L’odeur de fumier et le cri du coq vous gênent ? En pleine crise du monde paysan, un projet de loi est examiné au Sénat ce mardi 12 mars 2024 sur les nuisances des exploitations agricoles, et sur les troubles du voisinage qui en découlent. Cette loi viendrait protéger davantage des agriculteurs. Explications.
Depuis plusieurs années, des conflits de voisinage font régulièrement les gros titres des journaux : des citadins s'installent à la campagne et ne supportent pas le bruit des animaux et des moissonneuses-batteuses.
Les exploitants agricoles sont pointés du doigt par des habitants installés à quelques mètres. "Ça devient malheureusement de plus en plus fréquent", lance Franck Grémont, exploitant agricole près de Petit-Caux (Seine-Maritime) et représentant de la FNSEA76.
Selon la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), près de 500 agriculteurs feraient face à des procès intentés par des voisins. "Une certaine partie des nouveaux habitants qui arrivent dans notre commune veulent une certaine tranquillité et n'acceptent pas des nuisances provenant de notre profession, que ce soit du bruit ou des odeurs", poursuit Franck Grémont.
Il y a 12 ans, Franck Grémont, installé près de Petit-Caux reçoit une plainte pour tapage diurne. Odeur de fumier, meuglement et aboiement gênent un voisin qui vient de s’installer. "On a été au tribunal. On a parlé devant le juge des différents problèmes remontés par le plaignant. Le juge a dit, s’il y a plainte, il faut enlever le problème"
Franck Grémont a par exemple dû déplacer la niche de son chien. Mais demain, ce genre de mesure n’arrivera plus.
Une loi pour protéger les agriculteurs
Pour les protéger et combler un vide juridique, une proposition de loi a été adoptée en décembre 2023 à l'Assemblée nationale. Le projet de loi préconise qu’un nouvel habitant ne pourra pas se plaindre des nuisances venant d’une activité agricole qui existait avant son installation.
Les plaintes déposées pour trouble anormal de voisinage étaient jusqu'à présent laissées à la libre appréciation des juges, même si ces conflits ont fait l'objet d'une longue jurisprudence au fil des années.
"Ce sont très souvent des personnes de l’extérieur qui arrivent, qui méconnaissent totalement notre métier. Ils viennent à la campagne pour une certaine tranquillité, un repos", poursuit l'agriculteur.
Des plaintes de néoruraux
Selon ce représentant de la FNSEA, ces critiques sont de plus en plus fréquentes, et viendraient essentiellement des néoruraux. Mais pour le président de maires ruraux justement, il faut nuancer ce postulat.
"Les néoruraux, ils n'ont rien contre l’agriculture. Bien souvent tout le monde a des attaches sur le milieu agricole. Un Parisien gêné par le coq, c'est caricatural ?", nuance Jean Philippe Lesmesle, président des maires ruraux de Seine-maritime.
Un projet de loi pas assez poussé ?
Néoruraux ou pas, pour Franck Grémont la future loi ne va pas assez loin. Elle protège l’existant, certes, mais pas les évolutions de l’exploitation. Par exemple, face au réchauffement climatique, son bâtiment doit être mieux ventilé, de nouvelles ouvertures sont créées.
Résultat, pour les vaches, plus defraîcheurr, mais pour les voisins, plus d’odeurs. Sur ce point, un amendement doit être étudié par les sénateurs.
"La loi pourrait nous soulager pour éviter des grosses tensions avec nos voisins. On est attentif à ça. Il faut qu’on fasse évoluer la loi dans ce sens-là pour nous protéger pour demain", conclut Franck Grémont.