Un habitant de Saint-Etienne du Rouvray a été arrêté pour six vols à main armée. Le suspect était déjà en prison pour le braquage d'un bar de Sotteville-lès-Rouen…
Des mois d'enquête
Etude du mode opératoire, recoupements, photos, auditions de témoins, visionnage d'enregistrements vidéo, relevé d'indices, analyses d'ADN, écoutes téléphoniques : pendant des mois, patiemment et sans jamais renoncer, les hommes de la brigade criminelle de la Sûreté départementale de Seine-Maritime ont mené l'enquête pour identifier, retrouver et confondre l'auteur d'une série de hold-up commis dans des communes situées au sud de l'agglomération de Rouen, des vols représentant un butin total estimé à 5000 euros.C'est à la fin de l'année 2013 que débute une série de vols à main armée dans des commerces de Saint-Etienne du Rouvray, Oissel et Sotteville-lès-Rouen. A chaque fois le braqueur est seul, le visage dissimulé par une écharpe et un bonnet.
Il perd son pistolet
Autre point commun : le malfaiteur semble maladroit, gauche, comme un peu engourdi. A tel point que lors du premier hold-up (fin octobre dans une station service Total de Oissel) il perd son arme de poing quand la caissière se défend avec force en lui rabattant une porte sur le bras et en lui donnant un coup sur la tête ! La caissière menacée s'empare alors du pistolet tombé à terre et part se réfugier plus loin.Secoué, l'homme à l'écharpe prend la fuite avec un maigre butin constitué d'un fond de caisse et de la carte bancaire de l'employée de la station.
Chassé à coups de balai
Deux semaines plus tard (le 15 novembre) c'est la gérante d'une maison de la presse de Sotteville-lès Rouen qui, à grands coups de balai, réussit à faire battre en retraite un braqueur à écharpe qui était entré armé d'un couteau. L'homme avait demandé le contenu de la caisse. Mais quand l'argent a été déposé devant lui, il a posé son couteau sur le comptoir pour saisir les billets et les pièces avec les deux mains.La commerçante en a alors profité pour s'emparer de l'arme et la jeter au loin avant d'attaquer le voleur masqué avec un balai.
Armé d'un fusil de chasse
En décembre, c'est toujours un malfaiteur à écharpe et bonnet (désormais armé d'un fusil de chasse) qui oublie dans une autre maison de la presse de Sotteville un des sacs en plastique qu'il avait donné pour que le commerçant y mette le contenu de sa caisse.Le mois suivant (le 7 janvier 2014), à Saint-Etienne du Rouvray, c'est un patron de bar intransigeant et persuasif ("Non t'auras pas la caisse") qui, voyant son employée menacée par un homme à écharpe, bonnet et fusil, intervient si fermement qu'il fait peur au braqueur qui décampe en courant.
Une heure plus tard, toujours à Saint-Etienne du Rouvray, le braqueur à l'écharpe rentre dans un autre bar, se fait remettre le contenu de la caisse mais se fait voir, au moment de sa fuite, en train de monter dans une Clio blanche…
En flagrant délit
La semaine d'après, le 15 janvier, autre bar (le Maeva à Sotteville), autre braquage et autre réaction des braqués : l'homme à l'écharpe et au fusil est maîtrisé par le patron et les clients. Une patrouille de police qui passait à proximité, arrive et interpelle le malfaiteur.Avec ce flagrant délit, il n'y pas beaucoup de doutes sur l'identité du braqueur du Maeva. (Un homme de 43 ans qui sera ensuite jugé et condamné à quatre ans de prison).
En revanche les hommes de la brigade criminelle doivent maintenant répondre aux questions suivantes : comment retrouver l'auteur de tous les vols à main armée commis avant ceux du Maeva ?
Est-ce le même homme ?
Comment le prouver ?
Comment relier tous ces braquages ?
Carte bancaire
En réalité leur enquête (dissociée de celle du Maeva) avait déjà commencé lorsque le braqueur était parti de la station service Total avec la carte bancaire de la caissière. Une carte, qui, quelques heures après le braquage, avait été utilisée dans un distributeur automatique de billets (DAB) par un homme au visage découvert qui avait tenté (en vain) de retirer de l'argent.Le visionnage de l'enregistrement vidéo du distributeur a permis aux policiers d'identifier "un ancien client" connu pour d'anciennes affaires de vols et tentatives de vols.
ADN et frère jumeau
Un récidiviste qui a aussi la particularité d'avoir un frère jumeau, lui aussi connu des services de police pour de vieilles affaires, mais "rangé des affaires" depuis plusieurs années.Après la carte bancaire, les hommes de la Crim' vont tenter de faire parler les trois objets "oubliés" par le braqueur : le pistolet, le couteau et le sac en plastique. Les pièces sont envoyées dans un laboratoire de police scientifique pour tenter de retrouver de l'ADN. Et contrairement à ce que l'on voit dans les séries américaines diffusées à la télé, l'analyse ADN ne se fait pas en quelques minutes ! D'ailleurs les enquêteurs rouennais ne recevront le résultat de leur demande que cinq mois plus tard…
En attendant, ils montrent des photos du suspect (celui identifié au DAB) aux différentes victimes. Mais il n'est pas reconnu. Seule information sur le signalement : l'homme semble maigre, comme s'il était toxicomane.
Autre piste : celle de la Clio blanche avec laquelle était parti le braqueur du bar de Saint-Etienne du Rouvray le 7 janvier. Une voiture qui appartient, comme par hasard au suspect filmé au distributeur de billets. Et concernant la date du 7 janvier (celle des deux braquages de bar), les enquêteurs remarquent que ce jour correspond au 43ème anniversaire des deux jumeaux…
Et puis arrive le résultat de l'ADN : rien sur le pistolet. Mais c'est positif sur le couteau et le sac en plastique. Et puis une lettre anonyme vient, là aussi, conforter les soupçons des enquêteurs.
Déjà en prison
Et c'est finalement lundi dernier (25 janvier 2016) que le suspect, emprisonné au Havre pour le braquage du Maeva, est amené à l'hôtel de police de Rouen pour y être interrogé.Il a à son palmarès plusieurs braquages et vols de voiture. Il a déjà été condamné.
L'homme est donc rompu aux gardes à vue. Mais devant le travail réalisé par l'équipe de la brigade criminelle, il ne tarde pas à reconnaître l'ensemble des faits reprochés, soit 6 braquages, dont une tentative.
Franc et "bon joueur" il ne cherche pas à embrouiller les enquêteurs en incriminant son frère jumeau (qui a les mêmes empreintes ADN) et dit avoir agi seul. Il explique ensuite que toxico (il était accro à la cocaïne), il avait régulièrement besoin d'argent liquide.
Déféré mardi dernier, il est retourné en prison d'où il attendra la date de son audience pour être à nouveau jugé. Le procureur de la République de Rouen doit prochainement décider de la date du procès.