Cap Sud Ouest - Les souvenirs de tournage d'Éric Perrin (2/4) : Fort Boyard

En cette période de confinement, les diffusions de Cap Sud Ouest continuent tous les dimanches à 12h55 avec de nombreux inédits à venir. Les tournages, eux, sont mis en suspend. En attendant, Éric Perrin partage avec vous des souvenirs de tournage. De quoi s'évader tout en restant chez soi !

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C’est l’histoire d’une équipe de télévision qui se retrouve suspendue dans le vide au-dessus de la mer à Fort Boyard !
Si je vous dis Fort Boyard, je suis prêt à parier la barbe postiche du père Fouras qu’immédiatement une musique vous vient en tête. Ta-tatata-tatatatataa… C’est la force des grandes émissions de télévision que de faire partie ainsi de ce qu’on appelle l’inconscient collectif. On doit ce générique à un certain Paul Koulak, qui pour votre culture générale fit également celle du dessin animé TomTom et Nana (on ne sait jamais, en cette période de confinement, le sort d’un "Trivial poursuit" peut se jouer à peu de choses). Même si elle a été régulièrement retravaillée, la musique du générique de Fort Boyard n’a jamais changé depuis sa création en 1990. Ta-tatata-tatatatataa… Vous voyez, ça marche. Alors autant vous le dire, l’équipe était particulièrement excitée à l’idée d’aller tourner dans le mythique fort. Cette séquence était prévue pour clore notre émission consacrée à l’île d’Aix, la plus petite des cinq îles des pertuis charentais.

Je m’autorise une petite digression car sur ce point, dans la région, il y a débat ! En terme de superficie, la plus petite est indéniablement l’île de Nôle située sur la commune de Bourcefranc-le-Chapus. 390 mètres de long pour 160 de large. Seulement, voilà, elle est à 100 mètres du continent et est accessible à marée basse. Puis vient l’île Madame, là encore pas très loin de Fouras et de Port-des-Barques. 800 mètres sur 400. Là encore, on peut y accéder via la Passe aux Bœufs, une "route" d’un kilomètre de sable et de galets praticable en basses eaux. Puis en troisième, l’île d’Aix. 3 kilomètres de long sur 700 mètres au plus large. Mais là, impossible de venir sans emprunter la navette maritime. Les aixois (219 habitants) considèrent d’ailleurs qu’ils sont la dernière véritable île de la région. Vu que Ré et Oléron disposent d’un pont, on ne peut pas vraiment leur donner tort.

