La loi qui visait à limiter l'évolution d'Airbnb face à la prolifération des meublés de tourisme est une victime collatérale de la dissolution de l'Assemblée nationale, survenu le 9 juin dernier. Une mauvaise nouvelle pour celles et ceux qui cherchent désespérément à trouver une location.
Dans l'hypercentre de La Rochelle, plus de 30 % des logements sont dédiés à la location touristique. Cela engendre une concurrence infernale pour les habitants à l'année, mais également pour celles et ceux qui cherchent un logement après avoir reçu une proposition de travail.
Des difficultés à trouver un logement
C'est le cas de Marie Lahetjuzan qui a bataillé des mois pour trouver un pied-à-terre. "Je me suis mise à la recherche d’un appartement. Nous avions prévu d’arriver en juin, juste avant la saison estivale, c’est impossible. Nous avons été obligés de louer un appartement étudiant vide, jusqu’à fin août. Les logements que l’on visitait étaient soit en mauvais état, soit les prix étaient totalement fous, soit cela ne correspondait pas à nos besoins en tant que famille avec plusieurs enfants. Du coup, on est allé vivre à Rochefort. On m’a proposé un poste à La Rochelle, mais après un mois de recherches, il a fallu que je décline l’offre parce que je n’arrivais pas à me loger. Je l’ai assez mal vécu étant donné que je suis d’ici."
J’ai tout signé en visio dans la foulée. Quand j’arrive avec mes enfants et mes affaires, je n’avais même pas visité la maison parce que je n’avais pas le choix.
Marie LahetjuzanLocataire à La Rochelle
C'est finalement grâce au bouche-à-oreille qu'elle a fini par trouver un nouveau logement, qui n'était pas encore en agence. "Quand on est une mère célibataire, avec deux enfants, on n’a pas un dossier assez conséquent pour des particuliers. Une fois l’appartement trouvé, c’est un ami qui m’a fait visiter l’appartement par téléphone parce que j’étais à Paris à ce moment-là. J’ai tout signé en visio dans la foulée. Quand j’arrive avec mes enfants et mes affaires, je n’avais même pas visité la maison parce que je n’avais pas le choix. Au vu de l’état de la maison, j’ai essayé de négocier sur le premier loyer. Et on m’a dit : ‘si cela ne vous intéresse pas, il y en a dix qui attendent'."
Emma, qui travaille en tant que serveuse dans un restaurant de la ville, a rencontré beaucoup de difficultés pour louer un appartement : "C’est vrai qu’ici à La Rochelle, c’est très compliqué : on a été confronté à des vraies difficultés à trouver un logement. On a cherché pendant huit mois, pour finalement en trouver un en centre-ville."
Loin d'être un nouveau phénomène
Le service location des agences rochelaises fait face à une demande toujours plus importante. Jean-François Saupique et sa famille cherchent désespérément une maison ou un appartement. La scolarité de ses enfants et le travail de sa femme sont en jeu. "On cherche un appartement depuis plusieurs mois à La Rochelle, malgré un budget confortable pour louer un bien. Mais il y a beaucoup de profils intéressants pour très peu de demandes. Les agences nous disent qu’il y a très peu d’offres ou que les profils d’appartements ne sont pas pour nous, comme les appartements étudiants. On est inquiet, car on n’a toujours rien visité et sachant que ma femme compte embaucher d’ici à septembre. Il faut vraiment que l’on trouve un logement pour cet été."
Dans le portefeuille d'une agence rochelaise, on ne compte pas moins de 1 300 logements en location. Mais les nouveaux mandats se font rares et le service location fait face à une forte demande. "On a des difficultés à avoir de nouveaux mandats de location pour pouvoir répondre à une demande extrêmement forte, et ce, depuis quelques années déjà", dévoile Antoine Bergeot, directeur de l'agence.
On a moins en moins de départ de locataire, car ils ont, eux aussi, des difficultés pour trouver un logement. On a donc moins de logements qui se libèrent : c’est bouché des deux côtés.
Antoine BergeotDirecteur d'une agence rochelaise
Pour autant, ce problème de location est loin d'être un nouveau phénomène, selon lui. "On n’arrive pas à proposer plus de logements à des personnes qui font face à des difficultés pour pouvoir se loger et arriver à La Rochelle. De plus, on a moins en moins de départ de locataire, car ils ont, eux aussi, des difficultés pour trouver un logement. On a donc moins de logements qui se libèrent : c’est bouché des deux côtés."
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5 000 meublés de tourisme à La Rochelle, soit 10 % du parc immobilier
Un effet ciseau qui pénalise aussi certaines entreprises. La question du logement a déjà empêché certaines embauches, notamment dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration. "Clairement, on ne peut pas recruter de profils saisonniers, qui font des saisons l’hiver et des saisons l’été, sans qu’ils aient une garantie de logement", indique Alban Frémont, gérant d'un restaurant à La Rochelle. "Cette difficulté de logement est vraiment concrète : on est déjà nous, le secteur de la restauration et de l’hôtellerie en difficulté, ça nous affecte d’autant plus d’avoir ce problème de logement."
On désespère, car il faut repartir de zéro : de nombreux logements à l’année deviennent des meublés pour touristes.
Marie NédellecAdjointe au maire de La Rochelle
La loi pour réguler les meublés de tourisme devait permettre aux villes tendues d'avoir plus d'armes pour lutter contre le phénomène. Mais la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin dernier, le soir même des résultats des élections européennes, a tout stoppé. Marie Nédellec, adjointe au maire de La Rochelle, est consternée par l'arrêt de cette proposition de loi.
"Après plusieurs mois de travail avec les parlementaires, nous étions en commission mixte paritaire, l’ultime étape pour trouver un terrain d’entente afin de voir ce texte aboutir. On désespère, car il faut repartir de zéro : de nombreux logements à l’année deviennent des meublés pour touristes. Chaque mois, il y en a plusieurs dizaines qui subissent ce changement", explique-t-elle. Aujourd'hui, la ville de La Rochelle compte plus de 5 000 meublés de tourisme, ce qui représente environ 10 % du parc immobilier rochelais.
Reportage de Florent Loiseau et Dounia Sirri