Après avoir retrouvé l’identité de sa mère biologique en mai, cette Charentaise de 65 ans, née sous X, devait aller à sa rencontre dans le Maryland (Etats-Unis) en juin. Des retrouvailles, qui ne se sont finalement pas déroulées comme prévu.
"J’étais pleine d’espoir, j’y croyais tellement. Pourtant je ne suis pas quelqu’un née de la dernière pluie". C’est avec une certaine amertume que Patricia Dupont se remémore ce qui devait être l’un des plus beaux jours de sa vie. Le 25 juin 2021, la retraitée de 65 ans, née sous X à Rochefort (Charente-Maritime), devait faire la rencontre aux Etats-Unis, de sa mère biologique, Yvonne*, qu’elle était parvenue à retrouver après 45 ans de recherches. Des retrouvailles joyeuses, sur le papier, qui se sont avérées, une fois sur place, beaucoup moins idylliques que prévues.
Une histoire vieille de 65 ans
Sa mère, Yvonne, une jeune femme de 20 ans, tombe enceinte d’un soldat américain de la base de La Rochelle, Louis Denson. Lors de l’accouchement, prématuré, "sa famille lui aurait annoncé que j’étais morte à la naissance, enfin c’est la première version qu’elle m’a donnée", explique Patricia Dupont. A la suite de cette annonce, Yvonne quitte la France pour reconstruire sa vie aux Etats-Unis.
Enfant, la petite Patricia grandit alors dans une famille d’accueil, qu’elle pense être ses parents biologiques. Mais à l’adolescence, les premiers doutes émergent : "Le village dans lequel j’habitais était petit. Mes camarades de classe, dont les parents devaient connaître ma mère adoptive, n’arrêtaient pas de me répéter que j’étais adoptée", déclare-t-elle.
Dans le doute, Patricia entreprend alors dès sa majorité de longues démarches pour tenter de retrouver la trace de ses parents. En 2018, grâce à un test ADN et l’aide d’un détective privé, Patricia parvient à prendre contact avec sa maman, Yvonne. Après 18 mois d’échanges quotidiens (messages, lettres...), Patricia Dupont n’attendait alors qu’une seule chose : prendre le temps de faire la connaissance de sa maman biologique lors de son voyage de deux mois aux Etats-Unis.
Une profonde désillusion
Pourtant, lors de son arrivée, le 25 juin, à l’aéroport de Philadelphie, les retrouvailles avec Yvonne prennent une toute autre tournure. "Je pensais qu’on allait se tomber dans les bras l’une l’autre mais pas du tout. Elle s’est reculée pour prendre ses distances. Elle regardait ses pieds et n’osait pas venir vers moi. C’était très dur", détaille Patricia.
Blessée et déçue, la Charentaise se résout malgré tout à passer outre cette première impression et reste pendant deux mois aux Etats-Unis chez Yvonne pour tenter de tisser des liens avec elle. Mais plus le temps passe plus la relation entre les deux femmes se complique. "Elle me faisait beaucoup de reproches. Quand je lui ai parlé du sacrifice que j’avais fait pour ce voyage, elle m’a répondu que je n’aurai pas dû venir, que le téléphone c’était suffisant pour échanger. La dernière semaine avant mon départ j’ai même voulu prendre une chambre d’hôtel", avoue Patricia.
Pendant deux mois, la retraitée découvre alors une autre facette de sa mère biologique et apprend même qu’Yvonne lui aurait caché certaines parties de leur histoire. "En échangeant avec elle, je me suis rendue compte qu’elle m’avait menti. Sa famille ne lui avait jamais dit que j’étais morte à la naissance. C’est elle qui m’avait sciemment abandonnée", confie-t-elle avec émotion.
Un voyage positif malgré tout
Malgré les échanges conflictuels avec sa mère qui se multiplient et les plus de 10.000 euros dépensés (frais de recherche et voyage), la retraitée assure ne pas regretter son choix. "Je sais désormais qui est ma mère et ça n’a pas de prix. Alors c’est sûr, elle me manque. Mais on ne peut pas forcer quelqu’un à vous aimer", témoigne Patricia.
Son voyage lui aura également donné la chance de faire la connaissance de David Wayne Denson, son demi-frère et la fille de celui-ci : Sydney Denson, - c’est grâce à l’ADN de cette dernière que Patricia Dupont avait réussi à remonter jusqu’à Yvonne dans ses recherches. "C’est le côté positif de ce voyage. J’ai pu enfin rencontrer mon David avec qui j’ai vraiment tissé des liens forts et que je compte revoir", explique Patricia.
Aller de l’avant
Aujourd’hui Patricia est rentrée en France. Elle et sa mère ne sont quasiment plus en contact. "Je l’ai appelé quatre fois depuis mon retour en septembre. Mais j’ai constaté lorsque j'étais encore chez elle qu’elle filtrait ses appels. Lors de ma dernière prise de contact, elle a été très expéditive et a raccroché sèchement", déclare Patricia.
En contact régulier sur Facebook avec d’autres orphelins dans le même cas qu’elle, Patricia tente depuis son retour d’aller de l’avant en partageant son témoignage. "Si je n’avais qu’un seul conseil à donner aux personnes comme moi, c’est de ne pas tenter de rendre à tout prix l’histoire belle. On se voile la face en imaginant que l’abandon est un geste fait par amour, mais souvent ça n’est pas le cas."