"Je veux juste travailler et avoir une vie normale." En France depuis neuf ans, diplômée, intégrée... Liri, 24 ans, a reçu sa troisième OQTF

Liri est une jeune femme de 24 ans, kosovare, qui vit à Rouen depuis neuf ans. Nous avons découvert son existence et son parcours à l'occasion de l'émission "Complément d'enquête", diffusé sur France 2. La jeune femme fait l'objet d'une OQTF, obligation à quitter le territoire, alors qu'elle remplit tous les critères d'intégration. De nombreux élus, parmi lesquels Nicolas Mayer-Rossignol le maire de Rouen, ont décidé de prendre fait et cause pour la jeune femme.

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C'est une jeune femme de presque 25 ans, souriante et avenante. Nous avons rencontré Liri, ce lundi 27 janvier chez son avocate, Cécile Madeline, spécialisée dans la défense des personnes en situation irrégulière.

Nous avions découvert le parcours exemplaire de cette jeune kosovare à l'occasion de l'émission "Complément d'enquête", diffusée sur France 2, jeudi 23 janvier 2025, et consacrée aux "OQTF, quatre lettres qui divise la France".

Car Liri, qui vit en France depuis neuf ans et peut s'enorgueillir d'un parcours édifiant, fait l'objet d'une OQTF, une obligation à quitter le territoire français. La jeune femme est pourtant l'exemple parfait, s'il en fallait, d'une intégration réussie.

Avec son avocate, elles se battront jusqu'au bout pour prouver à l'administration française le bien-fondé de leur démarche. "On va contester ça et voire tout ce que je peux faire, retrouver un travail... Faire tout ce qu’il faut pour montrer que je mérite les papiers, que je mérite d'être ici", explique Liri.

Un parcours irréprochable pour une jeune femme volontaire

Liri est arrivée en France avec sa famille à l'âge de 15 ans, car leur sécurité n'était plus assurée au Kosovo, le pays dont ils sont originaires. La jeune femme alors ne parlait pas un mot de français, pourtant en quatre ans elle obtient son baccalauréat haut la main.

Liri souhaite alors régulariser sa situation avant de s'inscrire à la faculté de Mont-Saint-Aignan pour y suivre une licence de langues étrangères. Elle dépose une première demande d'asile pour l'obtention d'une "carte de séjour étudiant à titre exceptionnel".

Premier refus de l'administration française, alors même que son frère, arrivé sur le territoire avant ses 13 ans, obtient une carte de séjour.

Liri poursuit brillamment ses études, et obtient une promesse d'embauche en 2023 pour un emploi de comptable bilingue dans une entreprise de transport maritime de la région rouennaise. Aujourd'hui la jeune femme parle quatre langues, dont un français parfait, et mène la vie d'une jeune femme de son âge, bien entourée par ses amis et sa famille. Elle ne dépend pas, pour vivre, des aides sociales.

Malgré ce parcours sans faute, Liri est encore sous le coup d'une mesure administrative restrictive, qui l'empêche de vivre sa vie librement. Elle a reçu mardi dernier, une troisième OQTF.

Le préfet de Seine-Maritime, Jean-Benoît Albertini explique sa position dans le reportage de "Complément d'Enquête" : "Toutes ces années il y a eu tout un tas de procédures qui ont toutes été perdues par cette personne".

Le préfet fait référence à la première OQTF de Liri, après une demande de régularisation. En revanche la deuxième OQTF de Liri a été annulée par le tribunal administratif de Rouen. "Le juge nous a demandé de reconsidérer, donc de réexaminer son cas, il n'a pas demandé d'accueillir sa demande. Nous allons évidemment reconsidérer son cas et l'étudier et nous reprendrons une décision au terme de ce réexamen", explique-t-il.

Voir le reportage d'Angèle De Vecchi et Stéphane Lhôte

durée de la vidéo : 00h02mn04s
IMMIGRATION. Mobilisation pour une jeune Kosovare à Rouen ©ici Normandie

Une nouvelle circulaire

Hasard du calendrier, Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l'intérieur, a publié la semaine dernière une nouvelle circulaire sur l'immigration qui remplacera celle de Manuel Valls en vigueur jusqu'ici.

