De la vallée de l'Eure aux terrasses de Marseille... des agriculteurs distillateurs normands font pousser du fenouil amer et en extraient l'huile essentielle pour le pastis du groupe Pernod Ricard. Un contrat longtemps tenu secret, aujourd'hui révélé et expliqué.

Dans les champs, près de Pacy-sur-Eure, se dressent de hautes tiges vert tendre aux fleurs jaunes.  Les insectes pollinisateurs en raffolent. Ce n'est pas du colza mais du fenouil amer.

En août, des graines mûrissent, elles ont un goût intense d'anis. Cet été la récolte s'est faite plus tôt à cause de la canicule : "Habituellement la récolte dure un mois du 15 août au 15 septembre. On a terminé autour du 15 août. La récolte n'aura duré que deux semaines. Sur toutes les plantes aromatiques on voit l'effet du réchauffement climatique"  nous explique Valentin Raoul, agriculteur et gérant de Normandie arômes. 

Son groupement est le seul au nord de la Loire à cultiver ce fenouil amer et à en extraire l'huile essentielle pour le pastis du numéro 2 mondial des vins et spiritueux. 

Le terroir et le climat normand, un atout assumé aujourd'hui par la marque marseillaise 

Il y a 17 ans, une famille d'agriculteurs de Breuilpont, innovatrice, avait été contactée par le groupe Pernod Ricard.

Elle avait investi dans un grand distillateur pour extraire de l'huile essentielle de plusieurs plantes et convaincu d'autres exploitants eurois de se diversifier dans la menthe, l'aneth ou le thym. Des essais de culture de fenouil amer ont eu lieu. Le fils de ces agriculteurs, Valentin a aujourd'hui repris la société Normandie Arômes :

On s'est aperçus qu'on avait le même rendement que les exploitations dans le sud, ce qui nous a permis de développer l'activité. Pernod Ricard cherchait une distillerie de taille industrielle pour fournir de grandes quantités d'huile essentielle.

Valentin Raoul, gérant de Normandie Arômes

Le fenouil normand est entré discrètement dans la recette du pastis de Marseille. La marque partage aujourd'hui son objectif d'augmenter la part de fenouil dans ses ingrédients, de diversifier la provenance en favorisant l'origine française. "Avant on se fournissait surtout en badiane chinoise mais depuis 17 ans nous accompagnons les agriculteurs sur la culture du fenouil, nous fournissons les semences, l'appui technique et on achète l'intégralité de la production", explique Virginie Bartholin, responsable des achats de Pernod Ricard France.

Cet été, la Normandie a eu, grâce à un climat plus tempéré, un meilleur rendement que les champs des Alpes-de-Haute-Provence.

L'anéthol, une molécule naturelle, qui donne la saveur anisée et le trouble quand on verse l'eau dans le pastis

Sitôt fauché, le fenouil amer est acheminé vers le distillateur où se déroule un dédale de 2 kilomètres de tubes en métal. Il flotte un parfum suave dans la campagne normande. "On envoie de la vapeur dans la plante, la vapeur extrait les gouttelettes d'huiles essentielles par un système de refroidissement on décante l'huile de l'eau", détaille Jean-Luc Placier, agriculteur qui fournit une partie de la récolte. 

L'huile essentielle du fenouil de l'Eure a été sélectionnée pour la composition du pastis car elle est riche en anéthol, une molécule naturelle que l'on retrouve dans toutes les plantes qui ont la saveur anisée ( badiane, anis, fenouil amer, fenouil commun bulbe).

Cette molécule n'est pas soluble dans l'eau, d'où l'aspect laiteux quand on en ajoute dans le pastis.

 

De la valeur ajoutée pour les agriculteurs et la renommée d'un produit typiquement français

Les agriculteurs distillateurs sont liés par un contrat d'exclusivité pour leurs récoltes de fenouil amer. Leur production d'huiles essentielles répond aux certifications européennes et internationales (la société euroise est première en Europe pour l'huile essentielle de menthe)

Pour travailler avec le groupe Pernod Ricard, sur une boisson presque centenaire vendue par millions de bouteilles, la traçabilité est indispensable. "On est capable de dire que chaque fût, chaque goutte d'huile essentielle, provient de telle ou telle parcelle, qui est passé dedans et combien de fois", précise Valentin Raoul. "En tant qu'agriculteur, c'est une façon de capter de la valeur, aujourd'hui on est distillateurs autant qu'agriculteurs".

Dans la vallée de l'Eure, la surface de culture de fenouil amer pour "le pastaga" devrait passer de 150 à 190 hectares. 

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