C’est l’un des dommages collatéraux de l’incendie de Lubrizol : les doutes et les contestations autour de la construction de l’écoquartier Flaubert à Rouen (Seine-Maritime). Un projet d’ampleur et capital pour l’essor de l’agglomération.
Il est l'un des projets urbains les plus importants de France. 90 hectares de friche industrialo-portuaire, l’équivalent du centre historique de Rouen, reconvertie pour accueillir à terme 15 000 usagers et 5 000 habitants.
Initié il y a plus de 10 ans, l’écoquartier Flaubert, a vu sa légitimité entachée et son développement contrarié par l’incendie de Lubrizol le 26 septembre 2019.
"Après l'incendie, on s'est dit que ça allait être compliqué"
"Donner le nom d'écoquartier dès le départ de ce projet, c'était trop prématuré", explique Fatima El Khili, conseillère Métropolitaine déléguée à l'urbanisme et au Quartier Flaubert (EELV).
"Après l'incendie, on s'est dit que ça allait être compliqué de le lancer", ajoute Lucie Carton, directrice opérationnelle chez Odyssée Immobilier.
Le reportage de Felix Bollez, Didier Meunier et Calypso Vanier, le montage est signé Carole Lebret.
Un projet de forêt urbaine
Cinq ans après l’incendie, les immeubles sortent finalement de terre. La Métropole Rouen Normandie repense son projet et le rebaptise plus sobrement Quartier Rouen Flaubert. 30 hectares de nature seront sanctuarisés, notamment à proximité des sites Seveso.
Depuis l'incendie, la Métropole a renoncé à urbaniser la zone entre la voie rapide et les sites industriels. À la place : un projet de forêt urbaine pour faire tampon avec les habitations.
À quelques centaines de mètres de l’usine Lubrizol, le projet Gaia touche à son terme. 20 000 m² sont dédiés aux bureaux, commerces et logements.
"On aura quand même cette vue dégagée, les espaces verts, la tranquillité et une vue magnifique. On voit tous les coteaux nord, etc", nous montre Lucie Carton.
Des désistements suite à l'incendie
Malgré ses atouts, le promoteur immobilier a dû faire face à d’importants désistements suite à l’incendie, mais aujourd’hui les biens sont quasiment tous écoulés.
"Aujourd'hui, on n'en entend quasiment jamais parler, précise Lucie Carton. Ça doit représenter 10% de nos clients qui vont avoir quelques craintes, des doutes, des questions. Quand on leur explique comment est fait le bâtiment, qu'on leur fait visiter, ils se rendent compte qu'il n'y a aucune visibilité, aucune nuisance sonore."
Les habitations sont construites côté Est donc on ne voit pas ce côté industriel.
Lucie Carton Directrice opérationnelle chez Odyssée Immobilier
"Une catastrophe, ça peut arriver partout !"
Un gardien surveillera tout de même l’immeuble 24h/24h pour mettre en sécurité les habitants et couper manuellement les ventilations en cas de risque chimique. Les premiers résidents semblent satisfaits de leur nouveau quartier.
"On n'est pas dans le centre. La nuit, c'est calme et c'est du neuf, c'est vraiment un avantage", nous explique Jean. "Une catastrophe, ça peut arriver partout !, nous lance Margot. Sinon, on reste à la campagne et on ne bouge pas."
"Si on ne veut pas construire sur des forêts ou des territoires agricoles, il faut recycler les anciens sites industriels. Il n'y a pas le choix, ajoute Lucie Carton. C'est comme ça qu'on va développer la ville sans pour autant consommer les terres aux alentours."
Cohabiter avec l'industriel
Construire sans étaler, cohabiter avec son histoire industrielle sans rester figé…. Des choix assumés par les élus de la Métropole.
"Ceux qui disent qu'on ne construit pas parce qu'il y a la zone industrielle à côté, ils se trompent, indique Fatima El Khili, conseillère Métropolitaine déléguée à l'urbanisme et au Quartier Flaubert. "Le jour où ces industriels n'auront plus la rentabilité suffisante, ils vont plier bagage sans demander l'avis de la ville. Ils vont laisser un espace de désolation et de friche polluée. On ne peut pas se dire aujourd'hui écologiste et ne pas reconstruire sur les friches."
80 % du quartier Rouen Flaubert reste à construire. La fin du chantier est prévue à l’horizon 2032.