En cette période de confinement, les diffusions de Cap Sud Ouest continuent tous les dimanches à 12h55 avec de nombreux inédits à venir. Les tournages, eux, sont mis en suspend. En attendant, Éric Perrin partage avec vous des souvenirs de tournage. De quoi s'évader tout en restant chez soi !
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Quand on évoque "Jean Pierre", tous les béarnais, ou les amoureux de cette région, savent de qui il s’agit. D’une montagne ! D’un sommet ! Et pas n’importe lequel. Le Pic du Midi d’Ossau. 2884 mètres d’altitude et un profil à nul autre pareil. Avec ses deux pointes visibles depuis la Lune (à moins que ce ne soit seulement que depuis le boulevard des Pyrénées à Pau, le béarnais ayant parfois une très légère tendance à exagérer), ce sommet est le totem de la Vallée d’Ossau. Jean est la pointe la plus haute. Pierre, le deuxième pic, est un peu moins élevé. Cette montagne fait partie de la vie et de la culture de cette région, au point qu’il était courant en Ossau d’appeler l’aîné Jean et le cadet Pierre.
Pour cette émission, nous avions décidé de contourner le fameux Pic avant d’en faire l’ascension. Enfin si les divinités béarnaises nous accordaient ce privilège. Pour commencer, direction le refuge des lacs d’Ayous. Sans aucun doute l’une des plus belles randonnées au monde. Et comme je ne suis pas béarnais de naissance, on ne peut pas me soupçonner de chauvinisme ! Je vous jure que c’est le cas. Prenez le temps de regarder cette petite vidéo. Cela vous mettra dans l’ambiance.
Pour nous accompagner et nous servir de guide, Didier Peyrusqué, garde moniteur au Parc National des Pyrénées. Un sacré personnage, né dans ces montagnes, devenu pour les vautours l’une des références européennes (pour ne pas dire mondiales, et là, je n’exagère pas). Un savant de terrain. Et un pince-sans-rire qui manie l’humour et le second degré comme personne. Je l’avais rencontré lors du repérage de l’émission mais je ne me doutais pas que j’allais vivre grâce à lui l’un de mes plus beaux souvenirs de tournage.
En ce matin ensoleillé de Juillet, nous nous retrouvons sur le parking de Bious Artigue au-dessus de Laruns. Même si la randonnée que nous allons faire est d’un niveau très accessible, tout se complique quand il s’agit de partir pour un tournage. L’équipe de Cap Sud Ouest en formation "réduite", c’est tout de même huit personnes : un réalisateur, deux cameramen, un ingénieur du son, deux opérateurs drone, un présentateur et un chargé de production. Notre chargé de prod, c’est Ludo. Je vous en ai déjà parlé dans un précédent "Souvenirs de tournage" à Fort Boyard. Ludo, c’est un logisticien hors pair. Bien sûr, les couchages au refuge d’Ayous sont réservés depuis belle lurette. Les paniers pique-nique avec de bons produits locaux (jambon et fromage Ossau Iraty) commandés et livrés. Mais c’est surtout un sacré organisateur. Grand amateur de randonnée, il a déjà fait ce parcours en famille. Mais aujourdhui, il ne s’agit pas seulement de partir avec un sac à dos, de l’eau en quantité suffisante, de quoi manger, un sac à viande pour dormir, du papier toilette, et les indispensables boules Quies. Mais d’embarquer également le matos de tournage. Caméra, pieds, micro, perche et… batteries. Vous ne pouvez pas imaginer un instant la quantité de batteries nécessaires, surtout quand on part avec un drone. Car il n’y a pas d’électricité au refuge. Du moins, juste un peu fourni par des panneaux solaires. Pas de quoi alimenter les recharges. Conséquence, on prend toutes les batteries et au final, ça fait plus de 30 kilos ! Qui s’ajoutent à tout le reste. Ludo a donc eu une bonne idée : prendre un âne !
