Les éleveurs de porcs français vont commencer à ranger au placard leurs bistouris et laisser aux cochons tous leurs attributs, mais la fin envisagée de la castration des animaux en Europe va nécessiter une adaptation.
L'Union européenne, après incitation des associations pour le bien-être des animaux, a ouvert la voie à la fin de la castration chirurgicale : les représentants européens de la filière porcine ont signé une déclaration pour tenter de parvenir à l'arrêt de la castration en 2018, à condition que des solutions efficaces soient trouvées pour détecter l'odeur du verrat.
Le problème des odeurs
La castration chirurgicale à vif du cochon est une technique qui date de l'après-guerre, lors du lancement des élevages intensifs. Le porc castré est plus gras, moins agressif, et surtout la castration évite les odeurs de verrat (porc entier sexué). Des effluves d'urine, de transpiration ou de fèces (excréments), concentrés dans le gras, peuvent se retrouver sur 5 à 20 % des carcasses de porcs non castrés, selon des proportions aléatoires en fonction de différents paramètres (âge, mode d'élevage, alimentation, race...). Ces odeurs ne sont pas perçues de la même façon selon les individus : en France, 50 % de la population y est sensible.
Limiter la douleur
En attendant 2018, le label VPF ("viande de porc française", 97 % de la production porcine française) a déjà pris depuis 2012 une mesure intégrée dans son cahier des charges : l'obligation de donner au porcelet castré un antidouleur après la castration.Certains pays européens pratiquent une anesthésie locale, d'autres générale, ou utilisent un vaccin développé par le laboratoire Pfizer, qui castre chimiquement le porcelet. La filière travaille à limiter le nombre de porcs entiers porteurs d'odeurs sexuées, en adaptant l'alimentation, le mode d'élevage ou encore par la sélection des races.
Recherches secrètes
L'élevage de porcs entiers va soulager les éleveurs d'un acte pénible pour eux, et douloureux pour l'animal, mais va poser d'autres problèmes : le verrat est plus agressif, et surtout il faut réussir à détecter les porcs entiers odorants à l'abattoir sans que cette viande aille jusqu'au consommateur. La détection des carcasses odorantes à l'abattoir, sur la ligne d'abattage, doit être rapide, efficace et économique.Or, actuellement, seul un nez humain bien entraîné peut remplir cette fonction. Des recherches sont cependant en cours, souvent secrètes, pour créer un système automatique, à l'instar du CRP de Bretagne, qui travaille avec des laboratoires sur un système de détection.
Les carcasses odorantes, écartées de la filière viande fraîche, pourront être utilisées notamment pour la fabrication de chorizos, pâtés, saucissons et autres produits transformés.
La filière commence à s'organiser
Sans attendre ces solutions encore à l'état de projet, la Cooperl, leader français de la filière porcine, propose à ses adhérents "de stopper la castration chirurgicale des porcelets". Les premières viandes de porc non castrés doivent être mises sur le marché français à partir de mars 2013. C'est le premier grand acteur de la profession à se lancer, il peut y avoir un effet boule de neige.La viande de porcs entiers, moins grasse (21 % de gras contre 31 % pour un cochon castré) selon les tests effectués par l'Ifip, va donc rapidement arriver dans l'assiette des consommateurs.
Un plus pour l'environnement, car le porc non castré produit moins d'excréments, donc moins d'azote, mais aussi pour les éleveurs, car il y a là plus économique.