Deux ans de prison ferme ont été requis mardi devant le tribunal correctionnel contre l'ancien curé et vicaire de la cathédrale d'Angoulême. Patrick Braud comparaissait pour agressions sexuelles sur trois adolescentes de la communauté catholique locale, dont deux soeurs, entre 1994 et 2006.
Mis en examen en juillet 2009 et sous contrôle judiciaire depuis, le père Patrick Braud, 56 ans, a dit à la barre "contester formellement ces accusations d'agressions sexuelles", face à deux des jeunes femmes, âgées aujourd'hui de 22 et 32 ans.Le procureur, Elisabeth Decencière Ferrandière, a requis cinq ans d'emprisonnement dont trois avec sursis, avec obligation de soins et interdiction d'entrer en contact avec les victimes.
Son contrôle judiciaire lui interdisant de demeurer en Charente, le père Braud, un temps recueilli dans une abbaye dans la Vienne, est à présent "chargé d'études en ressources humaines" dans le Nord. Le procureur a évoqué "une forme de manipulation affective" de la part d'un prêtre qui avait "une aura particulière auprès des familles".
Au début, tout s'est bien passé, et puis ça a commencé à dériver vers quelque chose de pervers", a expliqué à la barre Gwendoline, 32 ans, fines lunettes et cheveux blonds relevés. Cette ancienne scout et enfant de choeur a expliqué qu'elle voyait en "Patrick" une figure tutélaire qui lui apportait "de l'écoute, de la compréhension".
"Mains sur la taille, mains sur les seins, succion des doigts, succion d'oreilles,toutes les sorties, ça se passait comme ça", a-t-elle raconté, citant une excursion en Dordogne: "On s'est baignés à l'étang de Saint-Estèphe, Patrick m'a tourné autour jusqu'à glisser sa main sur mon sexe".
Chemise blanche et croix chrétienne à la veste, le père Braud, prompt à contre-attaquer, a expliqué ces accusations par les difficultés de couple qui ont mené Gwendoline au divorce en 2008: "Quand on va chercher une cause, on trouve un bouc émissaire."
Mais il a reconnu des gestes douteux à l'endroit de la jeune femme, âgée de 12 ans et demi à l'époque des premiers faits.
"Les gestes que j'ai posés n'ont aucun contenu sexuel. Quand j'embrasse quelqu'un dans le cou, je n'ai aucune malice. Ni même mordiller les doigts dans un café d'Angoulême, devant tout le monde... Par contre, les gestes touchant les parties intimes, je les récuse formellement", a-t-il déclaré, admettant avoir péché par "naïveté", "immaturité".
La défense a brossé le portrait d'un homme candide, l'expertise ayant de fait relevé que le prévenu "ne possédait pas les caractères habituels d'un sujet pédophileou d'un agresseur sexuel". "Il n'est pas un saint, c'est un homme, avec ses faiblesses, il ne connaît pas l'amour, les plaisirs charnels, ça fait de lui un ignorant en certains domaines: il a commis des actes qu'on peut réprouver moralement, mais qui ne sont pas condamnables pénalement", a résumé son avocate Me Patricia Coutand, demandant la relaxe.
Elle invoquera aussi l'hypothèse de "faux souvenirs induits", une "réalité scientifique", qui seraient revenus à l'esprit de Gwendoline au cours de sa psychanalyse, la menant à révéler l'affaire à ses parents, puis à porter plainte tardivement, en 2008. Elle a été imitée par sa soeur cadette, puis une troisième jeune femme qui n'a pu se constituer partie civile, les faits étant prescrits. Une quatrième avait porté plainte ensuite.
"Ce n'est pas parce qu'on fait le procès de Patrick Braud qu'on fait le procès de l'Eglise et du catholicisme, a résumé le procureur, mais il avait en charge de guider des personnes sur un chemin dont il a dévié".
Le jugement a été mis en délibéré au 18 mars.