Après décryptage des nouveaux critères de régularisation, il s'avère que Liri possède de nombreux éléments en sa faveur.

"Une durée de présence d'au moins sept ans constitue l'un des indices d'intégration permanent, donc là ce qui est étonnant c'est que toi - Liri -, tu es en France depuis neuf ans, les sept ans, on les a largement, se félicite Cécile Madeline, l'avocate de Liri. Ce qui est extraordinaire pour Liri, c'est qu'elle ne remplissait pas les critères de la circulaire Valls, et que pour le coup, cette nouvelle circulaire de Bruno Retailleau est plus floue. On voit qu'on veut mettre un coup de braquet, mais Liri remplit les critères."

"La seule chose qui va nous bloquer dans ce dossier, dans ce que je comprends que Bruno Retailleau semble dire, c'est qu'on ne pourrait pas faire l'objet d'une régularisation d'admission exceptionnelle au séjour si la personne a fait l'objet d'une obligation à quitter le territoire français depuis moins de trois ans", s'inquiète Cécile Madeline.

"J'aimerais une vie normale, ici à Rouen, avec ma famille, mes amis, j'ai tout ici, ça fait 10 ans que je vis ici. Je veux juste travailler et avoir une vie normale. Le fait de ne pas pouvoir travailler ça me dérange beaucoup, je ne peux pas m'occuper de moi-même. Je pense même que ça aiderait la société française", déclare la jeune femme, optimiste et persévérante.

Je pourrai enfin donner à la société française ce qu'elle m'a donné. J'ai grandi ici, j'ai été scolarisée, j'ai vécu en sécurité. Maintenant c'est à mon tour de prendre soin de moi-même, et de donner en retour.

Liri, en attente de régularisation

De son côté, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a répondu à propos de la situation de la jeune femme dans Complément d'enquête, interrogé par Tristan Waleckx : "Moi, je ne connais pas son cas particulier, et comme ministre, moi, je suis comptable de la règle. Et ce que je veux dire, c'est qu'elle a utilisé, à deux reprises je crois, une voie qui a été largement dévoyée, qui est le droit d'asile. À deux reprises, le juge lui a donné tort".

Avant de préciser : "Si demain, nos règles, nos lois sont violées, je ne pourrai plus, comme ministre de l'Intérieur, réguler ce que les Français me demandent de réguler."

Une OQTF n'est pas une qualification

La situation de Liri a ému une partie des élus de la métropole rouennaise. Nicolas Mayer-Rossignol, le maire socialiste de Rouen et président de la Métropole, s'est engagé pour soutenir la jeune femme.

Ce jeudi 27 janvier, Liri et son avocate étaient appelées à s'exprimer à la Métropole Rouen-Normandie à l'occasion d'une conférence de presse, en présence de quelques élus de gauche.

Sur les réseaux sociaux, le maire de Rouen a même interpellé Bruno Retailleau, le ministre de l'intérieur, sur la situation de la jeune femme.

"Qu'on soit ferme sur des situations qui posent des problèmes, je peux le comprendre évidemment, tous les jours, nous les maires, on doit gérer des situations comme celles-là, mais quand on a la chance, car c'est une chance pour tous les Français, d'avoir des personnes qui sont intégrées et qui ne posent aucun problème, c'est absurde !" s'indigne Nicolas Mayer-Rossignol.

"Une OQTF n'est pas une qualification, mais un arrêté préfectoral" a également rappelé Cécile Madeline, fustigeant la facilité avec laquelle certains politiques et journalistes associent OQTF et délinquance. "C'est insupportable de donner cette image, qui est à l'opposé de la réalité".

L'avocate a aussi évoqué le fait que 98% des personnes placées sous le coup d'une obligation à quitter le territoire, mènent une vie paisible en famille. Sans oublier que beaucoup d'entre elles travaillent, et s'acquittent comme tout le monde de leurs cotisations sociales.

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