Sur l'île d'Oléron, un opéra fait revivre le coq Maurice

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Le gallinacé le plus célèbre de France est malheureusement décédé l'année dernière. Mais son histoire a inspiré la création d'un opéra qui, symboliquement, était joué cette semaine sur l'île d'Oléron.

"La justive va vous obliger à faire avec Maurice un bon dîner !" ; de sa voix de baryton basse, Thibault de Damas interpelle en chantant avec la mezzo-soprano Christianne Bélanger. Lui, c'est le voisin mais aussi, accessoirement, le lapin et l'oie de cet opéra de basse-cour. Elle, bien sûr, est l'incarnation de Corinne Fesseau, celle dont le fameux Coq Maurice, symbole innocent de la ruralité, a fait la une du New York Times. 

Maurice n'est plus, on le sait, décédé l'année dernière. Mais cette saga judiciaire 100 % made in France ne pouvait pas laisser indifférent Julien Masmondet. D'abord parce que le chef d'orchestre, Oléronnais d'origine, habite à une portée de chant de coq de la maison de Corinne Fesseau. Ensuite pace qu'il est aussi le fondateur du festival Musiques au pays de Pierre Loti. Ce conflit de voisinage qui a débouché en 2019 sur une décision de justice et même une loi sur la protection du patrimoine sensoriel des campagnes françaises ne pouvait qu'inspirer le musicien.

"C’est un sujet qui parait anodin, mais qui cache véritablement des valeurs profondes notamment sur la thématique du vivre ensemble", explique Julien Masmondet, "c’est très d’actualité, suite à ce confinement, où tout le monde s’est retrouvé un peu les uns sur les autres. C’est montrer comment vivre en harmonie et la musique et l’opéra peuvent véhiculer cette idée".

Météo oblige, c'est dans la salle Patrick Moquay de Saint-Pierre d'Oléron que se sont réfugiés Les Apaches. Créé en 2018, ce groupe instrumental à géométrie variable s'est donné pour objectif de décloisonner les pratiques culturelles et de désacraliser la musique dite élitiste. Depuis toujours, Julien Masmondet cultive ce crédo en animant des ateliers avec des enfants ou en donnant des concerts en milieu carcéral. Cette oeuvre s'inscrit entièrement dans cette démarche. Co-produit par l'Opéra de Limoges, elle a pris forme dans la Ferme de Villefavard en Limousin, lieu de création champêtre s'il en est.

L'idée, c'est de pouvoir donner ce spectacle en salle comme en plein air, dans un château comme dans une ferme. Sur scène, une "cage à poule" comme on en trouvait beaucoup dans les jardins d'enfants naguère. Un dispositif qui permet de rythmer l'intrigue de ce veaudeville chanté, burlesque mais aussi émouvant où les animaux et les êtres humains tentent de s'apprivoiser. Car finalement, l'affaire du coq Maurice, c'était plus qu'une plaidoirie pour la ruralité, c'était un vrai débat de société.

"On se pose la question de qu’est-ce que c’est que notre animalité", explique Catherine Dune, la metteuse en scène, "est-ce que c’est la part la plus archaïque de nous ou ce qui va nous permettre de survivre dans le futur ? Toutes ces grandes questions, la question du langage, etc… Cette cage à poule, elle permet comme ça en même temps une transparence sur tout ce qui se passe derrière et de faire apparaître subitement tous les personnages de l’ouvrage. Car on a, entre autres contraintes, celle d’avoir trois chanteurs qui interprètent sept personnages".

C'est donc une adaptation très libre de la tragi-comédie juridique de Maurice Le Coq qui a été proposée aux spectateurs. Peu d'entre eux sûrement étaient des connaisseurs du bel canto, mais c'était justement l'objectif que s'était fixé Pascal Zavaro. "Ce que l’on essaye de faire avec Les Apaches et avec Julien, depuis plusieurs années", nous dit le compositeur, "c’est d’apporter des éléments de culture non populaire dans un contexte où tout le monde peut venir, les enfants, les parents, les gens de toutes générations. Ma musique, c’est de la musique élaborée, je ne suis pas un artiste de pop musique, mais ce qui m’intéresserait, ça serait de placer des choses en peu différentes dans ce contexte".

Évidemment, Corinne Fesseau n'aurait voulu rater ce rendez-vous à aucun prix. Un nouvel animal, Maurice II, a pris place dans sa basse-cour. Mais son glorieux prédecesseur restera à jamais dans le coeur de l'îlienne. "Cette histoire a fait revenir des souvenirs que j’ai vécus, entre le coq que j’ai protégé et lui qui m’a protégé", dit-elle, émue, à la sortie du spectacle, "on est devenus tellement complices tous les deux qu’on s’est protégés de nos voisins et cette histoire retranscrit le jugement, le procès, tout ce qui s’est passé. Maurice était là comme moi j’étais là et le voisin forcément était toujours entre nous. Pendant tous ces mois, on a toujours été ensemble avec la hantise que le voisin revienne, c’était complètement l’histoire. C’est vraiment un bel opéra".

"On a vraiment joué à passer par des scènes complètement cocasses, divertissantes, folles, de la fanfare, presque du cabaret et tout d’un coup de passer dans l’émotion du grand opéra avec une scène bouleversante à la fin", déclare Catherine Dune. "On essaye d’abord de faire de la musique avant de faire de la politique, mais il y a toujours un arrière-plan comme dans tous les opéras dans l’histoire", poursuit Pascal Zavaro, " il y a évidemment plein de thèmes qui peuvent être rapportés à des situations sociales et politiques. Mais ce n’est pas le but. L’important, c’était surtout l’humour".

Au paradis des gallinacés, si il existe, Maurice a du jubiler de voir sa vie ainsi chantée par ces drôles d'humains. "Aujourd’hui on joue encore des pièces, des œuvres et des opéras qui ont été écrits il y a 400 ans", conclue Julien Masmondet, "espérons que le coq Maurice continuera de chanter à travers cet opéra encore de nombreux siècles".

Corinne Fesseau, la propriétaire de Maurice, était l'autre star de la soirée

 

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