A cheval entre la Charente-Maritime et la Vendée, la baie de l"Aiguillon est envahie par des huîtres japonaises qui s'agglomèrent en récifs, déreglant le fragile écosystème et entrant en concurrence alimentaire avec les moules et autres huîtres plates élevées par les exploitants.
A vingt kilomètres de La Rochelle, la baie de l’Aiguillon étend ses falaises, ses marais et ses plages de galets à l’embouchure de la Sèvre Niortaise. Paradis des oiseaux migrateurs, les 5.000 hectares de prés salés et de vasières abritent également le premier bassin mytilicole de France, qui produit 10.000 tonnes de moules par an.
Au fil des années, les professionnels ont décalé leurs sites de production vers l’extérieur de la baie, laissant en place les anciennes structures qui datent des années 60. Et là où on ne devrait avoir naturellement que de la vasière, les installations abandonnées ont donné lieu à du captage d’huîtres japonaises. Aujourd'hui, ce sont de véritables récifs d’huîtres qui se sont développés sur la vasière, atteignant parfois 1,5 mètre d’épaisseur.
400 hectares de vasières sont désormais colonisés par les huîtres
Les différents gisements se développent d’années en années jusqu’à se rejoindre, pour former d’immenses tapis. Pour tenter d’y remédier, une sorte de gros tracteur, perché sur une barge, arpente péniblement la vasière.
L’année dernière, on a découvert l’épaisseur du récif grâce à la pelle. Avec Jean-Pierre, on a décidé de ne pas aller chercher les 1,20 mètres parce que le coût du mètre linéaire aurait été trop énorme. Pendant l’année, notre sous-traitant a développé cette nouvelle machine qui est en fait une ensileuse avec un moteur de 600 chevaux, qu’il a conçu pour broyer une bande de 3,5 mètres, sur 50 cm d’épaisseur. La grosse incertitude tenait à son déplacement sur la vase. Et comme tant qu’on n’essaie pas, on ne sait pas, c’est ce qu’on est en train d’expérimenter, en dépit des grosses contraintes.
Car si la portance de la machine posée sur sa barge s’avère excellente et permet d’évacuer les craintes d’enlisement, les éléments naturels qui règnent sur les vasières sont plus retors. L’année dernière, à l’occasion d’une tempête hivernale, le combo "barge-tracteur" s’est ainsi retrouvé de l’autre côté de la Sèvre. "Les contraintes sont inimaginables, mais c’est un pari à prendre".
Jusqu’où on laisse aller la colonisation et est-ce souhaitable de revenir à un habitat de vasières ? L’idée du chantier c’est déjà de savoir si on est capable de restaurer les vasières pour qu’il n’y ait pas de recolonisation. Et aussi de savoir si on arrive à retrouver la faune de la vase telle qu’elle vit naturellement sur ce type de milieu. Au final, ce sera l’équilibre coût/bénéfices qui nous permettra de décider si on poursuit cette action, ou si on s’arrête là.
Avec les scientifiques de la réserve naturelle
Les professionnels de la filière moule, désormais sensibilisés à la qualité des eaux, ont besoin de réponses pour pouvoir se projeter dans l'avenir.Jusqu’en 2014, nous professionnels, on ne parlait pas trop de pollution, parce que ça donnait une mauvaise image pour les coquillages. Mais avec la mortalité massive des moules, on s’est retrouvé au pied du mur, et on a bien été obligé de parler de la qualité des eaux. Il y a eu une prise de conscience parce qu’on a vu qu’on pouvait aller jusqu’à la mort des coquillages.
Voyez le reportage d'Olivier Riou, Camille Bechetti et Nadine Pagnoux-Tourret