Culture : à La Rochelle, La Sirène célèbre dix ans de concerts et de musique

Le public rochelais aurait bien sûr rêvé d'une grande fête et d'un gâteau avec dix bougies en forme de feux d'artifice pour marquer cet anniversaire symbolique de "leur" salle de spectacle. Malgré l'ambiance morose made in coronavirus, retour sur une décennie de concerts et de soirées inoubliables.

Premier avril oblige, on aurait bien voulu vous annoncer que, pour souffler ses dix bougies, La Sirène proposait, en exclusivité mondial, un concert de Nick Cave en acoustique au ukulélé ou une reformation des Ramones en hologramme. Mais voilà, à La Pallice, le cœur n’est pas à la fête et pangolins, chauve-souris et autres bestioles ont même réussi à confiner les poissons d’avril. Depuis plus d’un an maintenant, La Sirène nage en eau trouble et ne sait toujours pas quand elle pourra sortir la tête de l’eau.

Reste que David Fourrier, le boss, et son équipe avaient quand même envie de marquer le coup. Des badges estampillés « la Sirène, essentielle depuis dix ans » ont donc été distribués à tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à cette aventure, public, artistes ou partenaires. Chacun est invité à faire un selfie en arborant fièrement le goodie militant. Une grande affiche sera par la suite réalisée avec mille des photos envoyées à 10ans@la-sirene.fr.

"On savait qu'on allait marquer les esprits"

Reste également que faute de birthday party, ces dix ans sont aussi l’occasion de tirer un bilan de cette joyeuse décennie de musique. Pour nombre de professionnels du secteur, La Rochelle est devenue une étape incontournable dans ce monde pas si lointain où l'on pouvait organiser concerts et tournées. Là-dessus, La Sirène fait l’unanimité. D’un point de vue extérieur, d’aucun pourrait penser qu’avec un outil pareil, il suffisait de mettre les clés dans le contact et de démarrer le camion. Pas si simple pourtant, même avec le curriculum vitae de son directeur. "On s’est fait débordé. C’était assez vertigineux. On est parti tête la première dans l’aventure sans avoir la mesure du bâtiment en exploitation. C’était grisant".

"Le carnet d’adresse, c’est relativement simple. Une fois que tu te l’es créé, de signer des artistes, ce n’est pas forcément le plus compliqué", explique monsieur Fourrier, "le plus compliqué, c’est de ramener le public pour qu’il remplisse la salle.  Le leitmotiv qu’on s’est donné depuis le début, c’est d’essayer d’être populaire, dans le vrai bon et beau sens du terme. Que les musiciens se présentent devant du public. Ça, c’était notre combat premier". 

Alors au printemps 2011, le programmateur lâche les chevaux. Les Américains de NoFX ne donnent que deux dates en France ? Il y en aura une pour les punk rockers rochelais. "On savait qu’on allait marquer les esprits". Pour les amateurs de blues, que diriez-vous d'une soirée Popa Chubby et Chinese Man côté hip hop ? Du lourd et un premier trimestre intense parce que capital pour le reste de l'histoire. 

"On savait qu’au début, on serait sous les feux de l’actualité et qu’il y aurait un petit phénomène de mode mais qui aurait pu très vite s’estomper. Si tu loupes un peu ton coup, si le son n’est pas bon, si les gens ne sont pas sympas à l’accueil, si la sécurité est un peu trop zélée, si tu ne choisis pas la bonne politique tarifaire et les bons horaires… C’est tout ça qui fait un bon concert. Il fallait donner un signal fort à tous les amateurs de musique en leur disant « attention !  Il y a une salle de spectacle qui vient d’ouvrir à La Rochelle, venez la découvrir ».

"Elle a une âme cette salle"

Marie-Chantal Lahoussine faisait partie de ses spectateurs de la première heure. "Elle a une âme cette salle", nous dit-elle d'emblée. Médecin généraliste, elle n'était a priori, de son propre aveu, pas exactement le profil que l'on pouvait s'attendre à voir dans une salle de rock. Elle décide pourtant de profiter de l'offre "Ultra Son" proposée aux premiers abonnés, une carte de fidélité "all inclusive". Avec une copine à elle, elles vont décider d'amortir ce précieux investissement et, très vite, ces deux chevelures rousses vont se faire remarquer devant la grande scène.

