Des vitraux appartenant à la cathédrale de Rouen (Seine-Maritime) et désormais exposés dans des musées américains proviendraient d'un trafic d'art datant du XXe siècle. Une association se bat pour que ces trésors nationaux reviennent dans leur édifice d'origine.
C’est un scénario digne d’un film : des vitraux de la cathédrale de Rouen auraient été volés dans la première moitié du XXe siècle. Ils se trouveraient désormais dans des musées américains. Ce serait des morceaux du vitrail des « Sept Dormants d’Éphèse ».
Un dépôt de plainte au parquet de Rouen
L’association Lumière sur le patrimoine a déposé plainte mi-décembre 2023 auprès du parquet de Rouen pour dénoncer ces recels de vols.
Le Rouennais Jean Lafond (1888-1975) est un archéologue et historien de l’art qui relate un vol de vitraux dans la cathédrale de Rouen. En1911, au début de sa carrière, cet expert est appelé à dresser un inventaire avant des travaux dans la cathédrale de Rouen.
Des pierres à la place des vitraux
"Cette année-là, en effet, je fus appelé à dresser l’inventaire d’un dépôt qui était encore fort riche en morceaux remarquables des XIIIe, XIVe, XVe et XVIe siècles. J’obtins que les vitraux fussent placés dans des caisses neuves et conservés à l’agence des travaux. Je pensais les avoir sauvés, mais lorsqu’on ouvrit les caisses en 1931, à l’occasion d’une exposition d’art religieux ancien, on n’y trouva guère que des panneaux en lambeaux, de simples débris, quelques bordures et ... des pierres", raconte-t-il dans un article publié en 1972 dans le Bulletin de la société nationale des antiquaires de France.
Jean Lafond a écrit : "Un panneau du XIIIe siècle, provenant d’un vitrail des Sept Dormants d’Éphèse, acquis en 1921 par le musée de Worcester (Massachusetts) à la vente de la collection Henry C. Lawrence, a été reconnu par M. Louis Grodecki comme l’ouvrage de l’auteur d’une Vie de Saint Jean-Baptiste conservée à la cathédrale de Rouen. Quatre autres panneaux de la même légende ont été retrouvés dans la collection Raymond Pitcairn à Bryn Athyn (Pennsylvanie) par miss Jane Hayward, conservateur au Metropolitan Museum, et par Mme Françoise Perrot, attachée de recherches au C. N. R. S."
Transportés à Paris et vendus sous le manteau, les vitraux intégraient plus ou moins directement le marché de l’art qui se chargeait de faire oublier leur origine frauduleuse. Les malfaiteurs auraient profité d’une grande période de restauration des cathédrales à cette période pour commettre leurs vols dans plusieurs villes.
"C’est un trésor de l’État qui doit revenir à Rouen"
Philippe Machicote est le président de l’association Lumière sur le patrimoine. Il a enquêté et s’appuie largement sur l’article de Jean Lafond paru en 1972. Il nous précise que les vitraux comme la cathédrale sont des "trésors nationaux imprescriptibles et inaliénables", appartenant à l’État depuis le Concordat de 1801.
Ce passionné s’étonne même que l’affaire n'ait pas été mise en lumière avant. "Je ne suis pas le seul à avoir lu cet article, ironise-t-il. C’est un trésor de l’État qui doit revenir à Rouen."
Le parquet de Rouen a jusqu’au 15 mars 2024 pour se prononcer sur la recevabilité de la plainte. En 2023, la même association avait saisi le parquet de Paris concernant des vols de vitraux de Notre-Dame mis aux enchères par la maison Sotheby’s. Mais le parquet de Paris a refusé de reconnaître l’infraction.