Charente-Maritime : le blues des discothèques, fermées depuis le début du confinement

Alors que le gouvernement a décidé d'ouvrir le fonds de solidarité aux boîtes de nuit, les établissements du département attendent patiemment la réouverture, annoncée en septembre. L'objectif : rattraper cinq mois de pertes sèches.

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Alors que la France a peu a peu réussi à se relancer après le confinement, les discothèques se sentent oubliées. Depuis le 14 mars, toutes les boîtes de nuit du pays sont fermées pour cause de pandémie. La raison : la promiscuité inhérente aux pistes de danse rend trop difficile l'application des gestes barrières.

Comme partout dans le pays, les boules à facettes ne scintillent plus à La Rochelle. Dans la boîte "Autour de minuit", les bouteilles prennent la poussière et le dancefloor est inexorablement vide. Une catastrophe, pour le gérant Jonathan Gaillard, qui estime ses pertes de chiffre d'affaires à "environ 100-120 000 euros depuis le début de la crise sanitaire".

Un désastre financier qui s'ajoute à un "flou" :
 

On a une non-visibilité totale. On n'a aucune idée de quand on pourra rouvrir, faire retravailler les employés, qui s'inquiètent. On a l'impression d'être oubliés.

Jonathan Gaillard, gérant d'"Autour de Minuit"

Un flou que confirme Damien Faure, propriétaire du fonds de commerce de la boîte "Freedom", toujours à La Rochelle. Il affirme que, concernant la réouverture, "l'Etat nous avait dit 4 juillet, puis 10 juillet, et maintenant on nous promet septembre". Une promesse à laquelle il ne croit pas vraiment : "Les festivals sont tous repoussés à 2021, et on nous dit qu'il faut un vaccin, qu'on n'aura pas avant 2021 ou 2022. Donc on risque d'être encore bloqués", prédit-il.
 

350 000 euros de pertes au "Freedom"

Au "Freedom", Damien Faure estime ses pertes à environ 350 000 euros depuis le 14 mars. "Pendant deux ans, j'ai eu un locataire gérant, explique-t-il. En avril, après la fermeture administrative, il ne pouvait plus payer le loyer et a du déposer le bilan.
 
Devant ce cri d'alerte, poussé par de nombreux professionnels de la nuit, le gouvernement a été forcé de réagir. Le 24 juillet, il a ainsi été décidé d'ouvrir l'accès au fonds de solidarité pour les entreprises aux discothèques. Leurs frais fixes (eau, électricité, loyer...) seront ainsi pris en charge par l'Etat à hauteur de 15 000 euros par mois pendant trois mois (juin, juillet et août). Un plafond plus élevé que les 5 000 euros accordés aux autres entreprises.

"Ce plafond couvre les charges d'environ 85% à 90% des établissements du monde de la nuit", a affirmé le ministre délégué aux PME Alain Griset, qui estime le coût total de la mesure à 50 millions d'euros pour les 1 600 établissements concernés en France.

Ce dispositif, "on est vraiment contents de l'avoir. Mais est-ce que c'était pas un minimum ?", s'interroge Jonathan Gaillard. Le gérant d'"Autour de Minuit" indique également que la mesure ne sera suffisant que "si on peut rouvrir en septembre". 
 

Concurrence déloyale

Un constat que ne partage que partiellement Pascal Parrot, le gérant de la boîte "Le Rancho" à Saint-Palais, près de Royan. "C'est un bon début pour les petits clubs qui accueillent moins de 800 personnes, qui sont une majorité dans le pays, avance-t-il. Pour les plus gros clubs, c'est largement insuffisant."

"Le Rancho" a l'homologation pour accueillir simultanément 1 400 personnes en intérieur, et est doté d'un grand espace extérieur en supplément. Et les 45 000 euros pour trois mois promis par le gouvernement ne sauvront pas son budget :
 

Nous n'ouvrons qu'en saison. Je devais ouvrir le 15 mars, et fermer le 15 septembre. Donc à moins d'une réouverture début septembre, je vais avoir perdu toute une année, soit 2 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Pascal Parrot, gérant du "Rancho"

D'autant que, pendant que les discothèques sont fermées, certains bars se transforment en pistes de danse plus ou moins sauvage, sans aucun respect des gestes barrières. Une aberration et une concurrence déloyale pour Pascal Parrot : "Les bars et restaurants qui font danser les gens et font notre métier à notre place, c'est totalement illégal, ascène-t-il. Même en temps normal. Ils profitent de la crise.
 

Des gestes barrières "impossibles à gérer" en cas de réouverture

Pourtant, le gérant du "Rancho" doute de pouvoir rouvrir en septembre. Si une distanciation sociale devait être appliquée dans les boîtes de nuit, "je préfèrerais rester fermé une bonne fois pour toutes plutôt que d'ouvrir en demi-teinte".

Pour lui, le respect des gestes barrières sera "impossible à gérer", et gâcherait "la promesse faite" aux clients. "L'entrée n'est pas gratuite, on propose de la danse, du divertissement, énumère-t-il. Si je rouvre, ce n'est pas pour dénaturer le produit et devenir un simple vendeur d'alcool de nuit."

Dans les petites boîtes rochelaises, l'avenir s'envisage différemment. Avec une doctrine : repartir, coûte que coûte. Pour Jonathan Gaillard, "on peut rouvrir en septembre, même en limitant le nombre de personnes". Une vraie "question de survie" si les aides de l'Etat ne sont pas reconduites. Il abonde :

On est des professionnels, on est là pour guider les gens, et on peut les recenser et les espacer en groupes. Ca va être compliqué de faire tout appliquer, mais est-ce que c'est mieux si il y a 150 personnes dans un appartement ?

Jonathan Gaillard, gérant d'"Autour de Minuit"

En attendant une éventuelle annonce du gouvernement, certains ont donc décidé de se reconvertir. Au "Freedom", Damien Faure et ses employés ont commencé à former des boxes distanciés dans la salle de l'étage de la boîte, pour l'utiliser "au moins en bar si l'Etat nous en donne la possibilité, même si on ne peut pas avoir la piste de danse".

Pour les 17 discothèques de Charente-Maritime, le plus important est désormais de "limiter la casse".
 
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