C'était le dernier commerce de Criquetot-sur-Ouville. La boulangerie Rose était tenue par la même famille depuis 4 générations. Ouverte en 1935, elle a fermé ses portes le samedi 31 décembre 2022. Sans espoir de reprise pour le moment.
Sur le comptoir, s'étalent les derniers croissants au beurre, les ultimes baguettes croustillantes, les chaussons aux pommes dorés à souhaits.
La clochette de la porte ne cesse de retentir. Les clients fidèles défilent, donnent un petit mot à la boulangère, tendent un cadeau, des pots de confiture. En guise d'adieu et de remerciement.
Dans le fournil, Frédéric Rose, ému, avoue avoir la gorge un peu serrée. Le boulanger se sent presque gêné de partir à la retraite :
Cette boulangerie, c'est le dernier commerce du village. Après nous, c'est fini. Je ne vais pas pleurer, mais ça me fait quelque chose. On abandonne un peu les gens, quelque part, ils se retrouvent orphelins...
Frédéric RoseBoulanger
Car la boulangerie Rose fait partie intégrante de la petite commune de Seine-Maritime depuis 1935.
C'est le grand-père de Frédéric qui a racheté une ferme et l'a transformé en boulangerie : "ça fait 45 ans que je travaille dans cette boulangerie", raconte Frédéric Rose. "J'y travaillais avant de partir à l'armée, et quand je suis revenu, en 1980, j'ai travaillé avec mon père avant de la reprendre. On a racheté du matériel et on a tout refait en 1995, notamment la devanture."
Frédéric Rose est le représentant de la 4 è génération de boulangers. Ce 31 décembre 2022, il clôt donc un chapitre vieux de 87 ans.
"Certains clients sont en pleurs"
Quand Frédéric s'active au fournil, sa compagne, Manuella Fontaine, s'occupe des ventes. Sans se départir d'un franc sourire. En tendant deux baguettes "tradition" à l'un de ses clients, elle nous explique, les larmes aux yeux :
"Ca va être dur...C'est avec une grande émotion qu'on quitte cette boulangerie. C'est une page qui se tourne pour notre famille, nos enfants, mais aussi pour nos clients. Certains sont encore plus émus que nous, il y en a même qui pleurent. C'est des clients qu'on a connu bébé, ados, puis qui ont été parents à leur tour. C'est très famille ici, et les clients sont très gentils avec nous"
Manuella n'a quant à elle pas encore l'âge de la retraite, elle cherche une reconversion possible.
Après plus de 40 ans de labeur, Frédéric aura quant à lui travaillé 2 tonnes de farine par mois, 6 jours sur 7. Un travail éreintant, qu'il a aimé. Il n'a pas " volé " sa retraite et avoue : " y'a une fin à tout ! "
Le 31 décembre à 19 heures, la boulangerie à la devanture rose a donc baissé son rideau pour la dernière fois. Pour l'instant, le rachat du seul commerce du village n'est pas à l'ordre du jour, car il nécessiterait de nombreux investissements. Aucun repreneur ne s’est clairement manifesté.