"Pas bête" me direz-vous. Car l’âne est depuis toujours un compagnon fidèle de l’homo-sapiens dans ses déplacements. Il est solide et quand il s’agit en sus d’un âne des Pyrénées, il a le pied montagnard. Ludo a donc trouvé un éleveur d’ânes qui loue ses bêtes pour les randonneurs. L’ongulé se prénomme Auguste. Et il a une bonne tête. Pendant que son propriétaire prépare le bât, nous faisons connaissance. Très vite, nous comprenons que cela ne va pas être simple. Car contrairement à la croyance populaire, un âne est tout sauf idiot. Bien au contraire, il est même très intelligent. L'histoire du bonnet d'âne a toujours été prise à l'envers. En réalité, le bonnet d'âne était mis sur la tête des cancres pour leur faire passer l'intelligence de l'âne ! Auguste a donc vite compris que ses compagnons du jour n’avaient pas le "permis baudet" depuis longtemps. On dit que la relation avec un âne se joue dans les premières minutes. Celui qui prend l’ascendant va le garder par la suite. Et Auguste compte bien imposer sa loi. Pour garder en mémoire ces moments je commence à faire quelques images avec mon smartphone. Cela donnera un petit montage qui nous fait encore rire. Aujourd’hui, je dois l’avouer, Ludo s’en est beaucoup mieux sorti que ne le laisse présager la vidéo. Comme quoi, on peut tout faire dire à des images…
Si vous avez pris le temps de regarder cette vidéo, vous avez pu faire connaissance avec Ludo, l’âne Auguste mais aussi… le fameux Didier. Vous avez donc remarqué son œil rieur, son talent d’improvisation et son insigne cousu sur sa manche "Parc National Des Pyrénées". Didier est fils de berger, né dans cette vallée d’Ossau. Il a d’ailleurs suivi initialement une formation pour prendre la relève mais il a "bifurqué", comme il le dit, pour entrer au Parc. Didier est intarissable sur ces montagnes, sa faune, sa flore. Il a surtout une connaissance encyclopédique. Il a emmagasiné via des lectures scientifiques une somme d’informations inimaginables. Mais il a ce petit plus, disons même, ce grand plus. Le terrain. Son terrain. On sent bien que chaque mot appris dans les livres entre en résonance avec cette connaissance empirique que les bergers ont toujours eu. Fruit de l’observation et de l’expérience. Il ne parle pas en l’air. Même s’il passe son temps les yeux rlevés vers le ciel !
Car Didier a deux amours. Son pays et les vautours. Et pourtant, dieu sait qu’ils ont parfois mauvaise presse les vautours. Didier lui sait qu’ils ont toute leur place dans les Pyrénées, car ils ont un rôle essentiel à jouer. Celui de nettoyeur. Genre "Victor" dans Nikita. Comme Jean Reno, ils doivent faire disparaître les traces de la mort. Quand un bête décède, le vautour fauve arrive. Il mange non seulement les chairs, mais aussi les viscères et les muscles. Ses sucs gastriques sont si puissants qu’ils font disparaître les germes infectieux, les parasites qui pourraient sans cela affecter les autres animaux, voire même les hommes. Il laisse le reste (tendons, cartilages, os...) à d'autres espèces, comme le Vautour moine ou le Gypaète barbu. La nature a pensé à tout.
Le vautour inspire à certains peur et dégoût. Mais de nombreuses civilisations l’ont vénéré. Les Égyptiens. Ou encore les indiens d’Amérique pour qui les vautours avaient le don d’aider les défunts à trouver le chemin du ciel. Didier peut parler pendant des heures de ces grâcieux oiseaux. Certes, au sol, avec leur bec courbé et leur long cou, ils sont moins glamour que l’aigle. Mais lorsqu’ils volent, ce sont des voiliers des airs. Avec une envergure de plus de 2,5 mètres et un poids de 8 à 9 kilos, le vautour ne peut pas battre des ailes en permanence. Il est donc devenu le champion du vol à voile. Il repère les courants ascendants, vient s’y placer pour prendre de l’altitude puis part en vol plané dans la direction qui l’intéresse. Dans de bonnes conditions, un vautour peut parcourir ainsi plus de 350 kilomètres en une journée. Quasiment sans effort.