Peu de monde le sait, mais administrativement, sur le plan cadastral,  Fort Boyard dépend de la commune de l’île d’Aix. Grâce au jeu, le Fort est devenu l’emblème de la Charente-Maritime. On vient de tous les coins du monde pour le voir. Mais pas pour le visiter, et pour cause, c’est impossible. Les visites proposées aux touristes se contentent donc de faire le tour en bateau du monument. Autant le dire, avoir les autorisations pour y tourner équivaut à réussir sur un pied et les yeux bandés toutes les épreuves du jeu. Personne ne s’en doute mais le travail en amont pour tourner un numéro de Cap Sud Ouest est colossal. C’est le rôle du chargé de production, en l’occurrence Ludovic, que d’obtenir ces autorisations, veiller aux respects des consignes de sécurité, organiser la logistique. Ludo est du genre tenace. Il ne lâche rien. Il a bataillé des jours pour savoir à qui s’adresser et obtenir enfin la précieuse clef qui nous ouvrira les portes du Fort. Il a d’abord fallu contacter le Conseil Départemental de Charente Maritime, propriétaire du site depuis 1989. Obtenir l’accord de France 2, le diffuseur et celui d’Adventure Line Production (ALP), la société qui le produit. Éric Buron, en charge pour ALP d’organiser les tournages du jeu a beaucoup fait pour nous aider à obtenir cette autorisation exceptionnelle. Il faut dire que sa rencontre avec le fort a changé sa vie. Il fut l’un des tous premiers candidats dans les années 1990. Tombé amoureux du lieu, il a très vite intégré l’équipe de tournage, puis est devenu au fil des ans le grand organisateur logisticien de cette machine télévisuelle hors du commun.
Rendez-vous est pris pour avril, cette période durant laquelle une armada de techniciens, décorateurs, électriciens, charpentiers, menuisiers, viennent travailler sur le site pour mettre en place tout ce qui sera nécessaire pour les tournages des émissions. Le Fort qui reste fermé tout l’hiver reprend vie tous les printemps. Personne ne dort au Fort. Il faut donc faire chaque jour l’aller-retour. On nous a imposé une condition. Ne faire aucune image des installations liées au jeu lui-même. Les téléspectateurs doivent en avoir la primeur. Au petit matin, nous embarquons à Fouras dans l’une des navettes qui assurent quotidiennement les rotations. "Larguez les amarres !" "Amarres larguées… ". Denis Roland, conservateur au Musée de la Marine de Rochefort, m’accompagne pour cette traversée. C’est un fabuleux historien. Et formidable conteur. Avec Fort Boyard, il y a de quoi dire car le destin de ce fort est tout simplement inimaginable.
Dès la fin de la création de l’Arsenal de Rochefort en 1666, on envisage de bâtir sur ce haut fond en pleine mer une fortification. Les canons, installés sur l’île d’Aix et d’Oléron, séparées de six kilomètres, ont une trop faible portée (environ 1500 mètres) pour sécuriser la zone. Avoir une puissance de feu en plein milieu du passage pourrait donc résoudre ce problème. Louis XIV demande à Vauban d’étudier la question. Après étude et relevé, l’ingénieux ingénieur répondit : « Sire, il serait plus facile de saisir la lune avec les dents que tenter en cet endroit pareil besogne ». Le projet est relancé au 19ième siècle par Bonaparte. Les travaux commencent en 1804. On explose des blocs de pierre sur l’île d’Aix que l’on transporte ensuite par bateau sur le site pour asseoir les fondations. La logistique est digne du temps des  pharaons. 27 navires mobilisés, plus de 600 ouvriers. On  déverse des dizaines de milliers de mètre cube de roches mais les tempêtes de l’hiver balayent tout. La guerre avec les anglais stoppe les travaux. On pense alors que c’en est finit du Fort. Mais en 1841, Louis Philippe relance le chantier. On change de méthode. On ne coule plus les rocs mais des caissons de chaux déposés avec une grue à vapeur à chaque marée basse. Les équipes se relaient jour et nuit. 1859, le fort est enfin achevé. Enfin presque ! Car un problème majeur a été sous-estimé par l’armée. La difficulté pour accoster. Comme dirait l’autre, c’est béta.  On doit donc fabriquer un peu petit havre d’abordage et un éperon rocheux pour briser les vagues. 1866, le fort est enfin opérationnel. Il peut accueillir 250 hommes et de l’artillerie.  Mais c’est… trop tard !!! Car les canons ont fait des progrès immenses, les portées ont été multipliées par trois. Avoir un fort à cet endroit ne sert plus à rien. Boyard devient alors « le fort inutile ». 1913, l’armée quitte les lieux. Les canons sont revendus à un ferrailleur. Durant la seconde guerre mondiale, les Allemands vont même se servir du fort comme cible d’entraînement. À l’abandon pendant 80 ans, Boyard devient le domaine des oiseaux. La végétation reprend ses droits. L’ouvrage se dégrade. En 1962, l’État se décide à vendre le fort aux enchères. Un dentiste belge installé à Avoriaz (!) l’achète pour 28.000 Fr (soit 4.000 euros !). Une petite folie car il n’a aucun projet, ni les moyens pour l’entretenir et le restaurer. Un reportage télévisé de l'époque raconte d'ailleurs cette étonnante histoire.Le destin du Fort va basculer en 1988 quand un certain Jacques Antoine décide de le racheter pour en faire le cadre d’un jeu télévisé. Il va le payer 1 franc symbolique. Il faut dire que les travaux de restauration vont être colossaux. Il faut enlever 50 cm d’épaisseur de guano. 700 m³ de déchets divers. 1990, le premier tournage du jeu commence. Le titre original est d’ailleurs légèrement différent : "Les clés du Fort Boyard". Le succès est immédiat et ne faiblira pas. Plus de soixante-dix pays ont diffusé au moins une fois Fort Boyard. C’est sans aucun doute un exemple unique au monde d’un monument sauvé par une émission de télévision.

Après vingt minutes de traversées, nous voici enfin à proximité du Fort. Il faut dire qu’il a de la gueule. Qu’il en impose. On ne peut qu’être admiratif du travail effectué pour sa construction. Notre bateau fait plusieurs fois le tour du monument et finit par s’approcher de l’immense plateforme qui la jouxte. Dans le jeu, on ne la voit jamais. Pourtant, c’est l’unique accès à l’édifice. Nous découvrons alors que rejoindre le fort est en fait une véritable aventure. Il faut en effet s’accrocher à un filet manipulé par une grue. Par groupe de 4, nous nous accrochons tels des araignées à leur fils. Avec un baudrier pour se sécuriser. L’eau est à 10 degré. Pas question de tomber à l’eau.
Je dois l’avouer, ce jour-là, j’ai eu la banane. Suspendu au dessus du vide, tracté tel un poisson pris dans le filet d’un chalut, je m’envole dans les airs pour rejoindre le fameux Fort. Je me dis que j’ai une sacrée chance. Qu’avec Cap Sud Ouest, je peux réaliser des rêves et les partager. Vivre la fameuse devise de Fort Boyard :

Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort !

 

Coulisses du tournage de l'émission, suivez Éric Perrin à Fort Boyard :

 
RE)VOIR l’ÉMISSION :


 
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