Victime en 2019 d'une agression sexuelle à la maison d'arrêt de Rouen (Seine-Maritime) commise par un de ses collègues, une surveillante pénitentiaire veut briser le silence.
Nous allons l'appeler Laurie. Un autre prénom que le sien car elle veut garder une part d'anonymat. Laurie a 29 ans. Elle a été surveillante de prison à la maison d’arrêt de Rouen pendant 4 ans. Le 19 avril 2019, elle a subi une agression sexuelle pendant son service.
Le 9 juillet 2022, pour briser le silence, l'omerta qui entoure cette affaire, elle a accepté de raconter ce qui lui est arrivé à notre journaliste Maxime Fourrier :
"À la porte d'entrée, mon collègue, que je n'avais pas vu sur le coup, a posé ses mains sur mes hanches, les a remonté jusqu'à ma poitrine et a exercer une pression sur celles-ci."
- Quelle a été votre réaction au moment de l'agression?
"J'ai honte… Tout de suite… Pourquoi ? Je ne saurai pas vous dire. J'ai honte que ça m'arrive. Je me suis dit mais qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai… C'était mon collègue en fait. C'était pas un détenu : je ne m'attendais pas à ça !"
"Je décidé de déposer plainte. Et quand je dépose plainte j'ai l'impression de partir dans un long périple. La policière me convoque sur mon lieu de travail et me dis "voilà, étant donné qu'il est surveillant on va pas le placer en garde à vue" et ce malgré la demande du procureur… Et ça aussi je le vis comme une humiliation…"
"Je pense à mes collègues surveillantes. C'est pour elles que je veux parler. Il faut arrêter de se taire, il faut arrêter de cacher ces pervers, il faut les dénoncer."
Laurie, surveillante pénitentiaire agressée sexuellement par un collègue
Elle se retrouve obligée de travailler avec son agresseur
Après ces faits d'agression sexuelle, pendant des semaines, Laurie continue de travailler dans les coursives de Bonne-Nouvelle, le nom de la prison rouennaise. Elle se retrouve isolée, toujours aux côtés de son agresseur.
"J'avais pas l'impression d'être soutenue. J'allais travailler parce qu'il fallait y aller. J'étais amenée à travailler avec mon agresseur. On m'a planifiée avec cette personne. On m'a mis encore à travailler avec lui : une deuxième fois, une troisième fois… Donc, je ne venais pas. Ma réponse c'était soit je ne viens pas, en absence irrégulière, soit je me mets en arrêt."
"Le mirador c'est un poste de travail où les surveillants sont armés. On ne sait pas ce qui peut se passer…"
Parler pour ses collègues surveillantes
Au début de l'été 2022, la justice a tranché en faveur de Laurie. Son agresseur (et ancien collègue) a été condamné à 8 mois de prison avec sursis.
"J'ai repris mon statut de victime. Je me suis battue pour avoir ce statut. [Pour mon collègue] j'étais une menteuse, une fille à problèmes, une balance… Non, la vérité c'est qu'il est coupable ! lI est auteur d'agression sexuelle, voilà, il est à sa place, c'est tout."
"Je pense que c'est arrivé à d'autres personnes. Je pense à mes collègues surveillantes qui vont se dire "on va rien dire parce que on a pas de preuve." C'est pour elles que je veux parler, pour qu'elles puissent voir que la vérité, c'est ça la preuve en fait, finalement.
Il faut arrêter de se taire, il faut arrêter de cacher ces pervers, il faut les dénoncer."
Depuis cette affaire Laurie a été contrainte de quitter la Normandie pour exercer son métier dans une autre région.
L'administration pénitentiaire, sollicitée par la rédaction de France 3 Normandie, n’a pas souhaité répondre aux questions de l'équipe de tournage de notre journaliste Maxime Fourrier.