Le concept des halles gourmandes se multiplie dans de nombreuses villes : carton ou véritable flop ?

On les appelle food court, food hall ou encore halles gourmandes. Depuis deux ans, ces restaurants géants qui rassemblent plusieurs stands de restaurants ou street food dans un même endroit fleurissent en Normandie. Très populaire dans le sud de la France et à l'étranger, le phénomène séduit-il les normands ?

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Au Havre (Seine-Maritime), "Place Ô marché" est en liquidation judiciaire depuis le 11 octobre 2024. Même si les raisons précises de cette liquidation judiciaire ne sont pas connues, la halle gourmande située près de l'espace Coty peine à trouver son public, depuis son ouverture en février 2023.

Cet espace de 1600 m² était pourtant un lieu dans l'air du temps. Un endroit qui regroupe plusieurs commerçants et des grandes tables pour se retrouver en famille ou entre amis pour picorer et partager des plats.

D'autres concepts similaires fleurissent un peu partout dans la région. Nous nous sommes interrogés si le concept séduisant les Normands.

Les Halles Agrivin  : premières halles gourmandes à Rouen

Début octobre, les Halles Agrivin fêtaient leurs deux ans d'ouvertures avec un évènement sur le thème des ferias. Carton plein pour cette soirée avec près de 600 personnes à répondre présent. "On a fini en paquito à une heure du matin", nous souffle-t-on.

Il y a deux ans, une vingtaine de commerçants, restaurateurs, traiteurs ont répondu à l'appel des créateurs du groupe Biltoki. Ce concept de développer un lieu de vie, d'échanges et de partage est né dans l'esprit de quatre amoureux du produit et partisans du vivre ensemble.

D'origine basque, ils ont développé un réseau de halles dans toute la France. Celle de Rouen est la première à ouvrir dans le Nord-Ouest de l'Hexagone.

"On peut manger un poulet grillé, on peut aller chercher des huîtres ou encore partager un plateau de fromages. C'est novateur, les commerçants ont été sélectionnés sur la qualité de leur savoir-faire", nous expliquait à l'époque Mathieu Maurice, dirigeant des Caves Pierre Noble et associé des Halles Agrivin avec Biltoki.

L'idée du marché abandonnée, place aux halles festives

Deux ans plus tard, quel bilan pour ce concept inédit en Normandie ? Depuis quelques mois, plusieurs stands semblent vacants. Le stand de pizza qui faisait partie des grands favoris a fermé.

Son propriétaire de quatre restaurants à Bordeaux a déposé le bilan. Le fromager et le boucher ont aussi quitté le navire, ainsi que Cuisine sucrée, remplacé récemment par Cancan Traiteur. Un stand de sushis s'est également installé cet été. 

"On a eu un gros turnover de commerçants, nous explique Mathieu Maurice. On a abandonné l'idée du marché, ça n'a pas pris. Les gens ne viennent pas faire leurs courses aux Docks 76, les gens viennent consommer sur place", explique Mathieu Maurice.

"Le bilan est positif, mais il nous a fallu quelques réglages, à Rouen les clients ne connaissent pas encore tous le concept de devoir se servir un peu partout et partager. Il faut trois ans pour qu'une halle gourmande s'installe vraiment dans une ville."

Ce qui marche aux Halles Agrivin : les soirées entre copains ou en famille et faire la fête sur des soirées à thèmes. Mathieu Maurice réfléchit à fermer plus tard les soirs en fin de semaine. 

Des loyers "trop élevés" ?

Bien connu dans l'agglomération rouennaise, le primeur "Le Palais du fruit" est le premier à avoir fermé son stand en 2023. "C'est un lieu magnifique pour faire la fête, pas pour faire ses courses. Ce n'était pas pour nous, nous explique Caroline Monville, à la tête de l'entreprise avec son mari. Au départ, on nous avait vendu l'idée des halles avec la crème des commerçants rouennais, avec produits recherchés et un savoir-faire. Après deux mois d'euphorie, il y avait déjà beaucoup moins de monde. Nos salariés s'ennuyaient, certains sont même tombés en déprime", nous explique Caroline Monville.

Pour le Palais du fruit, qui possède cinq boutiques dans l'agglomération rouennaise, le concept de ces halles gourmandes n'était pas rentable. "On avait plus de charges que de loyers", nous explique la gérante qui payait chaque mois 1 000 euros de loyer et 2 800 euros de charges.

Après l'Armada, les gérants décident de ne pas continuer l'aventure. "On a perdu tous nos investissements. Ça reste une belle expérience, l'ambiance est très bienveillante et familiale entre les commerçants, mais ce n'était pas pour nous."

Au poulet normand et Mazat rencontrent toujours un franc succès, tout comme le stand En Faim, qui propose des plats faits maison.

Selon nos informations, la boulangerie Cressent réfléchit aussi à quitter les Halles. "Ça ne marche pas du tout ! Parfois, on n'a personne entre 14 heures et 18 heures."

Savoir s'adapter à la consommation des clients

Le stand Lakson, qui proposait initialement uniquement de la vente à emporter de poisson à la découpe, a su se renouveler et s'adapter au mode de consommation des clients des Halles.

"On a compris que ce n'était pas ce que le client venait chercher aux Halles, on a adapté notre offre", poursuit Martin Thiriez. Aujourd'hui, la maison Lakson propose des poke bowls le midi et des planches apéro le soir.

On a deux clientèles différentes : ceux qui viennent déjeuner entre collègues le midi et ceux qui viennent en famille ou entre amis pour un apéro le soir.

