Dans "Suzanne" (éditions Equateurs), le journaliste Frédéric Pommier nous raconte la vie de sa grand-mère. A 95 ans, Suzanne a dû se résigner à vivre en EHPAD, où les humiliations sont quotidiennes. Pourtant, Suzanne aussi a été jeune. Elle aussi, a rêvé, aimé, pleuré en traversant le XXème siècle.
Une enfance normandeSuzanne est née en 1922 à Sainte-Adresse. Un beau bébé de l’entre-deux-guerres qui "ressemble au bébé Cadum des affiches de réclame pour le savon". Un oncle, Henri, est "mort pour la France" en 1914. Mais Suzanne grandit joyeusement au Havre, entourée des siens, bon-papa, bonne-maman, sa mère Louise et son père décorateur de théâtre, dont elle se sent si proche. Son terrain de jeu : le quai George V et le bassin du commerce. Elle aime admirer les navires, les paquebots, assister aux matchs de water-polo, et aller au cinéma sonore.
A 10 ans, Suzanne doit quitter Le Havre, sa ville adorée. Elle déménage à Caen, où son père ouvre un magasin de nouveautés avec son cousin Charles. La famille s'installe rue de l'Arquette, tout près de l'hippodrome. En 1934, un petit frère meurt sans avoir eu le temps de vivre. Premier deuil.
Suzanne ira au lycée Pasteur où elle nouera de solides amitiés, avec Jeanne, Yvette, Solange, avec lesquelles elle se baigne sur la plage de Riva-bella. C'est l'âge aussi des premiers regards amoureux, des promesses de Maurice.
Mais en 1939, la vie de Suzanne bascule : son père, ruiné, doit quitter Caen. Et l'ombre de la guerre qui s'étend dangereusement...
Sourire quand même
Le journaliste Frédéric Pommier nous raconte chaque année de la vie de sa grand-mère. Comme pour ne pas oublier qu'avant les rides et la dépendance, il y avait une femme qui rêvait d'être comédienne et de voir New York, qui aimait le tennis, le bridge et la vitesse, une femme, emblématique de son époque, qui a connu la guerre, le poids des conservatismes et les deuils. Une femme qui est restée debout grâce à cette devise "SQM", pour "sourire quand même".
Respecter nos aînés
A 95 ans, Suzanne a dû se résigner à vivre en Ehpad, un Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Comme de nombreux pensionnaires, elle y est infantilisée, voire franchement humiliée. La toilette y est trop rapide, les repas insipides. Et l'eau du vase que personne ne change ! Frédéric Pommier entrecoupe son récit de ce quotidien-là, qui contraste avec "la vie d'avant". "Cela rend plus insupportable encore la manière dont certains établissements traitent les résidents, faute de moyens ou de personnels suffisamment formés". Espérons que ce livre d'amour d'un petit-fils pour sa grand-mère contribuera à changer le regard sur nos aînés.
Suzanne, elle, est toujours là, avec son humour et les livres. "Elle ne veut pas mourir. Elle dit que cela ne l'intéresse pas". Elle, qui a toujours été si curieuse de la vie. SQM.