Un ancien instituteur a été condamné à de la prison ferme par le tribunal d'Évreux, jeudi 7 septembre 2023, pour agressions sexuelles sur d'anciennes élèves d'une école de Bernay dans les années 90. L'une d'entre elle témoigne.
[Mise à jour vendredi 8 septembre 2023] L'ancien instituteur a été condamné par le tribunal d'Évreux à trois ans de prison, dont deux avec sursis. L'homme écope donc d'un an de prison ferme sous bracelet électronique, au regard de son âge (l'homme est né en 1938, NDLR).
Il a également été condamné à verser 6 000 euros de dommages et intérêts à chacune des victimes. Lors de l'audience, l'homme a avoué et présenté ses excuses. "Cette peine paraît médiocre par rapport au nombre de filles touchées par ces actes. Nous, victimes présentes, les filles prescrites et toutes celles dans l'ombre malheureusement. Mais il finit sa vie avec l'étiquette de pédophile et ça, c'est un soulagement, après nous avoir pris pour des menteuses pendant tant d'années", réagit Blandine Lemaitre, 42 ans, l'une des victimes.
De son côté, Blandine Lemaitre n'a porté plainte qu'en 2019, soit près de 30 ans après les faits. Elle a longuement hésité à maintenir cette action en justice puis elle s'est dit : "il faut le faire, si on ne fait rien, ça ré-arrivera !". Ce qui l'a décidé, c'est aussi la démarche d'une de ses anciennes camarades d'école. Une fois devenue maman, celle-ci a décidé de témoigner sur son passé de petite victime.
"Ça arrivait tout le temps, dès qu'il avait l'occasion"
Blandine revient sur cette sombre année, au début des années 90 : elle n'a que 10 ans, elle est scolarisée dans une école de Bernay, dans l'Eure. Elle dit alors avoir subi de nombreux attouchements de la part de son instituteur de CM2, également directeur de l'école.
Ça arrivait tout le temps, dès qu’il avait l’occasion, il se penchait et en profitait pour me caresser. Une fois, au cinéma, j’ai dû m’assoir à côté de lui, il pouvait me caresser les cuisses… ça paraissait presque normal, on ne sait même plus. J'avais honte !
Blandine - Plaignante dans un procès pour attentat à la pudeur
La quadragénaire pense qu'elle était la seule de sa classe à subir ces gestes, et que les autres camarades ne le voyaient pas. Elle aurait essayé de l'exprimer à l'époque, mais on ne l'aurait pas cru. Elle a pourtant alerté ses parents, le directeur "les a rappelés après pour leur dire que je regardais trop de films pornographiques." . Des années plus tard, et après avoir porté plainte, Blandine a croisé dans une rue de Bernay une ancienne institutrice de l'école. Je lui ai parlé "je suis Blandine", elle m'a répondu "ma pauvre petite chérie, je suis désolée".
"On m’aurait cru, ça n’aurait pas continué… c’est ça qui me fait mal aujourd’hui"
Comme Blandine, elles sont en tout cinq femmes à avoir porté plainte contre cet instituteur, aujourd'hui âgé de 84 ans. Selon elle, il y aurait d'autres victimes au sein de son école, mais également les filles des amis du couple ainsi que sa petite-fille par alliance. " Sa femme était directrice d'une autre école de Bernay, le couple s'entendait bien avec les parents d’élèves, pendant qu’elle discutait avec eux, lui s’occupait des jeunes filles. C’est un pédophile".
Presque 30 ans plus tard, Blandine regrette de n'avoir pas été entendue, cela aurait protégé, selon elle, d'autres petites filles.
L'ancien directeur d'école, né en 1938, a été placé sous contrôle judiciaire en mai 2019 suite aux premières plaintes. Son avocat ne souhaite pas s'exprimer sur cette affaire, à la demande du prévenu.
Le point sur le procès
Les cinq plaignantes arriveront au tribunal judiciaire d'Évreux main dans la main. Certaines sont victimes d'attentat à la pudeur pour des faits remontant au début des années 90 et l'une d'entre elle pour agression sexuelle en 2003 et 2004. Les faits se sont déroulés à Bernay et Ecaquelon, selon les plaignantes. Pour toutes en tout cas, le prévenu comparaît pour des faits commis sur mineur de 15 ans par ascendant ou personne ayant autorité.
Blandine, comme les autres, a envie de s'exprimer lors de cette audience, "on veut lui faire avouer des choses".
Elles ont déjà prévu d'arriver ensemble, main dans la main au procès.
