Une orque mâle a été aperçue il y a plusieurs jours à l'embouchure de la Seine. Elle était jeudi 26 mai au niveau de Mesnil-sous-Jumièges. Des spécialistes estiment qu'elle est en grand danger, une opération est toujours en cours pour l'aider à retourner vers la mer.
"Le pronostic vital est engagé. On est vraiment très très inquiets. Son état de
santé est très dégradé". Le diagnostic formulé par Gérard Mauger, vice-président le Groupe d'études des cétacés du Cotentin (GECC) est alarmiste. L'association, basée à Cherbourg, est missionnée par l'Office français de la biodiversité (OFB) pour l'étude et la préservation des mammifères marins en Manche. Elle suit depuis plusieurs jours le parcours d'une orque observée au départ à l'embouchure de la Seine et qui depuis s'est aventurée plus loin dans le fleuve. L'animal se situerait à présent entre Le Havre et Rouen.
"Plus elle reste dans l'eau douce, plus ça va accélérer la dégradation de son état de santé. Elle est très loin de la mer. C'est vraiment compliqué de trouver des solutions pour essayer de l'inciter à reprendre le chemin de l'eau salée", ajoute Gérard Mauger, fondateur du GECC en 1997. La longueur de l'animal "très amaigri" mais pesant probablement plus d'une tonne est "compliquée à estimer" mais "on est dans les 4/5 mètres" a précisé M. Mauger, "à la forme de son aileron c'est un mâle, même si l'aileron est complètement couché".
Une intervention pour guider l'orque vers la mer
Vendredi 27 mai, la Préfecture de Seine-Maritime a précisé que l'orque "continuait à parcourir la Seine en faisant des allers-retours, sans pour autant réussir à redescendre le fleuve puis rejoindre la mer." Suite à une réunion, les autorités ont donc décidé de le suivre à distance à l'aide d'un drone. En plus de ce "monitoring à distance", des sons d'orques seront diffusés pour attirer le mammifère vers la mer.
Un drone va permettre de localiser l'orque, de prendre des photos et des vidéos de l'animal. Ces documents permettront à un vétérinaire d'estimer les blessures afin de pouvoir aider l'animal à se diriger vers la mer.
Les explications de Charlotte Curé (Interview fournie par la Préfecture de Seine-Maritime)
"Avec mon expertise des sons de cétacés, de leur potentiel attractif ou répulsif, on va essayer d'aider l'animal à reprendre la voie de la pleine mer. Cette méthode est expérimentale mais ça vaut le coup d'essayer."
Ce samedi 28 mai, selon l'association Sea Shepherd, 3 de leurs bateaux sont mobilisables pour prêter main forte si jamais "les enregistrements sonores ne suffisent pas pour l'attirer vers la mer."
Des difficultés à se nourrir
Aperçue pour la première fois le 16 mai entre Honfleur et Le Havre, près du Pont de Normandie, elle est "très probablement arrivée déjà affaiblie vers l'estuaire de la Seine", poursuit-il. "Son état de santé fait que c'est plus confortable pour elle d'être dans un fleuve parce que c'est moins agité. Elle dépense moins d'énergie", mais "c'est plus compliqué pour se nourrir: il y a moins de proies qu'en mer. Et elle est toute seule alors que ce sont des animaux qui chassent en meute", a-t-il indiqué.
Aider l'animal est compliqué car l'approcher risque de le stresser et "un animal en mauvais état de santé va être beaucoup plus sensible au stress", explique encore M. Mauger. Le GECC rappelle que l'orque est une espèce protégée. "Il est interdit par la loi de la perturber intentionnellement", souligne M. Mauger. Il peut être dangereux de l'approcher parce qu'il peut transmettre d'éventuels virus ou provoquer un accident en bougeant.
Un arrêté préfectoral est en préparation pour protéger à la fois l'animal et la population, selon M. Mauger. Le signalement d'orques en Manche est "très très exceptionnel". D'ordinaire, ces animaux sont observés en Ecosse, en Islande, en Norvège ou encore dans le Golfe de Gascogne. Ils pourraient utiliser la Manche comme couloir de déplacement entre la mer du Nord et l’Atlantique.