Depuis la rentrée, les élèves du collège de Jonzac (Charente-Maritime) sont privés de leur téléphone portable durant toute la journée de cours. Une expérimentation menée jusqu'en décembre dans 200 collèges de France, qui semble convenir même aux élèves, et devrait se généraliser en janvier prochain.
"Dès 8 heures, à l'arrivée des élèves, nous procédons à une récupération de tous les téléphones portables" indique Emma Delsuquet, assistante d'éducation.
Depuis la rentrée de septembre, le collège Léopold Dussaigne de Jonzac expérimente, comme 200 collèges en France, la pause numérique. Rangés dans des boîtes transparentes soigneusement étiquetées par classe, les téléphones des élèves sont conservés dans une armoire fermée à clefs.
"On n'a pas forcément vraiment confiance au début de le laisser à quelqu'un d'autre, mais après, on s'y habitue et puis on se dit qu'il est dans le bureau de la CPE et qu'il ne bouge pas" reconnaît Lola, 14 ans. Et finalement, elle se dit que son téléphone est plus en sécurité là, que dans son sac qu'elle peut laisser traîner dans la cour.
Ça les libère de la tentation.
Stéphanie Blanchardprofesseur d'anglais
"Si dans la journée un élève a besoin de joindre ses parents, il se présente à la vie scolaire, il nous explique le motif et nous contactons les parents à sa demande en exposant le problème. Ils n'ont pas besoin de leur téléphone portable, on a une équipe ici qui est présente de l'ouverture à la fermeture de l'établissement", explique Emma Delsuquet.
L'équipe pédagogique du collège constate que les élèves, comme les parents, se plient volontiers à cette nouvelle règle. "J'ai l'impression que les élèves le vivent bien. Ils sont même coopératifs, ils ne rechignent pas à déposer leur téléphone, ils ne râlent pas, peut-être même que ça les libère de la tentation. Ça leur permet de réaliser que oui, on peut se passer de son téléphone pendant une journée, et qu'on peut vivre sans se soucier des réseaux, au moins, pendant le temps d'apprentissage" commente Stéphanie Blanchard, professeur d'anglais.
Compenser en fin de journée ?
Lola semble plutôt raisonnable dans l'usage qu'elle fait de son téléphone, en être privée pendant sa journée de collège ne change pas grand-chose pour elle : "Moi, je pense que je ne suis pas addict. Je sais m'arrêter et je sais avoir des priorités, faire mes devoirs avant d'utiliser mon téléphone. Ma mère me le répète assez pour que je ne sois pas addict" dit la jeune fille.
Quand on le reprend, on est direct dessus.
Théocollégien à Jonzac
Théo, 13 ans, reconnaît de son côté qu'il se précipite sur son téléphone dès qu'il le récupère, et qu'il a tendance à compenser ensuite la privation de la journée : "Moi ça ne me dérange pas de ne pas l'avoir, mais quand on le reprend, on est direct dessus, on regarde si on a eu des messages, des notifications, on ne le lâche plus".
Limiter le cyberharcèlement
Cette expérimentation vise à réduire l'exposition aux écrans des élèves, à améliorer leur concentration, et aussi à limiter les cas de harcèlement, de plus en plus fréquents. Le principal du collège de Jonzac, Fabrice Queffelec en observe déjà les bénéfices : "Les années précédentes, des élèves venaient nous rapporter des échanges qui avaient lieu sur des groupes de discussion, qui constituait parfois du harcèlement scolaire ou du cyberharcèlement. Depuis la rentrée, aucun fait de ce genre ne nous a été rapporté" constate-t-il.
Pause numérique pour tout le monde
Cette démarche de déconnexion s'applique aussi au sein de l'équipe pédagogique : "On ne s'échange pas de mails le soir ou le week-end, tout le monde s'y tient, c'est aussi une manière de faire une pause professionnelle qui est importante pour chacun" affirme Fabrice Queffelec.
Le ministère de l'Éducation nationale envisage de généraliser l'expérience de pause numérique à tous les collèges à partir de janvier prochain.
Reportage de Frédéric Cartaud et Tiphaine Pfeiffer