Un petit groupe de parents se mobilise depuis six mois pour des demandeurs d'asile à la rue dont les enfants côtoient les leurs sur les bancs de l'école, contre la banalisation, et pour "rester humains". Ils ne militent dans aucune association, aucun parti.

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C'était en juin. Les enfants de Sophie, Sarah, Emilie sont rentrés de l'école maternelle Anatole-France, dans le centre, en parlant de leurs amis qui passait la nuit dans un parc. "Ma fille m'a dit, ils ne peuvent pas dormir à la maison ? ", raconte la première, avocate de 39 ans. 

Quand on a la chance d'être née en France, d'avoir une éducation, il est inconcevable d'imaginer que les enfants qui partagent les jeux de mon fils vont dormir dans des abribus, des squats, des halls d'hôpitaux"

comme cela a été le cas, ajoute Emilie, enseignante de 40 ans.

Alors, les trois femmes et plusieurs autres, une dizaine de familles en tout, ont décidé "de ne plus fermer les yeux". Un comité de soutien s'est constitué, une collecte a été organisée, notamment pour fournir des petits déjeuners aux enfants.

Régulièrement, Sarah, Emilie, et d'autres hébergent des familles , six arméniennes et une serbe, arrivées depuis 2011, car le 115 est débordé et l'Etat n'a plus l'obligation de loger ces déboutés du droit d'asile. Le reste du temps, ils errent dans Bordeaux, d'hôtel en squat... en attendant que leur appels et recours soient tranchés.

La famille de Vahan, six ans, arrivée d'Erevan en Arménie, a depuis décembre 2011 logé dans 24 endroits différents, dit le père, Tigran, âgé de 26 ans. Là, ils sont à cinq dans une chambre d'environ 20 mètres carrés. Vahan, garçonnet vif au français parfait, a été traumatisé par son séjour dans un squat d'où ils ont été expulsés par le propriétaire, "qui a tout cassé".


Belgrade, pour rien au monde

La famille serbe, elle, dormait encore il y a quelques jours dans une camionnette prêtée par une bonne âme, à la veille de l'arrivée d'un nouveau-né. Entre 17h00 et 20h00, le petit Stranhinnja, cinq ans, sa mère enceinte Natasha et Nenad, son père, ont pris l'habitude d'attendre la tombée de la nuit dans le parc de Meriadeck.
Leurs histoires d'exil sont souvent impossibles à vérifier. Mais Nenad, arrivé de Belgrade, dit que même si en France, ses cheveux sont devenus "gris" et qu'il doit vivre de "donne ça, donne ça", il se battra pour rester car là-bas c'est pire.

Tout comme Tigran. Sophie, Emilie et Sarah, réunies chez cette dernière sous le regard timide d'une autre Arménienne, Maya, 25 ans, évoquent la suite de leur stratégie pendant que Tito, fils de Maya, joue avec le fils de Sarah.

Sarah, mère seule de 37 ans, accueille la famille de Tito chez elle une semaine sur deux. Elle dort avec son fils et cède sa chambre aux parents.
Elle ne veut pas voir figurer son nom: "Je ne cherche pas à me donner bonne conscience,à faire ma petite B.A.". "Il y a des gens qui souffrent. Des  gosses. Quand ils sont venus ici, cela faisait cinq jours qu'ils dormaient sur le trottoir". "Quandmême, que l'on peut s'aider un peu".

Presque dix ans après la naissance de RESF (Réseau éducation sans frontières,qui s'insurgeait contre l'expulsion d'enfants scolarisés en France), "il y a une banalisation de la pauvreté et un repli des gens sur eux-mêmes", regrette Emilie, qui avoue qu'elles sont toutes épuisées par des mois à faire le taxi pour les familles et à frapper à toutes les portes: "Mais on ne lâchera pas". "On ne veut pas refaire les lois. Simplement, tant qu'ils sont là (...) qu'ils
vivent dignement", renchérit Sarah qui estime que ce n'est pas par plaisir qu'on traverse "cinq frontières" avec un bébé.

 

Le reportage de Nathalie Pinard de Puyjoulon et Michel Vouzelaud

 


Alain Juppé avait reçu, le 11 octobre dernier, les membres du comité de soutien Anatole France et les familles de demandeurs d’asile . Il leur avait alors indiqué qu’il allait alerter le Préfet sur la nécessité de trouver d’urgence une solution d’hébergement.

Le Préfet a indiqué aujourd'hui qu’il avait donné « toutes instructions au centre d’accueil d’information et d’orientation (CAIO) pour que contact soit pris avec toutes ces familles afin qu’elles soient hébergées dans le cadre de dispositifs financés par l’Etat ».
Il précise également que « la situation de chaque famille fera l’objet d’un examen particulier, notamment en mobilisant les moyens de type MOUS qui permettent d’évaluer les capacités d’adaptation et d’intégration. »

Ces familles avec de jeunes enfants devraient donc être mises hors de danger après des mois d'inquiétude.

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