Alors qu'il est interdit en France, le recours a une mère porteuse est autorisé dans différents pays. Arnaud s’est tourné vers la Colombie pour devenir père.
Arnaud Hadrys, la quarantaine passée, est célibataire. Militant LGBT+ en Normandie, il a défendu le mariage pour tous et aujourd’hui c’est au sujet de la GPA (Gestation pour autrui) qu’il se mobilise.
Une mère porteuse colombienne
Directement concerné, il a décidé d’avoir recours à une mère porteuse colombienne pour connaître le bonheur d’être père. Invité sur le plateau de notre émission "Enquête de Région", mercredi 27 septembre 2023, il nous raconte son parcours. Interview.
France 3 Normandie : Selon vous, pourquoi la France ne s’ouvre pas encore à cette pratique alors que c’est le cas dans d’autres pays Européens ?
Arnaud Hadrys : Je pense que la classe politique est complètement tétanisée sur ces questions. Les décideurs cèdent aux lobbys, il y a des associations réactionnaires et conservatrices qui sont très organisées. De nombreux pays ont légiféré en faveur de la GPA, mais en France, la situation est bloquée malgré une opinion publique qui est très favorable.
On retrouve un peu la même situation à propos de la fin de vie, une grande partie de l’opinion publique est favorable à l’évolution de la loi, mais rien n’est fait, il y a beaucoup d’inertie.
Une décision mûrement réfléchie
France 3 Normandie : Parlons de votre envie d'avoir un enfant. Comment est-elle née ?
Arnaud Hadrys : Tout d’abord, sachez que ça n’est pas venu du jour au lendemain, ça n’est pas du tout un caprice, comme on entend parfois. Il y a eu deux événements majeurs dans ma vie qui m’ont amené à prendre cette décision.
Le premier, c'est le mariage pour tous. Pendant des années, je me suis battu pour ce droit, sans jamais penser à avoir un enfant un jour. Et puis, j’ai rencontré un couple de jeunes militants, Léonard et Arnaud. Ils appartiennent à une autre génération, et pour eux, le combat ne se limite pas à la reconnaissance du mariage homosexuel, ils revendiquent aussi le droit à la filiation.
Pour moi, la GPA impliquait une marchandisation du corps de la femme à laquelle je suis absolument opposé. Mais cette rencontre m’a fait réfléchir, j’ai aussi vu que la législation évoluait dans d’autre pays : la GPA peut être encadrée pour devenir plus éthique, plus altruiste.
L’autre événement qui m’a fait changer de point de vue, c’est le décès de mon père qui a mis ma propre filiation en question. En tout cas, cela a fini de me convaincre : je voulais moi aussi avoir un enfant.
France 3 Normandie : Et pour avoir son propre enfant, vous avez donc choisi la GPA. Pourquoi ne pas avoir choisi l’adoption ?
Arnaud Hadrys : J'aurais pu adopter, mais il n'y a pas suffisamment d'enfants adoptables en France. Je crois qu’il y a environ 300 enfants par an en France et vous imaginez bien qu'il y a beaucoup plus de parents qui souhaitent adopter.
Pour moi, la filiation génétique était importante aussi. L'adoption m'a bien traversé l'esprit à un moment donné, mais finalement, les difficultés étaient bien plus grandes que pour faire une GPA.
La Colombie : un exemple de législation altruiste et éthique ?
France 3 Normandie : Dans votre cas, la gestation pour autrui va avoir lieu en Colombie. Pourquoi avez-vous fait le choix de ce pays ?
Arnaud Hadrys : Quand j’ai décidé d’avoir recours à une gestation pour autrui, j'ai recherché le programme qui se rapprochait le plus de mes valeurs humaines. Ce que j’ai trouvé en Colombie, c’est une démarche solidaire, altruiste et éthique.
Les mères porteuses sont très impliquées et la loi encadre bien les choses : ce sont elles qui ont le dernier mot. Il n’y a pas de rémunération directe pour éviter toute marchandisation, mais un fonds de garantie sociale. C’est une somme que je verse et qui ne peut être débloqué que pour des projets précis, comme une reconversion professionnelle par exemple.
Lors de la naissance, il est prévu que j’assiste à l’accouchement, et nous resterons en contact. Il n’est pas question que j’attende dans un couloir pour partir aussitôt avec l’enfant comme si c’était une marchandise.
Et les enfants dans tout ça ?
France 3 Normandie : Si vous devenez papa, avez-vous l'impression que vous serez davantage regardé que des couples hétérosexuels ?
Arnaud Hadrys : Évidemment, lors des débats à propos du mariage pour tous, la première difficulté, c'était justement ces fameux lobbies conservateurs. Leur but était d'empêcher cette filiation puisqu'ils partent du principe que l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer et que nous serions de mauvais parents.
Or, ce que je constate aujourd'hui, c'est que les services d'aide à l'enfance sont saturés d'enfants nés de parents hétéros et pas d'enfants nés soit par GPA, soit par PMA. Notre désir d'enfant est tellement immense qu'on souhaite le meilleur.
Nous sommes bien conscients que comme nous sommes différents, on sera ausculté par la société et on ne nous pardonnera rien. Dans cette situation, on fera tout pour que notre enfant soit le mieux éduqué, le mieux instruit et surtout le plus heureux du monde.
Retrouvez l'entretien complet en vidéo dans notre émission "Enquêtes de région - Les nouvelles parentalités : tous parents ?", mercredi 27 septembre 2023, sur France 3 Normandie ou en replay ici.