L'UMP, déstabilisée par le scandale de l'affaire Bygmalion, a amorcé une sortie de crise mardi avec la désignation à l'unanimité de son bureau politique d'une direction provisoire jusqu'à l'élection d'un nouveau président d'ici novembre.
Le triumvirat formé par les anciens Premiers ministres Jean-Pierre Raffarin, Alain
Juppé et François Fillon dans la foulée de la démission forcée de Jean-François
Copé le 27 mai dernier, prend les rênes du parti jusqu'à l'automne, avec Luc Chatel
comme secrétaire général en charge d'"administrer le parti au nom et avec" cette
troïka.
"Seule une décision unanime nous permet de repartir de l'avant", a affirmé M.
Juppé à l'issue du BP.
"Une direction collégiale, un mandat clair, à l'unanimité:
belle soirée pour l'UMP!", a twitté M. Fillon.
"L'UMP est sauvée", veut croire M. Raffarin. Pour M. Copé,
"la formule" trouvée est celle de "la sagesse".
Finalement, le bureau politique, qui s'annonçait à haut risque et auquel a participé,
de manière exceptionnelle, l'ancien Premier ministre Edouard Balladur, semble avoir
remis -temporairement ?- d'aplomb un parti, fondé en 2002 et profondément meurtri
par ses deux défaites (présidentielle et législatives) et la guerre Copé/Fillon
en 2012, puis dépassé par le Front national aux européennes, enfin au bord de l'explosion
avec l'affaire Bygmalion.
Le consensus s'est fait autour d'une "proposition de résolution" de la part du
trio. Juppéistes et fillonistes tenaient à ce que le triumvirat assure l'intérim
du pouvoir, sarkozystes et copéistes, arguant des statuts de l'UMP,
voulaient que Luc Chatel, jusqu'ici vice-président délégué du parti, soit nommé
président par intérim.
Finalement, ce sont les premiers qui ont réussi à faire valoir leurs arguments,
donnant de leur point de vue raison à M. Chatel qui avait déclaré en arrivant au
siège du parti, rue de Vaugirard (Paris XVe): "soit on décide d'être la droite
la plus bête du monde, soit on décide d'un sursaut salutaire".
Selon l'entourage de M. Fillon, "le mandat du trio" lui donne notamment "le pouvoir
de prendre et de soumettre au BP les décisions administratives et financières urgentes,
rendues nécessaires par la situation du mouvement". Ceci après une "évaluation
initiale" de la situation, c'est-à-dire "un audit de la situation financière de
l'UMP".
Autres points de la résolution adoptée à l'unanimité: fixer le calendrier des"Aujourd'hui, la priorité, c'est la situation calamiteuse de l'UMP,
sa triple faillite, financière, morale et frauduleuse", avait alerté il y a quelques
jours Jérôme Chartier, député proche de M. Fillon.
autres élections internes (renouvellement des instances locales à l'automne), publier
"dans les 15 jours" les investitures pour les sénatoriales de septembre, "créer
les conditions pour que la Haute autorité puisse organiser le congrès dans de bonnes
conditions".
Enfin, toujours selon l'entourage du député de Paris, le triumvirat proposera,
lors du prochain BP, le 17 juin, la nomination de secrétaires généraux-adjoints
"pour assister le trio dans sa mission de direction provisoire".
Ce qui a poussé les sarkozystes à accepter le consensus sont les "deux décisions"
également prises par le BP: d'abord, il y aura bien un vote des militants lors
du congrès, ce qui devrait permettre à Nicolas Sarkozy, espèrent-t-ils, de se faire
élire président de l'UMP.
Ensuite, la Droite forte, premier courant du mouvement depuis fin 2012, a l'assurance
de le rester "jusqu'à 2017", puisque le BP a acté le fait qu'il n'y aura pas de
nouveau vote sur les motions d'ici trois ans, ont indiqué à l'AFP ses deux-co-fondateurs,
Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, membres du BP à ce titre.
C'est que derrière cette belle unanimité se cache le véritable enjeu des mois
à venir pour un parti : le nom du candidat UMP à la présidentielle
de 2017.
La prochaine bataille devrait se dérouler autour de la question de la primaire,
à laquelle s'opposent les sarkozystes, sûrs que leur champion s'imposera comme
"le candidat naturel" de leur camp.
Pour Brice Hortefeux, le fidèle ami de l'ancien chef de l'Etat, le retour de ce
dernier via la présidence de l'UMP, est, au vu des circonstances,
"une nécessité" et la primaire devient "inutile" pour désigner le candidat de 2017,
"lorsqu'un choix s'impose naturellement".
Cette question épineuse, le BP a préféré la reporter sine die. Le mot "primaire"
n'a pas été prononcé une seule fois pendant la séance.
Voyez les explications de Caroline Le Junter en direct hier soir dans le 19/20 depuis le siège de l'UMP à Paris :