L’été 2022, marqué par trois périodes caniculaires, a été le plus meurtrier depuis 2003. Quatre régions cumulent près des deux tiers de l’excès national de mortalité, dont la Nouvelle-Aquitaine fait partie avec 436 décès de plus que la normale. La Haute-Vienne est le seul département de la région qui n'enregistre pas de surmortalité. Était-il mieux préparé ? Décryptage.
C'est le deuxième été le plus meurtrier depuis le début du siècle. Santé Publique France a publié son bilan canicule et santé ce mardi et les chiffres sont alarmants : dans l'hexagone, l'organisme a constaté 2 816 décès, soit une surmortalité relative de +16,7 %, toutes causes confondues.
Quatre régions cumulent près des deux tiers de l’excès national de mortalité, dont la Nouvelle-Aquitaine fait partie avec +436 décès, soit 18% de plus que la normale. Sans surprise, c'est l'une des régions qui a été le plus touchée par la canicule.
Canicule en Limousin
Sur les douze départements de la région Nouvelle-Aquitaine, dix ont été touchés par des dépassements de températures, hormis la Creuse et la Dordogne.
En Limousin, hormis la Creuse donc, la Haute-Vienne et la Corrèze ont été frappées par trois épisodes caniculaires. Un premier épisode mi-juin (les deux départements étaient placés en vigilance orange, contre 8 départements en Nouvelle-Aquitaine en vigilance rouge).
Un deuxième épisode étendu sur tout le mois de juillet : la Haute-Vienne et la Corrèze étaient également placés en vigilance orange, contre 8 départements de la région en vigilance rouge.
Et puis un dernier épisode lors de la première quinzaine d'août, lors duquel 10 départements de Nouvelle-Aquitaine ont été placés en vigilance orange, dont la Haute-Vienne. La Corrèze, elle, était cette fois placée en vigilance jaune.
Cette surmortalité survient donc dans un contexte particulier : à la fois sur le plan sanitaire (recrudescence de l'épidémie de Covid-19), mais aussi sur le plan climatique (sécheresse, feux de forêts, orages).
Le Limousin moins touché
Si la région Nouvelle-Aquitaine est l'une des plus touchées en France, les résultats sont variables suivant les départements et l'épisode concerné. Sur les trois périodes de canicule, les plus forts excès de mortalité ont été observés dans les départements suivants :
- 22 décès de plus que la normale dans la Vienne (+36 %) ;
- 94 décès de plus que la normale en Charente (+35 %) ;
- 17 décès de plus que la normale en Lot-et-Garonne (+29 %) ;
- 182 décès de plus que la normale en Gironde (+22 %) ;
- 64 décès de plus que la normale en Charente-Maritime (+18 %).
En Limousin, outre la Creuse, la Corrèze n'a connu "que" 15 décès en excès, et la Haute-Vienne est le seul département de Nouvelle-Aquitaine à ne pas présenter de surmortalité, elle affiche même cinq décès en moins. Pourtant, elle a bien connu deux épisodes de canicule.
Selon Laurie Meurice, épidémiologiste au sein du bureau de Santé Publique France en Nouvelle-Aquitaine, "les décès sont attribuables à plusieurs facteurs, comme le Covid-19 ou encore la chaleur. Ces résultats sont déclaratifs (NDR : cela dépend de ce que les établissements de santé ont déclaré), et on ne peut pas distinguer si un décès est lié au Covid-19 ou à la chaleur. En revanche, la surmortalité enregistrée en Corrèze peut par exemple s'expliquer par la structure de la population : les personnes âgées sont plus nombreuses". Les 75 ans et plus représentent en effet la grande majorité de ces décès en excès.
Les décès supplémentaires ne sont pas dus qu'à la pandémie, mais difficile d'affirmer que tous sont liés à la canicule, selon Laurie Meurice : "pour savoir si les décès sont liés à la canicule ou au Covid-19 ou à d'autres causes, il faut mener une analyse précise des certificats de décès. Mais nous ne les avons pas en temps réel, donc cela prend plus de temps". Les chiffres sont donc, pour l'heure, estimatifs. Santé publique France mène des travaux pour estimer la part des décès attribuables exclusivement à la chaleur. Ils devraient être publiés début 2023.