"Avec mon amie, on a donc décidé de faire tous les concerts, à savoir parfois deux ou trois par semaine. Ça m’a permis de découvrir des choses que je ne connaissais pas du tout et d’aller voir des artistes sans préjugés" nous confie Marie-Chantal, "en même temps, ce n’est pas un exploit physique. Ça ne se finit jamais trop tard, donc ce n’est pas pire que de rester à la maison à regarder la télé. Moi, je suis plutôt électro mais j’ai bien aimé les concerts de Métal par exemple, c’est des gens sympas. Je n’écoute pas ça dans ma voiture, mais les prestations sur scène, c’est extraordinaire. En tout cas, je ne suis jamais sorti en me disant que c’était nul".

"L'accueil est toujours super"

Le public est au rendez-vous et les artistes aussi. Thierry Langlois est à la tête d'UNI-T productions et fait tourner The Do, Yaël Naïm, Lilly Wood & The Prick, Izia ou Vitalic. Lui aussi est très vite devenu un habitué de La Pallice. "La Sirène, c’est une étape obligatoire du circuit. Et selon les gens que l’on fait tourner, cette capacité de 1200 places, c’est important" explique le producteur, "avec toutes ces SMAC, il y a un vrai réseau que beaucoup de pays peuvent nous envier".

Il est vrai qu'un tel outil dans une ville moyenne comme La Rochelle, c'est plutôt rare et l'ouverture de La Sirène en avril 2011 a créé une sorte d'appel d'air pour les professionnels. "Entre Nantes et Bordeaux, il y avait un trou sur une ville assez importante où il y avait un festival comme les Francos et donc un public habitué à aller voir des concerts, donc c’était une bonne nouvelle", explique Thierry Langlois.

Une bonne nouvelle aussi quand on s'appelle Didier Wampas et qu'on a passé plus de quarante ans de son existence sur scène. Alors bien sûr, cette figure emblématique du punk français en a vu des backstages pas toujours au top de la propreté et des salles à l'acoustique "perfectible". On pourrait donc penser qu'il soit dithyrambique sur les conditions offertes par un tel outil institutionnel. Mais, sur son vélo de retour de la plage à Sète, il nous confie que ce n'est pas pour ça qu'il apprécie les salles de musiques actuelles : "qu’on sponsorise l’opéra et les musiques classiques, c’est bien, mais un peu pour nous aussi. La qualité du son et technique, franchement, je m’en fous un peu. Ce n'est pas primordial. Des fois, les endroits tout pourris, c’est aussi bien. L’important, c’est d’être sur scène devant des gens et La Sirène, j’adore. Je prends un vélo et je vais faire un tour sur l’île de Ré et l’accueil est toujours super". A La Rochelle aussi, Didier Wampas est le roi ! 

Alors bien sûr, il y a eu des flops comme cette bien triste soirée où Kid Congo (The Cramps, Gun Club, Nick Cave & The Bad Seeds) s'est retrouvé devant un club à moitié vide. Un crève-coeur pour le fan qu'est David Fourrier. "Les gens venaient essentiellement d’Angoulême, de Poitiers et de Bordeaux. On a vu tout le travail qu’il y avait à faire pour rendre les gens un peu curieux".

Et puis il y a aussi les moments d'anthologie qui resteront à jamais dans les mémoires des Rochelais. "Quand on a pu annoncer que Patti Smith venait à La Rochelle, non seulement on marquait des points avec un tourneur important mais on accueillait surtout une artiste qui incarne, bien au-delà la musique, la culture rock au sens large. C’était un peu l’intelligentsia qui débarque à La Rochelle et qui donne ses lettres de noblesse à La Sirène", se souvient, non sans émotion, le directeur des lieux.

Que peut-on donc bien souhaiter à la demoiselle de La Pallice pour les dix prochaines années ? D'abord, bien sûr, de rouvrir ses portes le plus vite possible et de refermer définitivement la page de cette maudite crise sanitaire. Et puis peut-être aussi de surtout ne rien changer et de garder cet esprit rock'n'roll. "Je trouve qu’on a su garder un peu de dérision et qu’on reste un aiguillon dans notre programmation et le discours qu’on peut tenir" conclut David Fourrier, "je pense que le public vient à La Sirène aussi parce qu’il y aura toujours un peu quelque part ce côté punk, un peu radical, ce trait d’humour. On essaye de faire les choses sérieusement mais sans se prendre au sérieux".

Happy Birthday La Sirène !

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Après tout, dix ans, ça se fête, non ?

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