrochimique : sommes-nous contaminés ?

Martin Boudot réalise un documentaire pour la collection Vert de rage de France 5. Avec son équipe, le reporter enquête pour dénoncer des pollutions environnementales et sanitaires, en France et ailleurs.  

La plus grande plateforme de raffinage pétrochimique en France

Pour un numéro prévu à la diffusion en octobre, il s’intéresse à la zone industrielle du Havre qui compte seize entreprises classées Seveso, et surtout, Gonfreville l’Orcher, dont la zone d’habitation est située à moins d’un kilomètre de la zone industrielle.  

La plateforme de raffinage pétrochimie de Total Energies représente 12% de la capacité de raffinage du pays, soit la plus grande en France. Elle transforme le pétrole en essence, gazole, kérosène ou encore des huiles de lubrifiants pour plus de soixante-pays dans le monde.  

En collaboration avec le Laboratoire public des sciences du climat et de l’environnement et le service toxicologie du Centre hospitalier public de Liège en Belgique, l’équipe de France 5 a analysé l’air, la terre et les urines d’enfants résidant à Gonfreville l’Orcher. Les résultats ont été communiqués aux Gonfrevillais mardi 5 avril en fin de journée.    

Des valeurs élevées de benzène dans l’air

Estimant les mesures d’Atmo insuffisantes (association de surveillance de la qualité de l'air intégrée au dispositif national), l’équipe a prélevé l’air dans cinq endroits différents, à la recherche de quatre polluants classiques les BTEX (benzène, toluène, ethylbenzène, xylène).  

Alors que la valeur limite pour la protection de la santé humaine est de 5 μg/m3 pour le benzène en moyenne annuelle, les analyses indiquent des dépassements, notamment devant l’école Jacques Eberhard (48,5 μg/m3).  

Le benzène est reconnu cancérogène avéré pour l’homme. Selon l’équipe de Vert de Rage, « il semble nécessaire de compléter les données officielles par davantage de contrôles sur le site industriel et de multiplier les campagnes de surveillance dans les zones d’habitation ».  

Un biomarqueur du camphre de goudron dans l’urine des enfants  

Vingt-trois enfants âgés de quatre à onze ans vivant à proximité de la plateforme industrielle Total Energies et scolarisés à Gonfreville d’Orcher ont aussi participé à une étude. Pourquoi des enfants ? Parce qu'ils ne sont pas exposés à des pollutions professionnelles et ne fument pas.  

Le 2-naphtol, un biomarqueur du naphtalène - produit à partir de goudron ou encore de pétrole - est présent dans leur urine, dans des concentrations supérieures à celle trouvées auparavant dans la littérature scientifique chez des enfants vivant dans des environnements neutres. Le laboratoire a comparé les échantillons des jeunes Normands avec ceux d’enfants étrangers puisque ces études sont très couteuses et selon les investigateurs de l’étude, il n’y a pas de références en France en la matière.  

 Ainsi, les marqueurs de 2-naphtol sont 67% plus élevées que celles des enfants allemands et 137% plus élevées que celles des enfants américains. Des chiffres qui ont effrayé certains parents présents dans la salle. « Je m’inquiète pour mes enfants », réagit une Gonfrevillaise, mère de trois enfants de trois, cinq et huit ans, « est-ce que je dois partir ? », interroge-t-elle. « C’est la question qu’on se pose tous », lance une autre riveraine.  

« Les prélèvements ont été fait à un instant T sur un nombre réduit et ce n’est pas parce qu’il y a pollution qu’il y aura forcément des maladies », tente de rassurer le journaliste d’investigation. « Chaque région en France a malheureusement son polluant », conclut Martin Boudot.

Des jardins familiaux fortement pollués  

C’est l’analyse de la terre des jardins familiaux, voisins du site industriel Total Energies qui interpelle le plus, avec des taux d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) jusqu’à 112,509 mg/kg, soit 112 fois supérieur au seuil de concentration naturelle pour un sol de prairie (entre 0,1 et 1 mg/kg). 

De nombreux HAP, reconnus comme cancérogènes et mutagènes, sont principalement générés lors de la combustion incomplète de matières organiques ou lors d’activités industrielles. Ils peuvent également être formés par les gaz d’échappement automobile, le chauffage individuel ou encore la fumée de cigarette.

On va demander des vérifications et des analyses approfondies

Alban Bruneau, maire (PCF) de Gonfreville l’Orcher

L’interrogation porte sur ces taux extrêmement élevés retrouvé dans un échantillon de terre théoriquement propre. Car suite à une fuite de canalisation, la terre souillée de pétrole avait été « nettoyée ». Alban Bruneau, le maire (PCF) de Gonfreville l’Orcher a annoncé la fermeture des jardins potagers et demande des comptes : « On va demander des vérifications et des analyses approfondies pour s’assurer que la terre est vraiment polluée et faire en sorte que l’activité puisse reprendre dans de bonnes conditions ». Le maire compte sur l’implication de l’Agence régionale de santé (ARS) pour des conclusions fiables.

Les membres de l’association Jardins familiaux de Gonfreville l’Orcher Le Coteau ne cachent pas leur amertume. « On retire de la terre polluée pour remettre de la terre polluée, c’est quoi ce travail ? », gronde Marcel Picard. « On se doutait de cette pollution, il y avait des odeurs, ça fait quand même peur », ajoute son épouse Marie-Claire. Le couple appréciait avoir un petit jardin et récolter leurs fruits et légumes. Demain ils vont probablement devoir tout jeter.

Un point de départ

Le journaliste Martin Boudot a longuement insisté sur la nécessité de poursuivre les investigations. Le reporter se rendra bientôt à Nantes (44) ou encore Fos-sur-Mer (13) pour élargir son enquête à d’autres zones industrielles pétrochimiques.

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