Ce qu'il faut retenir selon elle, c'est qu'il y a un lien entre le Covid-19 et la chaleur : "l'épidémie a fragilisé les personnes sensibles à la chaleur. Et inversement".
Si la Haute-Vienne est épargnée par cette surmortalité, c'est aussi grâce à l'organisation des acteurs du territoire, selon le Professeur Achille Tchalla, chef du pôle de gérontologie clinique du CHU de Limoges : "nous avons tellement été touchés par la crise sanitaire, que l’organisation et la coordination entre les hôpitaux et les collectivités est restée.
Si la Haute-Vienne est épargnée par cette surmortalité, c'est aussi grâce à l'organisation des acteurs du territoire, selon le Professeur Achille Tchalla, chef du pôle de gérontologie clinique du CHU de Limoges : "nous avons tellement été touchés par la crise sanitaire, que l’organisation et la coordination entre les hôpitaux et les collectivités est restée.
Lors de ces deux dernières années, nous avons mis en place de la prévention, de la vaccination, et des gestes barrières. Avant la période estivale et caniculaire, nous avions déjà intégré la double contrainte Covid-19 et canicule. Les professionnels de santé étaient mieux sensibilisés et sont donc restés attentifs aux personnes vulnérables.
Professeur Achille TchallaChef du pôle de gérontologie clinique du CHU de Limoges
Recours aux soins d'urgence
L'afflux de patients lié aux fortes chaleur a mis à l'épreuve certains services hospitaliers en France, déjà éprouvés par la pandémie de ces deux dernières années.
Cet été en Nouvelle-Aquitaine, 978 passages aux urgences ont été enregistrés, la plupart étant des personnes de plus de 75 ans. Et 376 actes SOS médecins (tous âges confondus) : "cette différence d'âge est liée aux habitudes. Les jeunes ont plus souvent recours à SOS médecins, et les personnes âgées vont généralement aux urgences", explique Laurie Meurice.
Canicule et surmortalité : doit-on s'habituer ?
Le premier été le plus meurtrier enregistré était en 2003. Si l'on compare les chiffres, le nombre de morts supplémentaires étaient bien plus élevé à l'époque :
Haute-Vienne +70 décès, (contre - 5 cette année) ;
Corrèze : + 36 décès, (contre 15 cette année) ;
Creuse : +76 décès, (zéro cette année).
Selon les experts, les canicules seront de plus en plus fréquentes et de plus en plus meurtrières, en raison du changement climatique. Cette surmortalité va dépendre de la durée des canicules, qui pourraient être plus longues, et plus intenses.
Cela veut dire aussi qu’il va falloir s'y préparer. Depuis 2004, le gouvernement a mis en place un plan canicule, mais face au réchauffement climatique qui s’accélère, cela ne suffit plus.
Des dispositifs de prévention adaptés ?
Santé Publique France adapte ses messages de sensibilisation pour faire prendre conscience que tout le monde est concerné par les effets sur la santé d'une exposition aux fortes chaleurs. Les populations à risque sont les suivantes : travailleurs, sportifs, enfants et personnes âgées. Et les symptômes évocateurs d'un effet direct de la chaleur sur l'organisme sont les suivants : crampes, fatigue inhabituelle, maux de tête, fièvre, nausées, vertiges, propos incohérents.
Cette année, de nouveaux dispositifs ont été mis en place par l'organisme, comme la diffusion de spots publicitaires à la télé mais aussi à la radio. Voici un exemple de spot publicitaire diffusé cet été :
Le CHU de Limoges, dès 2019, avait diffusé le même type de message préventif :
L'autre nouveauté de cet été, c'était l'envoi de SMS pour alerter les populations les plus fragiles. Des messages adaptés aux différentes cibles : les personnes âgées (plus de 65 ans) ou vulnérables ou encore les femmes enceintes et parents de jeunes enfants.
Enfin, face à l’urgence du réchauffement climatique, les politiques d’urbanisme devront continuer de s’adapter, comme installer davantage d'îlots de fraîcheur dans les villes.