De l'élevage laitier à la culture du safran, le parcours de Laurence et Jean-Marc Retout

A Harcanville, près de Doudeville (76), en plein coeur du pays de Caux, Laurence et Jean-Marc Retout se sont lancés il y a 4 ans dans la culture de cette épice. Aujourd'hui, ils vendent leur production aux restaurants étoilés et aux épiceries fines.

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L'aventure a démarré un peu par hasard. "En 2015, nous avons fait le choix d'arrêter notre activité lait car cela devenait trop compliqué. On voulait trouver autre chose. En regardant un reportage sur le safran, nous nous sommes dit que nous pourrions peut-être essayer d'implanter cette culture dans le pays de Caux" se souvient Laurence Retout.

Le couple prend trois années pour mûrir le projet. Et en 2018, ils se lancent. Jean-Marc Retout suit une formation et plante 10 000 bulbes. De quoi récolter environ 50 grammes de safran la première année.

Une culture très manuelle

"Aujourd'hui, nous avons atteint 30 000 bulbes plantés sur une surface d'un hectare. C'était notre objectif initial. Nous allons encore nous développer mais nous ne dépasserons pas les 2 hectares" confie l'agricultrice.

Car le safran est une culture très exigeante. L'essentiel se fait à la main : de la cueillette en plaine jusqu'à l'émondage, lorsqu'il faut retirer les pistils de chaque fleur. Dans notre région, la floraison débute fin septembre-début octobre et s'achève en novembre en fonction de la météo. L'été, le bulbe dort avant de fleurir de nouveau à l'automne. D'une année sur l'autre, les bulbes plantés se multiplient et donnent donc davantage de fleurs. Très résistante, la plante supporte des étés secs de type méditerranéen et des températures hivernales jusqu'à -10°C,

350 fleurs émondées par heure

Après avoir cueilli les précieuses fleurs, Laurence s'installe sur la table familiale du salon. Munie de sa pince à épiler, elle débute l'opération d'émondage. "C'est très minutieux. J'écrase la base de la fleur et avec la pince, je viens retirer le pistil. Chaque pistil est composé de trois filaments qu'il faut conserver ensemble" décrit la cultivatrice. "En moyenne, j'émonde 350 fleurs à l'heure". Autant dire que Laurence va devoir s'armer de patience. La veille de notre tournage, elle a récolté 3 677 fleurs. 

Ensuite vient le séchage. Disposés sur une planche, Laurence les met à déshydrater. "Les pistils perdent alors 80% de leur poids" précise-t-elle. Enfin, elle les dispose dans de grands bocaux pendant 4 à 6 semaines pour que la saveur se réhausse.

L'épice la plus chère au monde

La précieuse est ensuite vendue à des grands restaurants et à des épiceries fines de la région. Car le safran est une épice de luxe qui se monnaie environ 35 000 euros le kilo. Si Laurence et Jean-Marc font partie des rares normands à s'être lancé dans cette aventure, la France a connu son heure de gloire. 

Au XIXème siècle, avec 30 tonnes produites par an, elle est l'un des gros producteurs mondiaux. La production se concentre alors dans le Loiret. Mais les hivers très froid de 1880-1881 ajouté à l'exode rural, au coût de la main d'œuvre et à l'apparition de colorants chimiques précipitent le déclin de cette culture. Elle sera relancée près d'un siècle plus tard en 1987 toujours dans le Loiret. Au niveau mondial, l'Iran est aujourd'hui le premier producteur de safran au monde suivi de près par l'Inde. 

Laurence et Jean-Marc Retout se lancent dans leur quatrième récolte : "l'activité n’est pas encore rentable. Mais nous ne sommes pas perdants. C'est aussi pour nous le plaisir de pouvoir aller le vendre et faire des rencontres avec des gens sur les marchés locaux".

Tout le week-end d'ailleurs, Jean-Marc a animé un stand à la Fête du ventre dans les rues de Rouen. De quoi le changer de l'élevage laitier qui le faisait le plus souvent rester à la ferme.  

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