Protection de l'enfance : "On ne peut pas laisser les enfants dormir dans des couloirs"

Les services de la protection de l'enfance sont en grand danger, selon les syndicats et les professionnels. Ils sont mobilisés aujourd'hui un peu partout en France. Le budget du Département de la Seine-Maritime est voté aujourd'hui. Les travailleurs sociaux se disent en détresse et réclament plus de moyens pour prendre en charge les mineurs.

La surpopulation des établissements censés accueillir les enfants : c’est l’un des principaux problèmes rencontrés par les personnels de la protection de l’enfance. Des agents dont la mission est d’accompagner les familles en difficultés et les enfants parfois placés par la justice. 

"On ne peut pas laisser les enfants dormir dans des couloirs, des salles de jeux ou des bureaux. Il faut pouvoir les recevoir dans les meilleures conditions", explique Aïssa Latrèche, secrétaire général de la CGT Idehfi (Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion) en Seine-Maritime. 

"La majeure partie des SDF sortent de l'ASE"

Alors que le Département de la Seine-Maritime vote aujourd’hui son budget, ces manifestants réclament davantage de moyens financiers et humains pour offrir, disent-ils un accompagnement de qualité.

"Ce budget n'est pas suffisant pour que la protection de l'enfance fonctionne correctement et permettre aux jeunes d'être bien accompagnés", explique Séverine Verdier, secrétaire  générale de la CGT du Conseil départemental de la Seine-maritime.

La CGT estime également que le budget actuel ne permet pas de faire de la prévention et d’éviter notamment le placement des enfants.

"On a des besoins humains, des besoins financiers, pour qu'on puisse accompagner les familles en amont et éviter d'avoir trop de jeunes qui se retrouvent à la protection de l'enfance", poursuit Séverine Verdier.

Une fois que les enfants sont placés dans des familles d'accueil, il y a un manque d'accompagnement. Ça pose un problème quand on voit que la majeure partie des SDF sortent de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Séverine Verdier, secrétaire générale de la CGT du Conseil départemental de la Seine-maritime

Des élus de gauche en soutien

Une démarche soutenue par plusieurs élus de gauche. "Il y a un problème de méthode et un problème de moyen. Il y a besoin d'entendre pour savoir comment mieux les écouter et comment mieux fonctionner sur le terrain pour qu'ils ne soient pas dégoûtés à un moment donné parce que ça génère de la violence", explique Joachim Moyse, conseiller départemental de Seine-Maritime - Groupe de la gauche combative, communiste et républicaine et maire de Saint-Étienne-du-Rouvray. 

Une délégation a été reçue dans la matinée pendant qu’élus et manifestant ont chanté leur colère dans le hall du conseil départemental.

À Caen (Calvados), aussi, des salariés de l'association Amaëlle ont affiché leur inquiétude ce matin. Neuf postes sont menacés, ce qui pourrait signifier la fermeture du service de protection à l'enfance. Un service créé il y a plus de 25 ans et qui gère une centaine de dossiers. En cause : des problèmes financiers. 

"Arrêter l'activité du service c'est aussi une rupture du lien parents-enfants", explique Chadia Khallout, accompagnatrice sociale au service Enfance Famille.

Une commission d'enquête parlementaire

Ces dysfonctionnements de l'aide sociale à l'enfance vont être au cœur d'une commission d'enquête parlementaire. C'est ce qu'ont annoncé des députés socialistes le 13 mars 2024. Alma Dufour, députée LFI-Nupes de la (4ème circonscription) de la Seine-Maritime a écrit un rapport sur ce thème et a œuvré pour la mise en place de cette commission.

Mercredi 27 mars, elle a présenté avec son homologue communiste seinomarin, Édouard Bénard, les résultats d'une enquête réalisée auprès de 130 travailleurs de la protection de l'enfance.  Elle met en lumière le manque d'action de certains départements.

"Un éducateur spécialisé était venu me raconter des gros problèmes de violence qu'il pouvait voir dans les foyers. Des violences entre enfants mais aussi des violences sur des éducateurs. Il y a un manque d'effectif, ils sont à flux tendu en permanence et ça crée une situation de risque énorme pour les professionnels", rapporte la députée. 

Menaces de mort, coups et blessures avec des jours d'ITT sur les éducateurs, je me suis dit qu'il fallait enquêter sur ce qui se passait dans la protection de l'enfance au niveau du Département.

Alma Dufour, députée LFI-Nupes de la (4ème circonscription) de la Seine-Maritime

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Alma Dufour, invitée sur le plateau de France 3 Normandie jeudi 28 mars 2024 ©France Télévisions

"On constate que les droits des enfants ne sont pas respectés. Il y a des mesures non exécutées, c'est-à-dire environ 300 au niveau du département. Un enfant doit parfois attendre un an pour avoir la mesure de protection mise en place."

Que dit le rapport ?

65% des enfants suivis par les gens qui ont répondu au sondage présentent des troubles psychologiques graves ou des handicaps.

Les professionnels sont en grande souffrance : 85% disent que leur temps de travail n'est pas respecté. 79% se disent complètement dépassés par la charge de travail. Selon la députée, "la rémunération stagne, donc les éducateurs quittent la profession".

On est sur un phénomène d'hémorragie comme dans les Ehpads, les hôpitaux et c'est très inquiétant.

Alma Dufour

En Seine-Maritime, la députée souhaite que le président du Département "comprenne qu'il ne pourra pas faire mieux sans moyens supplémentaires". Alma Dufour demande au Département de débloquer 40 millions d'euros.

"Rappelons qu'en 2021 nous étions sur un budget à 197 millions. En 2024 nous sommes actuellement à 244 millions. C'est 23% de plus qu'il y a quatre an", rappelle Nathalie Lecordier, 3e Vice-Présidente en charge de l’Enfance, de la Famille, de la santé et de l’Egalité des droits du Département de Seine-Maritime.

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