Appelés par le SAMU, ils sont le lien entre le domicile des malades présumés positifs au covid-19 et les services hospitaliers. Ils ont pourtant le sentiment d'être mal considérés
Ils ont choisi ce métier pour aider les malades. Alors quand la crise sanitaire s'est concrétisée, c'est tout naturellement que certains ambulanciers se sont portés volontaires pour intégrer le dispositif mis en place par le SAMU, l'ARS et la Préfecture de la Corrèze. Il n'y a pas de réquisition, il n'y a que du volontariat.
En Corrèze, ce sont ainsi cinq entreprises qui peuvent être appelées par le médecin régulateur du SAMU pour transporter une ou plusieurs personnes qui présenteraient des symptômes pouvant relever d'une contamination au coronavirus, à savoir une forte fièvre, une grande fatigue, des manifestations comme pour une grippe ou une bronchite et un essoufflement.
Ces ambulanciers volontaires ont été formés il y a deux semaines par les équipes du SAMU, à la fois pour savoir comment s'équiper, se déséquiper et pour savoir comment prendre particulièrement en charge cette urgence, en suivant des protocoles précis, notamment d'oxygénothérapie.
Sébastien Breuil, gérant d'une société d'ambulances et par ailleurs président de l'ATSU 19 (association de transports sanitaires d'urgence) précise "les équipes corréziennes ont eu une journée de formation avec des médecins du SMUR de Tulle et de Brive par groupe de 5 ambulanciers. Les salariés sont également tous volontaires. Dans mon entreprise, c'est l'ensemble de mes collaborateurs qui ont accepté d'être sur le terrain covid. C'est normal, l'urgence, c'est notre métier. On dépend aussi d'un réseau national qui eux aussi nous ont encadré sur la problématique particulière du covid-19. On avait déjà le savoir-faire de l'aide médicale d'urgence, mais pour le Covid-19, sans le SAMU, on l'aurait sans doute mal approchée".
Ces cinq entreprises corréziennes d'Objat, d'Uzerche, de Meyssac, d'Egleton, de Tulle ont ainsi 13 ambulances affectées aux patients covid-19. Ce sont des fourgons car l'équipe médicale doit pouvoir se tenir debout, notamment le médecin de l'hôpital ou de la clinique à l'arrivée de l'ambulance. Le patient est en effet ré-évalué pour savoir s'il part directement en réanimation ou s'il doit recevoir des soins spécialisés (par exemple en pneumologie ou en traumatologie s'il y a eu en plus une chute).
Un protocole de désinfection
Le véhicule qui vient de transporter un malade covid-19 ou suspecté de l'être doit ensuite être désinfecté. Là encore, un protocole très précis doit être respecté. Tout doit être désinfecté.
"ça prend plus de 30mn. Ensuite on laisse le véhicule à l'air libre pendant 20mn. Après seulement, on repart pour un autre transport" ajoute Sébastien Breuil.
Côté équipement, ils ont épuisé déjà leurs propres stocks. Alors ces ambulanciers ont été aidés. Non pas avec des livraisons officielles, mais grâce à des particuliers, des maires, des chefs d'entreprises : ici, la responsable d'un village vacances fermé qui leur a remis tous les kits réservés au personnel de cuisine (gants, charlottes, combinaisons...), là c'est un carrossier et un responsable d'usine qui leur ont donné des combinaisons et des masques FFP2.
"C'est bien sûr compliqué pour les équipes, elles savent qu'elles sont exposées, qu'elles peuvent ramener le virus à la maison... mais on y va pour les corréziens, c'est normal. On s'équipe aussi sur nos deniers personnels, mais ça aussi, on ne se pose pas de question, l'essentiel est ailleurs pour l'instant, on prête secours, point".
En Creuse aussi, les ambulanciers volontaires ont été formés par le SAMU à Guéret. Une formation très appréciée par les professionnels du transport sanitaire d'urgence, car même si leur formation initiale porte sur la prise en charge de cas viraux, ce n'est pas tous les jours qu'ils ont à s'équiper totalement comme l'impose l'approche de tout cas covid-10 suspecté.
Il y a aussi les autres urgences qui continuent...
En Haute-Vienne, ce sont aussi sept entreprises qui se sont portées volontaires auprès de l'ARS pour intégrer le dispositif covid-19. Mais il faut aussi continuer à assurer les autres urgences de la vie, les personnes accidentées, celles qui viennent de faire un avc ou qui présentent des troubles cardiaques. Mais elles peuvent aussi être, sans le savoir, des porteurs asymptomatiques.
Christophe Duprat, Président de l'ATSU 87, précise "Par notre formation initiale et nos missions d'urgence, nous savons déjà comment nous équiper et nous conduire à notre arrivée sur le terrain. Mais c'est vrai qu'avec cette épidémie, même pour nos interventions hors covid-19, nous restons vigilants. Nous avons systématiquement masques et gants et nous renforçons notre questionnaire auprès du patient et de son entourage. Dans le moindre doute, nous nous équipons totalement avant de procéder à l'intervention".
Tous les autres transports sanitaires quasiment à l'arrêt...
Les différentes entreprises de transports sanitaires privés que nous avons interrogées le confirment toutes : elles enregistrent une baisse d'activité de 60 - 70 %. Des employés mis au chômage partiel, des ambulances qui restent dans les garages toute la journée... l'arrêt des soins habituels auprès des professionnels de santé a bien évidemment impacté leur activité de transports sanitaires. Plus de visite chez le kiné, chez l'orthopédiste, en hôpital de jour... ce sont autant de prestations que ces professionnels ne réalisent plus. Seuls subsistent les transports sanitaires pour les dialises, les séances de chimiothérapie ou de radiothérapie.
Christophe Duprat, Président de l'ATSU 87, souligne que cette perte d'activité va mettre en difficulté beaucoup d'entreprises de la profession.
Même s'ils ne demandent pas à être applaudis, les ambulanciers ressentent un manque de considération de la part des autorités sanitaires. Ils regrettent de ne pas être dans la boucle des équipements attribués par exemple, de devoir faire avec les bonnes volontés de chacun, celles des maires de petites communes rurales notamment, les seuls à s'être manifestés auprès d'eux.
Ils pensent au report de la réforme de l'urgence pré-hospitalière... ils espèrent que cette crise sanitaire aura permis de revoir la copie et que, le temps venu, ils pourront compter sur une revalorisation de leur statut. Rappelons que la profession de transports sanitaires d'urgence dépend actuellement du ministère des transports alors qu'elle souhaiterait dépendre du ministère de la santé.