Près de 250.000 personnes sont victimes chaque année de violences conjugales. Un fléau qui touche 9 fois sur 10 des femmes. Depuis 2019 et le Grenelle des Violences conjugales, l'Etat a créé des centres de prises en charge des auteurs de violences. En Normandie, quatre antennes existent, dont une à Rouen, qui a ouvert en 2021.
C’est un rendez-vous incontournable de leur agenda. Chaque lundi, à 18h, un petit groupe se retrouve pour échanger, autour de la violence. Dans cette salle, ils sont cinq, tous sont des auteurs de violence sur leur partenaire.
Ils ont été condamnés par la justice ou sont en attente de jugement. En plus de leur peine, ils ont l’obligation de suivre treize ateliers comme celui-ci, d'un peu plus d'une heure.
Mieux les accompagner
"Il y a eu longtemps une réponse, surtout judiciaire, qui a été apportée aux auteurs de violences conjugales. Aujourd'hui, nous nous sommes aperçus que cette réponse n'était pas suffisante, explique Delphine Badouard, la directrice du pôle justice".
Il y a des condamnations prononcées, évidemment, mais il faut pouvoir les coupler avec des accompagnements thérapeutiques, collectifs, comme on le propose avec le CPCA, le centre de prise en charge des auteurs de violences conjugales.
Delphine Badouard, la directrice du pôle justice.
Au fur et à mesure des semaines, différents intervenants se succèdent pour évoquer la communication non-violente, la gestion des émotions ou encore les conduites addictives. "En plus de la peine, ça permet de travailler sur ce que l'on a fait, pour ne pas que cela se reproduise. À partir du moment où il y a une réflexion, c'est toujours bénéfique", estime un des participants.
Mettre des mots sur les violences
La séance d'aujourd'hui est la quatrième pour ce groupe et la plupart sont encore dans le déni. "Très souvent, les personnes pensent que la violence s'arrête à la violence physique, mais il y a tout ce qui est de l'ordre de la violence morale, les violences administratives, les violences matérielles, assez méconnues du grand public", explique Karine Picot, psychologue et intervenante lors de ces ateliers.
Lors de sa participation, la psychologue a remarqué que très souvent, ceux présents lors de ces échanges apprennent beaucoup de choses et avouent même que "s'ils avaient su cela avant, ils auraient pris conscience plus tôt, et auraient fait appel à l'aide avant".
Plus de cent hommes sont passés ici depuis l'ouverture du dispositif. Ils ont entre 22 et 70 ans et représentent tous les milieux sociaux. "C'est un groupe fermé, avec tout le temps les mêmes personnes. Cela permet, sur les quatre mois, de planter des petites graines dans les têtes de ces personnes qui sont mises en cause ou condamner pour des violences conjugales", ajoute Delphine Badouard, la directrice du pôle justice.
Éviter d'autres drames
Ces ateliers permettent aussi de les outiller pour "l'après" et leur permettre d'identifier des situations qui peuvent les mettre en tension ou qui vont favoriser le passage à l'acte. La plupart des auteurs de violences conjugales sont également pris en charge individuellement.
Ces ateliers collectifs, animés par une psychologue ou une éducatrice, proposent une autre approche. "Quand on sort d'une séance, on se pose toujours des questions. On se demande ce que cela nous a apporté. Finalement, cela nous a fait grandir", raconte avec émotion un homme, qui fait partie de ces ateliers. "C'est aussi leur permettre d'être aidé et être sensibilisé par des pairs, des personnes qui ont vécu la même situation. C'est ça qui est bénéfique pour eux", explique la psychologue.
En 2022, trente personnes ont suivi le dispositif à Rouen, les 3/4 n'ont pas récidivé.