Entreprise : un dispositif d’aide psychologique pour les petits patrons frappés par la crise

La pandémie de Coronavirus a gravement attaqué notre économie. Les tableaux de bords de nombreuses petites PME virent au rouge et plongent certains chefs d'entreprises dans l'isolement et le désarroi, jusqu'à penser au suicide. Un dispositif d’aide psychologiue existe il a été créé à Saintes.

Même si on essaye d’être solide il est dur de gérer les peurs, la honte, la déception d’avoir failli . Je vous remercie de m’avoir demandé si j’avais des idées suicidaires. Oui, cela aurait pu être le cas car à ce moment là mon cerveau ne fonctionnait qu’en mode émotion et je ne résonnais plus 
- Une femme, cheffe d’entreprise, bénéficiaire du dispositif APESA (source apesa-france.com)

Alors qu’elle souhaite rester anonyme, cette femme entrepreneur tient malgré tout à témoigner. Elle fait partie des quelques 3.000 chefs d’entreprises qui ont pu bénéficier en France du dispositif de l’APESA, l’Aide Psychologique des Entrepreneurs en Souffrance Aiguë.
Son concept est né à Saintes en 2013 à l’initiative de deux hommes : Marc Binnié, greffier au Tribunal de commerce de Saintes et Jean-Luc Douillard, psychologue clinicien et coordinateur du programme régional de prévention du suicide en Charente-Maritime.

« Un jour, je faisais une conférence au Tribunal de Saintes, je travaillais, à l’époque, sur les adolescents ou encore sur le milieu carcéral lorsque Marc Binnié m’a interpellé sur la situation de ces chefs d’entreprises en grande souffrance à la suite d’une cessation de paiement, un dépôt de bilan ou d’une liquidation judiciaires. » explique le thérapeute.
A ce moment là, il n’existait rien de spécifique pour leur venir en aide sur le plan psychologique pour faire face aux épreuves de cette nature.
Dans les semaines qui suivent, un petit réseau de sentinelles est mis sur pied.
Pour l’essentiel, des femmes et des hommes qui travaillent au contact de ces chefs d’entreprises, dans les CCI, par exemple, les chambres de métiers et bien sûr dans les tribunaux de commerce.
« C’est là, que l’on va détecter si la situation nécessite le déclenchement d’une alerte » précise Marie-Laure Artaud. Cette responsable antenne à la CCI de Saintes et également l’une des trois sentinelles de l’APESA qui officient au sein de la Chambre de Commerce. 

Une fois formé, nous sommes plus enclin à déceler les signes de mal être et de souffrance dans leurs propos lorsqu’ils nous appellent pour nous expliquer que leur entreprise est en difficulté. Ils parlent de leur société, jamais d’eux. Parfois, se sont les conjoints qui nous alertent directement
- Marie-Laure Artaud, responsable antenne CCI de Saintes 

C’est cette écoute attentive qui va permettre de proposer très rapidement de l’aide.  S’il en est d’accord, le patron en difficulté sera aidé gratuitement grâce à un réseau de psychologues libéraux. Cinq séances seront ainsi totalement prises en charge.

Un réseau de 2.000 sentinelles et 1.200 psychologues en France 

En Charente-Martine une vingtaine de ces thérapeutes travaillent aujourd’hui avec l’APESA, ils sont 1.200 sur toute la France.
« J’ai été agréablement surpris par la rapidité de prise en charge » témoigne Denis, plombier. Dans les jours qui suivent son échange avec la Chambre des métiers il est appelé par un thérapeute professionnel .

Je n’aurais pas fait moi-même la démarche de m’adresser à un psychologue, alors que j’en avais tellement besoin»
- Denis, plombier, bénéficiare du dispositif APESA 17(source apesa-france.com)

« Ce qui arrive à ces petits patrons relève parfois de la sidération » souligne Jean-Luc Douillard, psychologue clinicien « La seule idée de perdre leur entreprise, parfois familiale, avec des salariés et tout simplement impensable et certain ont du mal à résister à ce choc » ajoute  Marc Binnié, greffier au Tribunal de Saintes et Président de l’APESA.
Rapidement, le dispositif mis en place à Saintes par le greffier et le psychologue démontre tout son intérêt et sa pertinence. Ce qui ne passe pas inaperçu. A tel point qu’aujourd’hui, sept ans plus tard, l’APESA est présente dans une soixantaine de départements en France et s’apprête à voir le jour dans une vingtaine d’autres. Le réseau compte aujourd’hui 2000 sentinelles.

Comme s’ils avaient pris un gros uppercut

La crise économique engendrée par la pandémie de coronavirus amplifie aujourd’hui l’angoisse et le stress des entrepreneurs. C’est donc naturellement que les pouvoirs publics ont sollicité l’APESA afin qu’elle mettre a disposition un numéro vert : le 0 805 655 050. En deux mois, 300 appels ont été enregistrés.

Depuis le début du confinement le nombre de prise en charge a augmenté de 20 à 25% sur l’ensemble du pays et ça va durer bien au delà de ces deux mois. Il faut bien comprendre que pour beaucoup de ces petits patrons, tout allait bien jusque là, et soudain, c’est comme s’ils avaient pris un gros uppercut. Jamais ils n’auraient imaginé se retrouver au bord de la faillite en si peu de temps. Ce sentiment est d’autant plus durs à appréhender que ces chefs d’entreprises subissent la situation sans rien pouvoir faire. Au choc s’ajoute la culpabilité .
- Jean-Luc Douillard, psychologue clinicien, co-fondateur de l'APESA

Pour répondre à cette détresse, 500 nouvelles sentinelles ont été formées au cours des trois dernières semaines."Aujourd’hui c’est principalement le secteur de l’hôtellerie, restauration qui est souffrance » précise Marie-Laure Artaud, la responsable antenne de la CCI de Saintes. Malheureusement tout ces professionnels ne connaissent pas encore l’APESA, où n’ont pas encore eu l’occasion d’être mis en relation avec ce dispositif.
« Nous déplorons un suicide la semaine dernière … à quelques kilomètres de là. La difficulté c’est l’isolement dans lequel s’enferment parfois les professionnels. C’est d’ailleurs le premier symptôme à prendre en compte» s’émeut la responsable de la Chambre de commerce.   
Un drame qui pour autant ne doit pas occulter le chemin parcouru. En dépit de cette crise sanitaire et économique sans pareil, moins d’une dizaine d’alertes ont été enregistrées au cours de ces deux derniers mois dans le secteur de Saintes Rochefort.
Ce territoire compte aujourd’hui 98 sentinelles et une vingtaine de psychologues partenaires pour 24.000 entreprises. Ici, la culture de la prévention et de l’accompagnement semble avoir porté ses fruits. Stéphane, bénéficiaire de l’APESA en Charente-Maritime confirme :
« Sans l’initiative de l’APESA que je salue, je ne pense pas que j’aurais eu la force, ni le courage de me relancer dans l’aventure du chef d’entreprise, alors pour conclure seul mot s’impose : Merci »
 
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