La Nouvelle-Aquitaine est née

C’est officiel. La nouvelle grande région s’appellera Nouvelle-Aquitaine au terme du vote solennel de la nouvelle assemblée régionale, réunie en session plénière ce lundi à Bordeaux. 

165 pour, onze contre, sept abstentions, la motion est adoptée : l'ALPC n'est plus, la Nouvelle-Aquitaine est née. Après deux heures de débat qui n'ont pas suffi à éteindre toutes les polémiques, la grande région s'est choisi un nom en session plénière, ce lundi matin.

Pour satisfaire la demande du groupe écologiste EELV, la majorité a accepté que le nom des anciennes régions figure sur tous les documents officiels de la Nouvelle-Aquitaine. Compromis ultime pour solder un débat qui n'est sans doute pas terminé.

Retour sur plusieurs mois de polémiques

Début janvier, Alain Rousset n’est pas dupe : "c’est un sujet délicat", confie-t-il à nos confrères du Monde. Les commentaires de nos internautes en témoignent, la question du changement de nom de la région cristallise les tensions suscitées par la disparition des ex-régions du Limousin et du Poitou-Charentes.

Ce territoire, plus grand que la Belgique ou l’Autriche, doit se trouver une identité commune, un nom derrière lequel se ranger et avancer. La fusion de l’Aquitaine, du Limousin et du Poitou-Charentes n’enchante pas une part, certes minoritaire, mais non négligeable des habitants de la nouvelle grande région.

La stratégie d’apaisement d’Alain Rousset

Pour permettre aux habitants de la région de s’exprimer et de suggérer un nom, un site internet est créé dès le mois de mai 2015. En décembre de la même année, 5000 internautes dont 46% d'Aquitains participent à ce sondage inédit. Sans surprise, les noms formés sur la base du nom Aquitaine tiennent déjà la corde devant ceux composés d’Atlantique ou de Sud-Ouest. Un groupe de travail se forme autour d’Anne-Marie Cocula. Cette historienne et ex-conseillère régionale est chargée de faire des propositions courant juin 2016.

Autre stratégie employée par Alain Rousset, le président d’ALPC cherche dès son élection à dépolitiser le débat et à le déplacer sur le terrain économique : "Je souhaite un nom qui doit rassembler, qui doit claquer à l'oreille de chaque habitant, qui doit être une marque pour nos produits".

Une classe politique vite lassée

Courant janvier, les politiques de premier rang se prennent au jeu et annoncent tour à tour leur préférence dans les médias. Alain Juppé confie par exemple avoir suggéré "le Duché d'Aliénor", un choix "de coeur". "Mais enfin c'est un peu passéiste", avoue le maire de Bordeaux. "Peut-être alors la Grande Aquitaine". Il ne tarde pas être rejoint par Jean-Pierre Raffarin : "Cette Aquitaine n'est pas "nouvelle", elle ressemble à l'ancienne, la Poitevine. Je préfère donc la "grande" Aquitaine".

A gauche, les voix discordantes se font rares. Tandis que Jean-François Macaire aurait un penchant pour Nouvelle Aquitaine, Nathalie Lanzi, la vice-présidente de la région à la Culture avoue avoir un faible pour "Sud-Ouest Atlantique". Plus original, Olivier Falorni évoque le nom de l’ex-province romaine "Aquitania", "un beau nom, un symbole porteur de sens" : "il nous faut plonger nos racines loin dans l’histoire pour construire une identité commune".

Les tweetos entretiennent la polémique

S’il distrait la classe politique au début, le débat va essentiellement se dérouler sur les réseaux sociaux. Les réunions publiques organisées par Anne-Marie Cocula attirent très peu de citoyens, comme l’ont constaté nos reporters à Saint-Savin. Rien d’extraordinaire, "seuls les plus informés et les plus politisés participent à ce genre de consultation démocratique", rappelle le politologue Dominique Breillat.
Un reportage Marie-Ange Critofari, Antoine Morel et Nicolas Colombeau

C’est également sur internet que les propositions les plus loufoques vont apparaître. Aquipoilichar, le bon coin, le Far Ouest, la Bopoli (Bordeaux, Poitiers, Limoges), la Chocolatine Paradise... Mais le plus connu reste l'acronyme "APOIL" imaginé par DD du Pwatoo, la "marque identitaire pwatevine".
Mais le débat autour du nom de la grande région va vite être balayé par une affaire sans précédent. Dès février, le scandale des dérives financières de l’ex-région Poitou-Charentes renforce la peur d’un déclassement chez certains Picto-Charentais : les soutiens de Ségolène Royal crient à la "manipulation", les plus pessimistes y voient le signe d’une "annexion" prochaine… Ambiance.

La tension finie de monter lors de la fuite du rapport d’Anne-Marie Cocula dans Sud-Ouest. Une pétition est alors lancée par un entrepreneur rochelais, Hugues Lynier, et réunit 22 000 signataires. Hors de lui, il ne mâche pas ses mots pour qualifier "les méthodes" d’Alain Rousset : "M. Rousset n'écoute rien ni personne". "Sûr de son bon droit, il va soumettre au vote une proposition unique aux conseillers régionaux", fulmine-t-il. "Pas besoin de voter, c'est plus simple".

Le soutien d’une majorité absolue d’Aquitains

Excessifs, ses propos n’entrent pas moins en résonnance avec la réaction quasi-unanime des internautes picto-charentais qui ont participé à la consultation en ligne et se sont prononcés pour un autre nom qu’Aquitaine.
Le rapport complet d'Anne-Marie Cocula remis à Alain Rousset, le 20 juin dernier.

A l’inverse, le choix de la "Nouvelle-Aquitaine" fait largement consensus au sein de la classe politique
. Pour le politologue Dominique Breillat, farouchement opposé à la fusion avec l'Aquitaine, le silence des hommes et femmes politiques du Poitou-Charentes est éloquent : "A part l'ex-président du conseil général des Deux-Sèvres, Eric Gautier, personne ne s'est opposé à cette réforme qui gomme pourtant les identités des territoires. J'y vois là l'acceptation de la bordeaulisation de la politique régionale".
Signe de cette adhésion mitigée, les noms à base du mot "Aquitaine" ont réuni une majorité absolue seulement dans les départements de l’ex-région Aquitaine.

Il faudra sans doute plusieurs générations pour que la Nouvelle-Aquitaine trouve sa légitimité chez les Picto-Charentais et les Limousins les plus attachés à leur ancienne appellation.
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