Le gérant du River's pub n'accepte toujours pas la décision préfectorale de fermer son établissement un mois, pour avoir servi des personnes impliquées par la suite dans un accident mortel de la circulation. Il en appelle désormais au Conseil d'Etat, soutenu dans son action par l'UMIH, le syndicat national des cafés, hôtels, restaurants et discothèques.
"On pourrait s'arrêter là, mais j'ai décidé de me battre pour toute la profession". Quatre jours après la décision du tribunal administratif de Rouen de fermer pour un mois le River's Pub, son gérant, Jean-Luc Lecouteux, a saisi le Conseil d'Etat ce mardi 26 juillet pour contester cette décision. "Le tribunal administratif a confirmé que nous n'avions rien à voir avec l'accident. On nous reproche d'avoir servi des verres à des clients, cinq verres en trois heures de temps, qui n'étaient alors pas ivres. Nous n'avons pas été dans l'illégalité. C'est l'occasion pour nous de clarifier les responsabilités des uns et des autres" poursuit Jean-Luc Lecouteux.
L'UMIH, l'union des métiers et des Industries de l'Hôtellerie de Seine-Maritime a décidé de soutenir le cafetier. "Nous considérons que la sanction est rude. Selon nous, il y a deux sujets dans cette affaire : la sanction est-elle proportionnée, et qui est le vrai responsable de ce drame ? Est-ce celui qui a servi des boissons dans un bar, ou celui qui, plusieurs heures après, a continué son alcoolisation au sein de son entreprise, et donné les clés d'un véhicule à un homme manifestement ivre ??" s'interroge Philippe Coudy, le président de l'UMIH 76.
Pour rappel, le 22 avril 2022, un accident de la circulation s'était produit vers 17 heures sur le boulevard de Lesseps à Rouen, qui avait coûté la vie à une femme de 55 ans et blessé gravement sa fille de 25 ans. Le responsable de l'accident était ivre au moment des faits et roulait à vive allure. L'homme avait même tenté de prendre la fuite à pieds. Le conducteur avait alors été mis en examen, ainsi que son patron, accusé de complicité pour lui avoir donné les clés de sa voiture alors qu'il était ivre.
Si le tribunal administratif a admis qu'il s'était passé plus d'une heure trente entre la prise d'alcool du conducteur au River's Pub et l'accident, (temps passé dans son entreprise où il avait à nouveau consommé de l'alcool), il a toutefois estimé que le nombre de verres servis au pub était trop important. Ce que réfute Jean-Luc Lecouteux. Les serveurs n'avaient selon lui, rien remarqué d'anormal dans le comportement des clients. Il y a donc eu selon eux une rupture dans l'espace et le temps, qui sans dédouaner personne de ses responsabilités, explique leur ligne de défense.
Que dit la loi ?
Les établissements qui exploitent une licence IV de débit de boissons sont tenus à une règlementation et à des dispositions spécifiques, édictées par la loi de santé du 17 décembre 2015. Les établissements qui détiennent ce type de licence sont les cafés, snacks/bars, discothèques, restaurants, stations-services et marchands-ambulants.
Ces exploitants ont l'obligation d'afficher, à l'extérieur et à l'intérieur de leur établissement, les règles en vigueur, telles que la règlementation et la prévention de l'ivresse publique et l'interdiction de vendre de l'alcool aux mineurs. "La personne qui délivre la boisson exige du client qu'il établisse la preuve de sa majorité" dit la loi.
Les exploitants ont aussi l'obligation de suivre une formation, qui rappelle notamment les conduites à tenir face à l'ivresse. Parmi elles, l'interdiction de servir des boissons alcoolisées à quelqu'un visiblement ivre, sous peine de poursuites pénales. On ne doit pas servir une personne qui pénètre ivre dans un établissement, mais aussi cesser de servir une personne qui a déjà consommé dans le bar, mais dont on estime qu'elle a trop bu.
Mais il n'est pas toujours simple d'apprécier le niveau d'ébriété d'une personne. Trois verres d'alcool n'auront pas les mêmes répercussions sur un femme de 50 kilos que sur un homme de 90 kilos. Les difficultés d'élocution, les propos incohérents, la démarche incertaine peuvent être de bons marqueurs chez certaines personnes. D'autres "tiennent" mieux l'alcool et peuvent passer inaperçus.
Dans les établissements ouvrant la nuit, "un ou plusieurs dispositifs permettant le dépistage de l'imprégnation alcoolique doivent être mis à la disposition du public".
La responsabilité repose donc aussi et surtout sur l'éducation individuelle aux dangers d'une alcoolisation excessive.
En attendant de reprendre son activité, le gérant du River's Pub a mis une cagnotte en ligne, pour l'aider à payer les dépenses de justice, et à supporter les frais de l'entreprise le temps de la fermeture du bar.