Contraception gratuite pour les femmes jusqu’à 25 ans : qu’en pensent les Normands ?

Depuis le 1er janvier, la contraception hormonale est prise en charge à 100% par la Sécurité sociale pour les femmes jusqu’à l’âge de 25 ans. D’après le gouvernement, la mesure concerne 3 millions de personnes et devrait aider à faire reculer le nombre de grossesses non désirées en France.

« Ca me paraît simplement normal » réagit immédiatement Jeanne, 20 ans, assise sur un banc avec deux autres jeunes femmes devant l’Université de droit et de gestion de Rouen.

Face à nos questions, les trois étudiantes abordent librement le sujet. « Moi, je prends la pilule depuis cinq ans. Ca me revient 5€ en moyenne par mois. Certaines étudiantes ne peuvent pas se le permettre. C’est donc une bonne chose que ce soit gratuit car la contraception c’est primordial » conclut Jeanne.

« Ca devrait être là depuis très longtemps » juge Léonie, 19 ans. « C’est une question qui concerne toutes les femmes. Alors attendre 2021 pour que ce soit remboursé, c’est un peu tard ». Et son amie Lou, 20 ans, d’ajouter : « c’est comme les serviettes hygiéniques, ça coûte cher et c’est toujours aux femmes de gérer ».

Parmi les jeunes adultes rencontrés, tous sont au courant de l’annonce faite en septembre dernier par Olivier Véran.

Invité des « 4 Vérités » sur France 2 le 9 septembre 2020, le ministre de la Santé justifie la mesure en ces termes. 

Il y a un recul de la contraception chez certaines jeunes femmes. Le premier motif invoqué est le renoncement pour raison financière. C’est insupportable que des femmes ne puissent pas avoir de contraception, si elles en font le choix, parce que ça leur coûte trop cher.

Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé

France 2, 9 septembre 2020

D’un coût annuel de 21 millions d’euros, cette mesure concerne toutes les femmes, sans condition de ressources, jusqu’à leurs 25 ans. « Un âge qui  correspond, en terme de vie économique, sociale et de revenu à davantage d'autonomie » explique le ministre.

Même sans mutuelle, la patiente n’aura rien à débourser. Tant qu’elle présente une ordonnance, elle n’aura aucun frais à avancer pour l’achat d’un moyen de contraception hormonal. De même, le dispositif prévoit une consultation gratuite une fois par an d’un médecin ou d’une sage-femme et la réalisation d’examens biologiques en lien avec la contraception.

Jusqu’à présent, ce dispositif existait pour les mineures de 15 à 17 ans depuis 2013 et pour les mineures de moins de 15 ans depuis 2020.

Quels moyens de contraception sont concernés ?

D’après les informations publiées sur le site Service public et sur celui du ministère de l’Intérieur, sont concernés :   

  • les pilules de 1ère et 2ème génération,
  • l’implant contraceptif hormonal,
  • le dispositif intra-utérin ou stérilet,
  • la contraception d’urgence ou pilule du lendemain.

Les anneaux vaginaux, les diaphragmes et capes cervicales, les patchs, les crèmes spermicides, les pilules de 3ème et 4ème génération, les préservatifs externes ou internes seraient donc exclus pour le moment.

En France, la pilule reste le moyen de contraception privilégié, particulièrement chez les moins de 25 ans.   

Réduire le nombre de grossesses non désirées et d’IVG

D’après l’Agence régionale de Santé, en 2020, un quart des jeunes de 15 à 24 ans a eu sa première relation sexuelle sans contraception.

Dans la stratégie nationale de santé sexuelle 2021-2024 publiée en décembre, les autorités sanitaires rappellent également : 

Malgré un recours élevé à la contraception et une augmentation de l’utilisation de la pilule de contraception d’urgence depuis que celle-ci n’est plus sujette à prescription médicale (1999), une grossesse sur trois est non prévue.

Ministère de la Santé

Stratégie nationale de santé sexuelle 2021-2024

En Normandie, en 2020, le taux d’IVG chez les 15-17 ans s’élève à 60,5 pour 1000, c’est un peu moins que la moyenne nationale.

Avec cette mesure, l’objectif du gouvernement est double : « prévenir les potentielles répercussions des IVG sur la santé des femmes qui y ont recours » peut-on lire sur le site du gouvernement et permettre à chaque jeune femme d’avoir des informations éclairées sur les moyens de contraception qui s’offrent à elle, grâce aux consultations gratuites.

« Dans certaines familles, le sujet reste très tabou »

Etudiant à Rouen, Samir, 26 ans, regrette que les jeunes manquent d’informations sur ce sujet.  « Entre potes, on n’en parle pas. Et dans certaines familles musulmanes par exemple, le sujet reste très tabou » confie le jeune homme. Lui s’estime chanceux d’être passé par une section scientifique au lycée. « J’ai eu des cours de SVT sur le sujet, en plus de ce qu’on avait vu au collège. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Ce serait bien que les jeunes soient davantage sensibilisés. »

Attablée avec ses amis, le constat est le même pour Angèle, 18 ans. Malgré les effets secondaires de la pilule, elle n’a pas encore changé de moyen de contraception. « Je ne la prends pas par plaisir. Mais je n’en sais pas assez pour essayer autre chose ».

Et les rendez-vous chez le médecin ou le gynécologue ? « Un parcours du combattant » regrettent plusieurs de ces jeunes femmes. « Quand tu appelles pour aller voir un gynécologue, en moyenne, tu as rendez-vous six mois plus tard » regrette Lina, 19 ans. « Moi, j’aurais besoin de pouvoir poser mes questions tout de suite ».

Pour plus d'informations sur la contraception, la sexualité et l'IVG, le Planning familial  met à disposition un numéro vert d'information. 