Martin Thiriez, gérant du stand Lakson

Dernier stand arrivé il y a quelques semaines : Casa Iberico qui propose une sélection de produits espagnols. Un stand de viande à déguster sur place ou à emporter est en train de s'installer. Mathieu Maurice promet que tous les stands devraient à nouveau être occupés d'ici à deux mois.

On devrait enfin retrouver l'esprit convivial du Sud-Ouest du groupe Biltoki ! 

Ambiance street food à l'Entrepôt Food Hall 

Burgers, risotto, croque-monsieur, spécialités portugaises ou encore sushi… Il y en a pour tous les goûts à l'Entrepôt Food Hall. Seulement quelques centaines de mètres les séparent de leur principal concurrent Biltoki, mais la localisation sur les quais de Seine semble séduire davantage, notamment en été.

À la tête de cet établissement à la décoration industrielle, la Maison Guéret, bien connu dans le monde la restauration rouennaise. Ouvert depuis mai 2023 sur les quais rive droite, l'Entrepôt Food Hall propose 11 ateliers de cuisines du monde dans un hangar de 1 900 m².

Certains stands ont d'ailleurs déjà un restaurant à Rouen. C'est le cas de Bambou, restaurant vietnamiens ou encore de la chaîne japonaise ITO. L'établissement propose 300 places en terrasse et 600 à l'intérieur.

"On avait ouvert juste avant l'Armada, ça a été carton plein", se réjouit Ingrid Guéret, jeune directrice de l'Entrepôt Food Hall.

En un an, seulement deux stands ont quitté le navire et ont vite été remplacés. Léonie Stevens, co-gérante du resto de burgers Poppy’s, qui avait un établissement rue Cauchoise, a décidé de tout miser sur son stand à l'Entrepôt. 

"C'est un nouveau challenge pour nous, ça marche bien, on est super contents ! Il n'y avait pas encore d'offre de burgers dans le food hall et notre concept colle bien avec l'établissement." Léonie Stevens prévoit même d'ouvrir un second stand pour proposer des pizzas.

Niveau fréquentation, "on est très contents, on a eu notre record d'affluence de l'année au mois d'août malgré un temps mitigé cet été", indique Ingrid Guéret. 

"On découvre une autre clientèle aussi, ce ne sont pas les Rouennais qui viennent, mais plutôt ceux qui habitent dans les villes autour, en famille ou entre amis, avec la facilité de stationnement. Les Rouennais ont du mal à venir sur les quais", reconnaît Léonie Stevens.

Pour faire vivre le lieu, la maison Guéret mise sur les animations à travers des concerts, des soirées blind test, karaoké ou encore l'organisation de vide dressings et de marchés de Noël. "Il y a une volonté de faire vivre le lieu ! On a aussi de plus en plus de demandes de privatisations", ajoute Ingrid Guéret.

À l'Entrepôt, les charges pour les commerçants sont beaucoup moins chères qu'aux Halles Agrivin : "2 500 euros par mois, loyer et charges comprises", nous souffle-t-on.

Les Halles vs. L'Entrepôt : qu'en pensent les clients ?

Qu'en pensent les clients ? Nous leur avons demandé leur avis. Sur les deux concepts, les avis semblent mitigés. "Aux Halles, c'est trop cher, les stands se vident de plus en plus. L'Entrepôt c'est sympa, mais il faudrait que les stands changent régulièrement. Il y a plus d'espace et d'animations, pour venir en famille avec des enfants, c'est sympa !", nous explique Edouard, 33 ans.

Les deux concepts sont très conviviaux : on peut autant y aller entre amis qu'en famille, ou pourquoi pas en solo... c'est très flexible ! On peut partager ou avoir son propre plat.

Eve-Marie

"Ce qui est pratique, c'est qu'il y en a pour tous les goûts, on n'est pas obligé de manger tous la même chose. En revanche, si on ne mange pas la même chose, on prend le risque de ne pas être servi en même temps", lance Eve-Marie.

Entre les Halles Agrivin et l'Entrepôt, son choix est fait : "Les halles, c'est un super concept, à mi-chemin entre pouvoir picorer et le vrai repas. On peut se prendre plein de choses à partager pour avoir une table conviviale. Ça coûte cher, mais c'est un juste prix de qualité."

"Le cadre est vraiment sympa à L'Entrepôt en bord de Seine et j'aime beaucoup la décoration à l'intérieur. En revanche, les plats sont moins attrayants qu'aux Halles", nous confie Audrey, qui travaille près des quais de Rouen.

"Chez Biltoki, il y a du choix, les bières ne sont pas chères, le concept est plutôt original par rapport à ce qu'on a en centre-ville de Rouen. En revanche, la nourriture est chère, les quantités ne sont pas folles et c'est trop bruyant, nous explique Nicolas. À l'Entrepôt, il y a de la place et du choix, mais là aussi, c'est cher et les portions ne sont pas généreuses. Comme ce sont des enseignes qui existent déjà dans Rouen, il n'y a pas d'originalité."

À Rouen, comme partout ailleurs, tous les goûts sont dans la nature.

À Caen, le concept peine à s'implanter

Côté ex-basse Normandie, difficile de trouver un concept similaire. À Caen, un projet controversé de halle gourmande et de commerces en plein centre-ville sur la place de la République est même devenu un long feuilleton à rebondissements.

Des opposants du projet proposent leur vision végétale et aérée plutôt qu'une halle.

Pour tester le concept dans le Calvados, il faut se rendre à Hérouville-Saint-Clair, près de Caen chez Ô Jours heureux. Huit restaurants se sont réunis dans un seul et même lieu dans le food court. Au menu : burgers, grillades, pâtes, pizzas ou encore poké bowls. Tout le monde y trouve son compte.

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