Trop de pesticides dans les départements du Centre-Val de Loire, situation inquiétante en Eure-et-Loir

L'association Générations Futures vient de publier la carte interactive des achats de pesticides par département, couvrant les années 2015 à 2022. Et notre région ne brille pas par sa modération. Sur les produits les plus dangereux pour la santé et l'environnement, le Centre-Val de Loire fait même franchement figure de mauvais élève.

Il faut saluer le travail d'utilité publique réalisé par l'association Générations Futures. Extrêmement détaillée, la carte Géophyto des achats de pesticides permet au grand public de découvrir quelles sont les substances actives achetées et donc utilisées dans son environnement immédiat.

Herbicides, fongicides, insecticides ou régulateurs de croissance, les pesticides y sont classés selon leur fonction. Mais aussi selon leur nocivité pour la santé et pour l'environnement : les fameux CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) et les perturbateurs endocriniens. Les substances très toxiques pour le milieu aquatique et celles risquant de contaminer les eaux souterraines font également l'objet de cette étude.

Qui utilise quoi ? Ces nombreux filtres proposés par Générations Futures permettent une vision très précise, département par département, de l'utilisation de pesticides. Et le tableau est loin d'être réjouissant pour la région Centre-Val de Loire.

Rien de très notable sur la carte globale, en tonnes, des achats de pesticide : la Gironde (le vignoble...) y apparaît en noir, les départements de montagne (massif central, Alpes, Pyrénées) plutôt en blanc. Le Centre-Val de Loire semble se situer dans la moyenne française, à l'exception de l'Eure-et-Loir, dont le vert foncé signale qu'il est le 7ème plus gros acheteur de pesticides, avec plus de 1800 tonnes.

Les 5 autres départements vont de la 24ème place (Indre-et-Loire, avec 967 tonnes) à la 33ème (Indre, avec 766 tonnes).

L'Eure-et-Loir en tête pour les substances dangereuses

Mais la situation se gâte franchement lorsqu'on entreprend des recherches plus détaillées, notamment sur l'achat des substances classées CMR, dangereuses pour la santé : l'Eure-et-Loir prend haut la main, si l'on peut dire, la tête du classement, plus gros acheteur avec plus de 500 tonnes.

Les autres départements se situent entre la 18ème place pour le Loir-et-Cher (220 tonnes achetées) et la 23ème pour le Cher (197 tonnes).

Les départements les plus acheteurs de substances dangereuses se situent dans les Hauts-de-France ou autour de la région parisienne. En particulier en Eure-et-Loir, à la première place pour les CMR mais aussi pour les perturbateurs endocriniens, à la troisième place pour les substances toxiques pour le milieu aquatique.

Pauline Cervan, Dr en pharmacie et toxicologue, association Générations Futures

Les céréales de la Beauce et le raisin du val de Loire

Les départements du Centre Val-de-Loire prennent une teinte encore un peu plus foncée lorsqu'on se penche sur l'achat d'herbicides, et en particulier de glyphosate.

Encore en tête pour l'achat d'herbicides, toutes molécules confondues, l'Eure-et-Loir est en troisième position pour le glyphosate (155 tonnes). Mais l'herbe n'est pas plus verte ailleurs en Centre-Val de Loire : l'Indre-et-Loire est à la sixième place, avec 140 tonnes achetées !

La présence, dans notre région, des grandes cultures de la Beauce et du vignoble du Val-de-Loire expliquent en partie ces mauvais résultats.

"L'utilisation des pesticides va de pair avec les cultures prédominantes, relève la toxicologue Pauline Cervan. La carte des herbicides, par exemple, correspond à celle des grandes cultures de céréales ou de protéagineux. Pour les fongicides, ce sont les régions viticoles qui se démarquent très nettement."

Des risques pour l'eau potable

Parmi ces records détenus par la l'agriculture eurélienne, on peut encore ajouter une substance herbicide, le flufénacet, dans le viseur de Générations Futures :

"Nous ciblons particulièrement en ce moment cette substance qui vient d'être identifiée comme un perturbateur endocrinien, reprend Pauline Cervan. Elle se dégrade en un métabolite qui s'appelle le TFA, qui contamine énormément les eux souterraines. La carte nous permet de cibler nos actions, en particulier auprès des ARS qui sont en charge du contrôle sanitaire de l'eau potable. Le Centre-Val de Loire est un gros consommateur de flufénacet, nous allons donc interpeler l'ARS de la région pour rechercher le TFA dans l'eau potable."