 Des permanences du Planning ont lieu à Rouen, au Havre, à Evreux, Pont-Audemer et Vernon. (parfois sur rendez-vous)

La contraception, toujours la charge des femmes ?

Cette question semble intéresser jusqu’au gouvernement. En préambule de sa stratégie nationale de la santé sexuelle 2021-20024, le ministre de la Santé le reconnaît : « je le sais la charge contraceptive pèse encore trop sur les femmes, et il est nécessaire de réactualiser notre approche et nos connaissances sur la contraception masculine. »

L’avis est largement partagé par les étudiants rencontrés à Rouen, comme le montrent leurs réactions recueillies en décembre dernier.

Si Mathias, 18 ans, en couple depuis 2 ans reconnaît l’intérêt de cette nouvelle mesure, il ajoute immédiatement : « le problème, c’est qu’une fois encore cela fait tout reposer sur les femmes. La charge mentale leur revient une fois de plus. Ce serait bien qu’on parle davantage de contraception masculine. » Aujourd’hui, c’est sa copine qui prend la pilule mais il se dit prêt à tester sa version masculine, actuellement toujours en test, si elle est un jour commercialisée.

Un peu agacée, Lou, regrette elle aussi que « cela reste encore trop souvent une affaire de femme. La contraception doit être une question de couple. La plupart des garçons ne s’interrogent pas sur le sujet. S'il est responsable, au mieux, il va demander si la fille prend une contraception. Mais ça devrait résulter d’une décision commune. »

Léonie précise : « le garçon se demande juste si la fille ne va pas tomber enceinte. Il ne l’interroge pas sur ce qu’elle préfèrerait utiliser comme moyen de contraception. »

Un peu plus loin, Ismaël, 21 ans, Samir, 26 ans, et Samy, 22 ans le reconnaissent : pas toujours facile d’aborder cette question. « Si au moment d’avoir une relation intime, je lui dis que je vais chercher mon préservatif…ça enlève le charme » confesse Ismaël. « Les filles, elles, c’est dans la continuité. Elles prennent la pilule. Mais c’est sûr que pour nous c’est plus facile. Nous, on a peur davantage du SIDA et des MST. Car s’il y a un enfant, c’est la fille qui le porte. Nous, on peut plus facilement prendre la fuite ».

Quels moyens de contraception pour les hommes ?

En France, la Haute autorité de Santé reconnaît aujourd’hui trois méthodes contraceptives masculines :

  1. le préservatif,
  2. le retrait ou méthode naturelle pour les hommes, dont le taux d’échec est très élevé, 
  3. la vasectomie.

Mais, d’autres moyens existent et font l’objet de publications sur Internet et  les réseaux sociaux.

La méthode thermique ou « slip chauffant » : porté 15 heures par jour, ce sous-vêtement, qui peut être remplacé par un anneau en silicone, est efficace au bout de 3 mois. La méthode est réversible.

La méthode hormonale, validée par l’Organisation mondiale de la Santé, reste très peu prescrite. Efficace, elle consiste en une injection de testostérone par voie intramusculaire une fois par semaine. Ce taux plus élevé de testostérone dans le sang leurre l’hypothalamus, lui faisant croire à une production élevée de spermatozoïdes. Par réaction, le corps arrêt donc d’en produire. Une solution réversible donc. Quant aux effets secondaires, ils sont assez similaires à ceux de la pilule pour les femmes. Pour l’heure, le traitement ne peut excéder 18 mois car aucune étude scientifique plus longue n’a encore été menée.

A lire pour aller plus loin : Pourquoi la contraception masculine ne passe toujours pas ?

Le nombre de vasectomies multiplié par 10 en 10 ans

A 37 ans, près de Rouen, Mickaël, déjà père, ne souhaitait plus avoir d’autre enfant tout comme sa compagne. «  Mon amie ne supportait plus la pilule et le stérilet. Je me suis donc renseigné sur internet. C’était important pour moi de participer à la contraception au sein de notre couple et que ma compagne ne soit pas seule à assumer cette charge » explique le trentenaire. Il y a 18 mois, il franchit donc la porte d’un urologue.

L’opération sous anesthésie générale dure une heure. Très difficilement réversible, Mickaël sait qu’elle est un choix pour le reste de sa vie. Une conservation de sperme lui a donc été proposée.

« L’opération consiste en une chirurgie de stérilisation dont le but est de couper le canal déférent qui est entre les testicules et la prostate. Ce canal amène les spermatozoïdes dans le sperme » détaille Charles Sambuis, urologue à la Clinique du Cèdre, près de Rouen.

Les douleurs post-opératoires ont été soulagées par des antalgiques pendant 48 heures. Au bout de trois mois, un spermogramme, un examen du sperme, a permis de vérifier que Mickaël était désormais stérile.

Si le choix de la vasectomie a été une évidence pour ce patient, il avoue que son entourage amical masculin s’est parfois imaginé de drôles de choses. « Certains pensaient qu’on retirait les testicules comme pour la castration animale. Ils s’imaginaient que cela touchait à la virilité et que ça m'empêcherait alors d’avoir une vie sexuelle normale » se souvient le patient.

Or, comme le confirme l’urologue : « on coupe uniquement le canal déférent. Il n’est donc pas question de  toucher au nerf érecteur. La qualité de l’érection reste donc identique. Le geste opératoire n’intervient pas non plus au niveau du système sensoriel. Le plaisir reste le même pour l’homme après l’opération. » Tout comme la qualité des éjaculations précise le praticien puisque les spermatozoïdes ne constituent qu’une infirme partie du sperme.  

Comme Mickaël, 10 000 hommes ont choisi la vasectomie en France en 2020. Ils étaient à peine 1000 il y a 10 ans.        

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