Alors que la Cour de Cassation vient de rendre un arrêt qui légalise la commercialisation de produits à base de CBD, une jeune entreprise corrézienne a décidé de se spécialiser dans la vente de produits dérivés à base de chanvre. Sa dernière création est une pâte à tartiner.
Dans le hangar de la zone commerciale de Donzenac, l’activité ressemble à celle d’une ruche. "Quand on est arrivé ici en septembre, on se demandait ce qu’on allait faire de ces 400 m2 et maintenant, il faut presque pousser les murs". Aurélien Delecroix a le sourire et il a de quoi. Ce jeune homme au parcours atypique (études d’anthropologie, éducateur spécialisé pendant plusieurs années) a créé son entreprise corrézienne spécialisée dans les aliments issus du chanvre, en juin 2018. Depuis, il est passé d’un salarié à cinq et il a dû emménager dans des locaux plus spacieux.
Sa dernière trouvaille commercialisée depuis mi-mai, une pâte à tartiner à base chanvre, est déjà vendue dans toute la France par une grande enseigne.
Pour l’instant, la fabrication est encore artisanale.
On produit 8 kilos de pâte manuellement pour l’instant, mais on va investir dans une nouvelle machine automatisée qui en fera 80 kilos d’un coup
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A côté des pâtes à tartiner, l’entreprise corrézienne commercialise toute une gamme d’aliments fabriqués avec du chanvre bio produit dans les Landes : barres énergisantes, produits bruts à cuisiner (farine, huile, graines décortiquées…), snack (biscuits salés ou sucrés, céréales)
"Le chanvre est très intéressant car il répond à 2 enjeux majeurs actuels, explique Marine Rose, responsable de la communication. Le premier enjeu c’est l’environnement car le chanvre résiste très bien à la sécheresse et il n’a pas besoin d’engrais ou de produits phytosanitaires". L’autre enjeu concerne la santé puisque la composition de cette plante en fait un super-aliment.
Le chanvre est riche en fibres et en minéraux, en vitamines, en protéines végétales donc il peut être un substitut de la viande.
En parallèle, « Hello Jova » propose aussi des huiles et des infusions contenant du CBD venant d’Autriche.
La vente du CBD légalisée
Si ce CBD provient de l’étranger, c’est qu’en France, la production de cette substance est interdite. Contenu dans la partie florale du chanvre, le CBD ou cannabidiol est souvent confondu avec le THC (le psychotrope présent dans le cannabis dont la consommation et la vente sont illégales). Il est au cœur d’un imbroglio juridique depuis plusieurs années :
- 22 août 1990, un arrêté paraît pour réglementer la culture du chanvre en France, sous certaines conditions et limite la commercialisation à sa fibre et sa graine. Le CBD n’apparaît pas dans le texte.
- En 2018, la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives) décrète son utilisation et sa commercialisation illégale, s’il provient de la plante.
- En novembre 2020, nouvel épisode, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) juge "illégal l’interdiction de la commercialisation du cannabidiol (…) par un Etat membre", estimant que la substance "n’a pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine".
- En juin 2021, un projet de décret français autorise la vente des produits à base de CBD mais maintient l’interdiction de la vente des fleurs. Un feu vert en demi-teinte pour le marché du cannabis bien-être et une déception pour la filière creusoise.
Dernier rebondissement : le 23 juin 2021, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui légalise la commercialisation du CBD en France. Pour les producteurs et revendeurs de produits contenant cette molécule, c’est la fin d’un flou juridique.
On va enfin pouvoir vendre nos fleurs et nos infusions en toute légalité
Ce gérant d'une boutique spécialisée à Limoges a de quoi être soulagé, car en février 2020, il avait été arrêté et mis en examen parce qu’il vendait ce type de produits. Il encourrait alors jusqu’à 2 ans d’emprisonnement. "Grâce à mon avocate, j’ai obtenu un report de mon procès. Si bien qu’il s’est tenu le 26 novembre 2020, juste après la décision de la CJUE (Cour de Justice Européenne) qui autorisait la commercialisation du CBD". Il a donc été relaxé et a rouvert son magasin qui propose des fleurs, des huiles sublinguales, des infusions et autres cosmétiques. "Tous nos produits sont issues de l’une des 28 variétés de chanvre inscrites au catalogue européen", conclut le gérant. "S’il avait fallu arrêter de vendre des fleurs, j’aurais été obligé de fermer ma boutique et licencier ma salariée".
Reste que la production de CBD, elle, demeure toujours illégale en France.