D'Astérix à Corto, les héros de BD ressuscités, le bon filon de l'édition

Depuis trois ans, crise oblige, les reprises des aventures de célèbres héros de bande dessinée se sont multipliées, avec quelques succès phénoménaux.

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Leurs créateurs ne sont plus là mais leur vie de papier continue : Blake et Mortimer, Alix, Lucky Luke, Astérix, Achille Talon, XIII et bientôt Corto Maltese, tous ont été ressuscités par de nouveaux dessinateurs, une mine d'or pour leurs éditeurs.

"Si une série s'arrête, les anciens albums se vendent moins. Le seul moyen de faire vivre un fond classique est la nouveauté. Il faut que la série continue,
sinon elle est oubliée par les lecteurs et invisible en librairie, noyée parmi les nouveautés", explique Claude de Saint Vincent, président de Média Participations (Dargaud, Dupuis, le Lombard), de passage au festival d'Angoulême. 

Faire vivre le fonds classique

La "reprise", qui consiste à confier à de nouveaux auteurs un personnage dont le créateur a disparu, est donc indispensable pour cet éditeur qui possède le plus gros fonds des héros des années 60 à 80. 

"C'est une nécessité pour faire vivre le fonds classique. Le mieux est que la série ne s'arrête jamais", renchérit Vincent Petit, éditeur chez Casterman, qui
détient les droits de personnage comme Alix ou Corto Maltese, qui revivra en octobre.

Dargaud avait ainsi fait renâitre en 2004 l'un des plus célèbres héros de BD, Lucky Luke : "La Belle Province" s'est vendue à 600.000 exemplaires, deux fois
plus que le dernier album de Morris, mort en 2001. Les aventures du cow-boy solitaire ont été reprises par le dessinateur Achdé, avec Laurent Gerra comme scénariste.

Depuis 3 ans, crise oblige, les reprises se sont multipliées, avec quelques succès phénoménaux.
Ainsi en 2013, alors qu'Uderzo ne pouvait plus dessiner, Astérix est revenu dans "Astérix chez les Pictes" avec Jean-Yves Ferri et  Didier Conrad. L'album s'est écoulé à plus de 2 millions d'exemplaires, mieux que les meilleurs Astérix.

La plus grande réussite a été le retour fracassant de Blake et Mortimer, créés par Edgar P. Jacobs, avec "L'Affaire Francis Blake" sorti en 1996, neuf ans après la mort de Jacobs. 

"Pour ce monument, nous avons respecté au maximum les codes et gardé l'histoire dans les années 50", explique Claude de Saint Vincent. "L'album s'est vendu à 610.000 exemplaires, deux fois plus que le record de Jacobs. Ce qui a profité aux anciens albums : plus d'un million de Blake et Mortimer se sont vendus en 1996".

Maintenant cinq équipes planchent sur des Blake et Mortimer, dont le dernier, "Le Bâton de Plutarque", vient de sortir. Un système à l'américaine, où les  dessinateurs s'effacent derrières les super-héros.

D'autres reprises ne connaissent pas le même succès, comme Achille Talon, d'après Greg, revenu en août 2014 après une trop longue interruption.

L'éditeur a aussi fait revivre XIII, Boule et Bill ou encore Spirou, depuis longtemps dessiné par des auteurs successifs.


Superdupont et Tif et Tondu

Prochain sur la liste, Superdupont, surhomme franchouillard créé par Alexis. Sa nouvelle plume sera François Boucq, grand fan d'Alexis, qui soumet ses dessins à l'imprimatur de Gotlib lui-même. "Je vais y mettre quand même pas mal de moi", a confié Boucq, qui avait déjà failli le reprendre il y a 30 ans, à la mort d'Alexis.

Et les héros belges Tif et Tondu seront repris par le dessinateur Blutch à l'automne 2015.

Chez Casterman, la reprise phare est celle d'Alix, le jeune Romain créé par Jacques Martin. Atteint d'une dégénérescence maculaire vers 1991, l'auteur avait formé de jeunes dessinateurs. Depuis trois ans Alix est dessiné par Marc Jailloux, un fidèle.

"Enfant, je lisais Alix. je veux faire retrouver ce que j'aimais, mais pas dans une nostalgie passéiste : en tenant compte de nouvelles influences, comme la série Rome. On met forcément de soi, on ne peut pas singer un dessinateur mort. Mais c'est un plaisir et pour le dessinateur et pour le lecteur", explique-t-il.

"C'est l'occasion de décortiquer une oeuvre", renchérit Nicolas Barral, qui a repris le Nestor Burma de Jacques Tardi. "Il y a aussi le plaisir de s'oublier",
conclut-t-il. 

Tintin, lui, ne revivra pas sous la main d'un autre, Hergé ne le souhaitait pas. Du moins pas avant son passage dans le domaine public, en 2054...
Corto Maltese va renaître en octobre, dans le grand nord américain
Vingt ans après la mort d'Hugo Pratt, son mythique Corto Maltese va renaître sous la plume d'un duo espagnol, dans une aventure qui l'emmènera dans le grand nord américain. Titre de l'album, prévu le 7 octobre : "Sous le soleil de minuit". 

"C'est l'ayant-droit, l'ex-coloriste de Pratt, Patrizia Zanotti, qui a choisi les nouveaux auteurs : Ruben Pellejero, dessinateur qui connaissait Pratt, et Juan Diaz Canales, scénariste de Blacksad, série policière à grand succès", a expliqué Vincent Petit, éditeur chez Casterman en charge du projet.

Seul indice sur l'histoire, le beau marin taciturne partira sur les traces de Jack London, l'écrivain qu'il a croisé dans un album de Pratt, mais ne réussira pas à le rencontrer. L'album sera en couleurs, avec une déclinaison en noir et blanc.

"Au départ, le dessinateur était un peu trop respectueux, mais au fil des planches je sens qu'il a maintenant son propre Corto", estime Vincent Petit, lui-même fan absolu.

"Au départ j'étais un peu sceptique, mais maintenant je suis impatient de voir l'album terminé. Leur fidélité à Pratt est communicative, je suis bluffé. Je pense même qu'on peut faire mieux que Pratt ", lance-t-il. "Car du Corto original, on ne sait pas grand-chose, il semble fuir l'engagement, ne dit presque rien, et c'est un assassin qui tue avec une rare violence... Il pourra être moins romantique, s'engager. Nous avons souhaité un vraie aventure, pas comme les histories oniriques de certains albums de Pratt, comme "Mu", et le style de "Corto Maltese en Sibérie", son apogée". 

"Tout l'enjeu est de faire redécouvrir Corto Maltese à une nouvelle génération de lecteurs", poursuit-il.

Il n'y a que douze albums de Corto, et après vingt ans sans nouveautés, ils ne se vendent plus qu'à 1000 exemplaires par an.

"Mais à l'avenir nous aurons de plus en plus de mal à trouver des auteurs avec la culture littéraire de Pratt", estime l'éditeur.
(AFP)
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