5 questions à Marianne Lère Laffitte, réalisatrice du documentaire "L'usine, le bon, la brute et le truand" à Chapelle Darblay

En 2021, la réalisatrice Marianne Lère Laffitte rencontre trois salariés de Chapelle Darblay alors en grandes difficultés. De cette rencontre naît un documentaire sur le combat des organisations syndicales et environnementales et de la Métropole Rouen Normandie pour sauver la seule entreprise française de recyclage et de fabrication de papier journal recyclé. "L'usine, le bon, la brute et le truand", retrace une aventure collective qui a un objectif : la justice sociale et écologique.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la situation particulière de Chapelle Darblay alors que de nombreuses autres entreprises ferment partout en France ?

L’idée m’est venue lors d’un échange avec Thomas Coutrot qui est économiste et qui avait participé à mon précédent film réalisé pour Arte. À l’issue de ce film qui traite de la question du travail, s’était imposée à moi la question du syndicalisme à l’heure du changement climatique. Comment concilier la question sociale et donc la conservation des emplois à l’heure où il y a une urgence climatique ? Aujourd'hui, le respect de l’environnement s’impose à nous tous.

Et c’est Thomas Coutrot qui a pensé à l'exemple de Chapelle Darblay. Nous sommes donc allés tous les deux rencontrer au printemps 2021 les trois représentants du personnel sur le site.

Au moment où vous arrivez dans quel état d’esprit sont les salariés ?

Quelques mois avant notre première rencontre, ils ont appris que l’entreprise était condamnée. Nous sommes arrivés à un moment du combat qui était un tournant. Le propriétaire finlandais, UPM, était déterminé à vendre le site à un industriel qui avait l’intention de raser Chapelle Darblay qui est une usine centenaire avec une activité vertueuse. C’est l’unique site de recyclage et de fabrication de papier journal 100% recyclé en France. C’est un site qui tri les déchets de l’équivalent de 24 millions de personnes !

L’engagement des trois représentants du personnel, Arnaud, Cyril et Julien a-t-il permis en grande partie de sauver l’entreprise ?

L’entreprise n’a pas été rasée grâce à la pugnacité et l’intelligence collective qu’ont démontré ces trois hommes. Ils sont pourtant très différents, c’est notamment ce qui m’a donné envie de les filmer et de réaliser ce documentaire. Arnaud est un cadre supérieur, hautement diplômé, Cyril est un autodidacte qui a commencé à travailler dans la papeterie en bas de l’échelle. Julien est fils d’ouvrier papetier, il a débuté sa carrière à Chapelle Darblay quand il avait une vingtaine d’années.

Ils ont vraiment trois trajectoires de vie très différentes, mais ils ont su s’allier pour sauver leur outils de production car ce qu’il faisait avait du sens. Ils ont été accompagnés par la CGT, le syndicat historiquement majoritaire dans l’entreprise, par la Métropole de Rouen Normandie et par la mairie de Grand-Couronne. Mais la particularité dans ce combat, c’est le soutien des organisations environnementales, comme Greenpeace, aux salariés, c’est une première ! C’est une aventure assez exceptionnelle.

Il serait digne pour le combat d’Arnaud, Cyril, Julien et de tous les salariés que Chapelle Darblay rouvre. L’activité de cette entreprise est essentielle pour la France.

Marianne Lère Laffitte, réalisatrice du documentaire "L'usine, le bon, la brute et le truand"

Et ce dossier a aussi une autre particularité, c’est l’engagement de la Métropole Rouen Normandie pour préempter l’usine.

Tous les acteurs du dossier ont ouvert une brèche avec Chapelle Darblay parce qu’ils ont utilisé le droit de préemption pour la première fois dans l’histoire. Ça signifie qu’on empêche la vente d'une entreprise entre deux acteurs industriels. La collectivité (ndlr : Métropole Rouen Normandie) a dit non ! Elle est devenue de facto propriétaire du terrain.

Ensuite, le défi pour Nicolas Mayer-Rossignol (ndlr : Président de la Métropole Rouen Normandie) et pour les représentants du personnel était de revendre immédiatement le site à des industriels intéressés par le projet. C’était le cas de Veolia et Fibre Excellence.

Le film s’arrête au moment où l’on apprend que le site est finalement sauvé et racheté. Quelle est la prochaine étape ?

J’ai terminé le tournage en juin 2022, tous les acteurs étaient présents. À l’époque la réouverture avait été annoncée en juin 2024. Nous sommes en novembre 2023 et il semblerait que le projet de relance de l’activité piétine. Et ce n’est pas dû aux représentants du personnel ou à la Métropole Rouen Normandie.

A priori, les discussions entre l’Etat, qui tarde à jouer son rôle à jouer son rôle d’accompagnement, et les deux repreneurs sont au point mort. Nous espérons que les négociations vont porter leurs fruits et qu’enfin il y ait une annonce officielle pour la réouverture.

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durée de la vidéo : 00h02mn17s
Reportage Magali Nicolin - Stéphane Gerain ©France Télévisions

"L'usine, le bon, la brute et le truand", documentaire, 1h15, au cinéma le 3 janvier 2024.

Réalisation : Marianne Lère Laffitte
Production : Anne Schuchman-Kune

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