Charente-Maritime : les goélands de l’île de Ré contaminés par des perturbateurs endocriniens

Manquant de chifres sur le territoire métropolitain, des chercheurs ont mené une étude sur la présence de composés perfluorés dans l'organisme des oiseaux rétais. Les taux relevés dans le sang des goélands ont surpris les scientifiques. Ils se sont révélés très importants. Inquiétants même. 

Depuis une vingtaine d’années, la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) s’est lancée dans un programme de comptage des goélands qui nichent sur la réserve naturelle nationale de Lilleau des Niges, aux Portes-en-Ré, à l’extrémité nord de l’île. D’un millier de couples au début des années 2000, la population de goélands argentés, notamment, a été divisée par dix, se résumant aujourd’hui à une petite centaine de couples. Il était donc urgent de préserver ces prédateurs marins, mais les données manquaient pour comprendre cette chute de leur population.

En 2016, une équipe de chercheurs du Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (79), a mené une étude sur les quatre espèces de goélands présentes sur la réserve, en association avec la LPO qui gère le site.

Le CNRS a profité des captures que nous réalisons pour poser les bagues, pour prélever du sang sur ces oiseaux. Les analyses permettent de déterminer le taux des différents polluants présents dans leur organisme.

Jean-Christophe Lemesle, conservateur de la réserve naturelle de Lilleau des Niges

Habitués à travailler dans les Dom-Tom et en Arctique, le Centre d’Etudes Biologique de Chizé (CEBC), rattaché à l’université de La Rochelle, étudie particulièrement les effets des polluants sur les oiseaux marins. Les pôles ont en effet la particularité de concentrer les polluants qui viennent s’y accumuler sous l’effet des courants marins, servant ainsi de niveau de référence.

Une première en France métropolitaine 

L’étude menée à la réserve naturelle de Lilleau des Niges est la première de la sorte sur le territoire métropolitain. Les scientifiques pensaient logiquement y trouver des taux inférieurs à ceux qu’ils ont l’habitude de constater en Arctique.

A notre grande surprise, on a trouvé des concentrations vraiment importantes, très proches, parfois même supérieures à celles qu’on peut observer en Arctique pour des espèces équivalentes. On a étudié quatre espèces de goélands, à raison d’une quarantaine d’individus pour chacune. Le but était de travailler sur un groupe de polluants de plus en plus préoccupants, qui s’appelle les substances perfluorées. 

Olivier Chastel, directeur de recherches au CNRS

Utilisées depuis les années quarante, elles sont la clef de voûte de l’industrie des imperméabilisants, des textiles ignifugés et des surfaces antiadhésives. On les retrouve donc dans les revêtements des poêles, les traitements antitaches, les vêtements en Gore-Tex, les mousses anti-incendie, les peintures … Aussi utiles que répandus, les composés perfluorés, qui appartiennent à la famille des perturbateurs endocriniens, ont néanmoins un inconvénient majeur : leur volatilité. On les retrouve ainsi dans l’air et dans l’eau et leur persistance dans l’environnement, estimée à plusieurs dizaines d’années, leur permet de voyager loin et longtemps, de sorte qu’on les retrouve dans des milieux très éloignés du lieu où ils ont été émis. Comme aux pôles …

La voie d’entrée des perfluorés dans les organismes, c’est l’alimentation. L’intérêt d’étudier le goéland, c’est qu’en tant que prédateur marin, il se situe en haut de la chaîne alimentaire, et va ainsi profiter du principe de bio-accumulation. Les perfluorés étant présents dans l’eau de mer, la petite crevette en aura un peu dans son organisme. Comme le petit poisson qui va la manger, qui du coup en aura encore un peu plus, et le gros poisson qui mangera le petit, encore davantage… Au final, le goéland, prédateur supérieur, va les accumuler à des taux importants. 

Olivier Chastel, directeur de recherches au CNRS

Le goéland raffle la mise en quelque sorte. Régulièrement conspué pour ses nuisances, il se révèle ici un indicateur précieux pour quantifier la pollution de son écosystème. Les observations ont ainsi pu montrer des effets sur son comportement de reproduction, sur sa fertilité et sur sa capacité à résister aux maladies.

Et à partir du moment où on a du sang, on peut aussi en profiter pour regarder les hormones. On s’est ainsi aperçu que les animaux les plus contaminés par ces perfluorés, comme le goéland marin, avaient des taux anormaux d’hormones thyroïdiennes. Ça illustre bien le problème des perturbateurs endocriniens, qui arrivent à gêner et jusqu’à modifier le bon fonctionnement normal des hormones chez les animaux et chez l’homme. 

Olivier Chastel, directeur de recherches au CNRS

Connus pour être associés à certains cancers, à des retards de développement et à des problèmes de puberté, ils entraînent une immunité plus faible ainsi que des problèmes d’hormones thyroïdiennes. Les composés perfluorés "sont des contaminants qui sont préoccupants chez l’homme et dont on s’aperçoit qu’ils sont présents absolument partout dans la population humaine en Europe".

La pression s’accentue doucement sur les substances perfluorés

En 2015, 200 scientifiques signaient la déclaration de Madrid pour demander des mesures radicales visant à limiter la pollution perfluorée. Il y a deux ans, ce sont les ministres européens de l’Environnement qui appelaient à agir pour éliminer les utilisations non-essentielles des composés perfluorés.

Pour la LPO ces polluants doivent être éliminés le plus rapidement possible. Actuellement, il y a plus de 4.700 éléments chimiques des perfluorés qui sont utilisés. Pour l’heure, il n’y en a que deux qui ont été interdits. Alors qu’on sait qu’il y en a très probablement beaucoup d’autres qui ont des influences très néfastes sur notre développement. Et on continue à les utiliser malgré tout. 

Jean-Christophe Lemesle, conservateur de la réserve naturelle de Lilleau des Niges

En septembre 2020, l’Agence européenne de sécurité des aliments a établi un nouveau seuil pour les principaux composés perfluorés, en raison des risques sanitaires liés à leur présence dans l’eau potable, les poissons, les fruits …

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