Je bois les paroles de Didier comme on s’abreuve à une source de bonheur. Le paysage autour de moi est sublime. Mais avec lui, tout est décuplé. Le ciel est encore plus bleu. Les montagnes encore plus belles. Et plus que tout, chaque chose est à sa juste place. La nature et les hommes. Didier sait que depuis la nuit des temps, les hommes ont su apprivoiser ces montagnes pour en tirer le meilleur parti. Il sait que sans les bergers et le pastoralisme, ces beaux massifs montagneux si verts ne seraient que broussailles impossibles à franchir. Marcher ici avec lui est un ravissement. On croise tous ces animaux qui depuis des siècles montent chaque été aux estives. Les Pyrénées-Atlantiques comptent plus de la moitié du cheptel transhumant des Pyrénées dans leur ensemble. Plus de 25.000 vaches, 350.000 brebis, sans oublier les chevaux, s’installent dans les montagnes du département. Depuis sa création en 1974, le Parc National des Pyrénées défend l’idée que la protection de cette richesse ne doit pas se faire sans les acteurs locaux, sans ces hommes qui font vivre depuis toujours la montagne. Parfois, certaines décisions sont mal vécues. Mais ici en Ossau, on trouve toujours le moyen d’expliquer les raisons. Et Didier y est pour beaucoup. Il a le respect de tous. Ceux qui seraient prêts à oublier les règles sous un fallacieux prétexte savent qu’il connaît toutes les ruses et qu’on ne la lui fait pas. À l’inverse, il sait se faire le porte-parole des bergers quand il s’agit de défendre le bon sens et l’efficacité devant des technocrates à la tête bien faite mais aux souliers trop propres.
La montée jusqu’au refuge d’Ayous prend normalement deux à trois heures selon la forme du randonneur. Didier, tout seul, met à peine 45 minutes pour faire les 8 kilomètres de distance et les 600 mètres de dénivelé (je pense que petit, on lui a fait des injections de sang d'isard). Mais avec l’équipe de télé de Cap Sud Ouest, il en va tout autrement. Car nous avons mis au total plus de 9 heures pour atteindre le refuge (pause repas comprise). Il faut dire que l’on s’arrête en permanence pour filmer tant tout est beau partout. On fait les interviews. On attend Ludo et son âne ( !). Et on fait voler le drone. Sachez d’ailleurs que pour cela, nous avons dû obtenir des autorisations exceptionnelles du Parc National des Pyrénées et de la Préfecture. Car il est totalement interdit de faire voler ces engins dans le PNP. Avant chaque décollage, nous expliquons à Didier le vol que nous voulons faire. Lui sait où se trouvent les zones à éviter. Les endroits où pourraient nicher des oiseaux avec leurs petits que nous pourrions effrayer et mettre en danger de mort. Respecter les endroits où nous tournons est une règle d’or à laquelle nous ne dérogeons jamais.
Enfin nous y voilà ! Au refuge d’Ayous. 1980 mètres d’altitude et sans aucun doute la plus belle vue sur "Jean Pierre". Le Pic du Midi d’Ossau. Le refuge est plein à craquer. Après avoir posé les sacs, laissé les chaussures de rando, et repéré la couchette, on vient dans la grande salle commune pour dîner. Tout le monde a conscience que nous faisons plus que partager un repas, préparé avec amour par Pierre-Jean et Soize qui dirigent le refuge. Les âmes sont aussi légères que les jambes sont lourdes. Les sourires sur toutes les lèvres. On met le nez dehors une dernière fois avant d’aller se coucher. C’est ce moment que va choisir Didier pour sortir sa dernière carte ! Celle du showman. Sur une scène improvisée, en contrebas de la terrasse, il va se lancer dans une de ces histoires dont il a le secret. Une demi-heure de stand-up en altitude ! Avec notamment, un moment inoubliable : l’anecdote du béret !
À sa façon, Didier nous offre un dernier cadeau, un pur moment d’humour béarnais. Car ce pays est certes attachant par sa beauté mais par-dessus tout grâce à cette âme béarnaise. Cette chaleur dont font preuve ses habitants. Avant d’aller au lit, je m’attarde une dernière fois pour regarder "Jean Pierre" qui se reflète magistralement sur le lac Gentau. Je reste sans voix. Comme anesthésié par la beauté. Je ferme les yeux pour graver ce moment, cette image, Pour la conserver au fond de moi. Pour toujours. Sans savoir qu’elle reviendra d’elle même certaines nuits, comme une médecine naturelle, lorsqu’un virus au nom étrange, plus tard, nous confinera dans nos maisons.
Il suffit d’un grand morceau de ciel et le calme revient dans les cœurs trop tendus,
disait Albert Camus.
Voir le soleil se coucher depuis le refuge d’Ayous, c’est comme être en loge présidentielle au théâtre du Paradis. Ce soir, je suis un orpailleur d’horizon. Et le monde entier doit savoir que le béret est béarnais…
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