Dans l'affaire Bettencourt, Woerth et de Maistre sont renvoyés devant le tribunal pour trafic d'influence

L'ex-ministre Eric Woerth et l'ancien homme de confiance de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, sont les premiers protagonistes du nébuleux dossier Bettencourt à être renvoyés devant le tribunal correctionnel, dans un volet distinct de celui qui leur vaut d'être poursuivis avec Nicolas Sarkozy.

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Parallèlement, la cour d'appel de Versailles a ordonné, hier, jeudi le retrait des sites du Point et de Mediapart des enregistrements réalisés chez Liliane Bettencourt en 2009 et 2010, qui avaient servi de base à l'affaire lorsque celle-ci a éclaté en juin 2010.

Eric Woerth et Patrice de Maistre devraient donc être jugés pour trafic d'influence, c'est-à-dire un échange de bons procédés : l'ancien ministre du Budget, puis du Travail, est soupçonné d'avoir fait obtenir à M. de Maistre une Légion d'Honneur en 2007, en échange d'un emploi pour sa femme.

Le parquet de Bordeaux avait pourtant requis un non-lieu le 10 mai. Il avait estimé que " le lien de corrélation entre les deux faits n'est pas formellement démontré ". Dans son communiqué, le procureur de la République Claude Laplaud avait insisté sur le fait que des délits de financement illicite de campagne ou de parti politique, outre qu'ils auraient été prescrits, " ne ressortent nullement caractérisés du dossier ".

Sur l'autre volet de l'enquête, celui dit des " abus de faiblesse ",  le parquet de Bordeaux aussi requis des non-lieux pour MM. Sarkozy et Woerth, poursuivi cette fois en tant qu'ancien trésorier de campagne de M. Sarkozy. Il a requis le renvoi au tribunal de M. de Maistre, mais pas pour les faits liés à la politique. 


Défiance générale


Les juges n'ont pas suivi le parquet. Ils renvoient MM. de Maistre et Woerth devant le tribunal - respectivement pour trafic d'influence actif et trafic d'influence passif - Une décision qui n'est pas exceptionnelle mais qui ne devrait pas apaiser l'ambiance entre magistrats dans cette affaire.

Après le communiqué du 10 mai, les juges s'étaient ainsi plaints à la Cour d'appel d'une " pression " exercée selon eux par le parquet au travers de ses commentaires publics.

Il était de surcroît apparu que la magistrate du parquet en charge directe du volet trafic d'influence était d'avis, comme les juges d'instruction, de demander le renvoi de MM. Woerth et de Maistre devant le tribunal, mais que ses supérieurs
avaient refait sa copie.


Dans le volet "abus de faiblesse", l'ordonnance des juges d'instruction est attendue à partir de fin juillet. Preuve de la défiance générale qui règne dans cette affaire, les avocats de la défense ont demandé au président de la chambre de l'instruction de suspendre l'instruction, c'est-à-dire d'empêcher que les juges ne prononcent renvois et non-lieux tant que
cette chambre ne se serait pas prononcée sur les nullités, le 24 septembre.

La décision du président sur ce point doit être connue avant la fin de semaine.


Une "décision liberticide" pour la presse


De son côté, la cour d'appel à Versailles a considéré que " l'information du public ne peut légitimer la diffusion, même par extraits, d'enregistrements obtenus en violation du droit au respect de la vie privée d'autrui ". Elle a condamné le Point et Mediapart à verser chacun 20.000 euros de dommages et intérêts à Mme Bettencourt, et 1.000 euros à Patrice de Maistre, parties civiles dans cette affaire. Ils devront verser 10.000 euros  par jour de retard à s'exécuter.

Une décision " liberticide ", selon l'avocat de Mediapart, Jean-Pierre Mignard, qui a souligné que, sans cette publication, " l'affaire n'aurait jamais été découverte ".
Le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, a indiqué qu'il allait se pourvoir en cassation. Pour lui, " la décision est un appel à la mort de Mediapart, compte tenu de la lourdeur de la condamnation ".
Rue89 comme Arrêt sur Images se sont déclarés prêts à accueillir sur leurs sites internet les enregistrements concernés.

Fustigeant un arrêt " disproportionné et directement politique ", le député-maire écologiste de Bègles (Gironde), Noël Mamère, a réclamé " une loi pour mieux protéger les journalistes et le secret des sources ".
Cinq journalistes du Point et de Mediapart sont par ailleurs mis en examen à Bordeaux pour la publication de ces enregistrements, ainsi que le majordome qui les a réalisés.
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