Depuis ce vendredi 28 mai 2021, une grève illimitée a commencé au Samu de Rouen (Seine-Maritime). En cause la création du numéro unique de secours le 112 qui centralise les appels destinés à la police, aux pompiers et au SAMU. Cette réforme ne fait pas l'unanimité chez les professionnels.

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C’était une des promesses du candidat Macron : un seul numéro le 112 qui regroupe les 3 numéros d’urgence accessibles actuellement (le 18 pour les pompiers, le 15 pour le SAMU et le 17 pour la police). La proposition de loi portée par le député LREM Fabien Matras a été votée à l’Assemblée Nationale.

Près de 750 amendements ont été déposés. Certaines régions (pas la Normandie) vont tester ce système avant une généralisation à tout le territoire.

La CFDT, syndicat majoritaire au SAMU de Rouen a donc lancé un appel à une grève illimitée suivi par une vingtaine d’agents de régulation. Ils craignent la disparition du centre 15 et de son expertise hospitalière. Frédéric Louis, secrétaire de la section CFDT reconnaît une négociation propice au dialogue avec la direction du CHU de Rouen qui comprend les inquiétudes : « depuis plusieurs mois nous constatons une augmentation de nos appels et nous demandons plus de moyens pour pouvoir aider et aiguiller au mieux les patients. Nous travaillons en bonne intelligence avec les pompiers mais nous avons la chance de pouvoir envoyer des médecins spécialisés en fonction des symptômes du patient : Seul un assistant de régulation médicale ou un médecin peut répondre aux appels du 15 pour mesurer les bons moyens à engager. C’est un travail très spécifique. Diviser les réponses sera une perte de temps pour les patients. »

La direction de l’hôpital de Rouen est en train d’étudier ses capacités de financements pour le renfort d’effectifs. Elle a déjà acté le passage de tous les assistants en catégorie B et l’uniformisation des primes (de nuit notamment).

Sur l’argument de généraliser le fonctionnement d’un numéro unique comme chez nos voisins européens ou le 911 aux Etats-Unis, la CFDT répond qu’il faut garder notre système français :

Aux Etats-Unis, on envoie systématiquement une ambulance quels que soient les symptômes. En France, c’est l’hôpital qui se déplace chez vous avec toute une équipe formée du SMUR. »

Frédéric Louis, Secrétaire CFDT

Dans l’Hexagone, 31 millions d’appels d’urgence sont reçus par an.

Une véritable mise en danger des patients

Cette nouvelle organisation emporte l’adhésion des pompiers mais pas celle du corps médical.

Une tribune a été publiée dans le JDD dans laquelle le SAMU et plus de 250 signataires s’opposent à l’instauration du 112 :

Ce numéro unique aurait aussi pour objectif de dissocier les appels concernant la santé entre le 'très urgent', qui relèverait du 112, et le 'moins urgent', correspondant à un autre numéro : cela reviendrait, en pratique, à instaurer un système imposant au patient d'évaluer seul la gravité de son état.  

Tribune du SAMU et médecins dans le JDD

Thomas Delomas, directeur médical au SAMU 50, a signé cette tribune dans le JDD : "Certes la reconnaissance et la revalorisation des sapeurs-pompiers est importante mais envisager un numéro unique avec les professionnels de santé qui serait sous l'égide de cette profession qui dépend du Ministère de l'Interieur, nous ne comprenons pas l'esprit qui a pu guider le texte". 

"Demain, on va demander à des professionnels du secours d'interagir avec un patient qui fait un infarctus et qui pourrait être interprété comme un simple malaise, nous dénonçons une mise en danger des patients et une dégradation de l'offre de soin. Honnêtement, l'Europe nous envie notre système actuel, la régulation des appels médicaux, c'est spécifique, on est formé à ça et on a l'expérience de terrain. Ce qui nous inquiète, c'est l'impossibilité de joindre un médecin dans l'urgence, la notion de secret médical avec le service de l'Interieur et l'autodiagnotic"

Le médecin est partisan à terme de deux numéros : le 112 et le 113. Le 113 pour la santé, urgence réelle ou ressentie, le 112 pour les secours et la sécurité.

Le numéro unique 113 permettrait de désengorger les urgences en orientant mieux les patients. " Cela soulagerait les pompiers appelés pour tout, sur sollicités pour des interventions qui ne devraient pas dépendre d'eux. "

Les alternatives au numéro unique

Thomas Delomas" nous allons expérimenter dans la Manche (qui fait partie des 22 départements test) au second semestre le SAS ( Service d'accès aux soins)  qui va regrouper médecins libéraux et médecins urgentistes pour déterminer le mieux à faire selon la situation (Samu, médecin généraliste ou spécialiste, téléconsultation) . Pour nous, c'est un projet viable médicalement, avec du personnel formé à ça et un numéro commun et pas unique. "

Une plateforme commune dans l’Orne

Christophe de Ballore, du SDis de l'Orne est favorable à ce numéro unique et nous précise qu’à compter du 1er juin une nouvelle plateforme sera en place dans l’Orne : " nous avons créé une plateforme commune Samu et Pompiers au sein de l’état-major du SDIS avec médecins régulateurs et ambulanciers privés. Les numéros d’urgence 15 et 18 sont maintenus : ce rapprochement des équipes permettra de construire ce nouveau centre départemental d’appels d’urgence. " A terme, avec de nouveaux locaux, on pourrait envisager d'accueillir dans ces locaux des gériatres ou psychiatres d'urgence pour mieux orienter la population". " Concrètement, le citoyen qui fait le 15 ou le 18 tombera de façon indifférenciée sur l'une ou l'autre des professions à partir du 1er juin et l'appel sera ensuite régulé ". Selon de Ballore, cette solution est une véritable économie d'échelle et un meilleur service, pour éviter les erreurs d'orientation, et faciliter un travail en " interconnexion"". 

" Pour le moment, la question n’est pas celle du numéro unique mais du travail ensemble. Moi je veux que le blanc de la santé et le rouge des Secours travaillent de concert. Pas de bleu pour l’heure (police et gendarmerie) des forces de l’ordre pour notre centre départemental qui sera opérationnel totalement cet été."

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