"C'est assez effrayant, ce sont des produits de la mort". Les traces de 45 pesticides retrouvées dans les cheveux et les urines des enfants

Le résultat des prélèvements de cheveux et d'urines effectués sur 72 enfants de la plaine d'Aunis en Charente-Maritime, zone de culture intensive de céréales, est sans appel. Il révèle la présence massive de traces de pesticides, dont certains interdits. C'est la recrudescence de cas de cancers pédiatriques qui a conduit l'association locale Avenir Santé Environnement à mener cette enquête.

"On a tous entendu, nous les parents d'enfants malades, dans les services oncologiques, que l'environnement est un facteur déterminant de la santé. On s'est attaché non pas à trouver une cause unique aux cancers de nos enfants, mais à éradiquer tous les facteurs environnementaux délétères", rappelle Franck Rinchet-Girollet, président de l'association Avenir Santé Environnement.

Face à lui 300 visages attentifs et inquiets. Ce samedi 12 octobre au soir, ils sont venus prendre connaissance des résultats de l'enquête financée par l'association de riverains de la plaine d'Aunis, suite à la recrudescence de cancers pédiatriques dans cette vaste zone de l'agglomération rochelaise, consacrée à la culture intensive de céréales.

45 molécules toxiques, dont certaines interdites

Cinq mois après les prélèvements, l'analyse des cheveux et des urines de 72 enfants vivant dans six communes de ce secteur, révèle la présence de traces de 45 molécules toxiques. Certains produits interdits comme l’Acétamipride ont été retrouvés, à une telle dose que la toxicologue Laurence Huc, qui a dirigé cette enquête, pense qu’ils ont été utilisés dans les champs quelques jours avant les prélèvements. "On a une corrélation entre la proximité des enfants avec les champs de culture. Plus ils sont près des exploitations, plus ils en ont. Et le fait qu'on retrouve les produits dans les urines révèle une exposition aiguë", précise-t-elle.

C'est assez effrayant, ce sont des produits de la mort.

Sébastien Bérot

Conseiller communautaire à Perigny

Sébastien Bérot est conseiller communautaire pour la ville de Périgny. Ses deux enfants font partie de la cohorte étudiée. Il n'est pas surpris des résultats, mais ils suscitent bien des questions : "Je m'attendais à ce qu'il y ait des traces, mais après, c'est la crainte. D'où est-ce que ça vient ? Quelles sont les conséquences ? J'ai fait tester mes deux enfants de 12 et 16 ans, et mon fils a des traces de fongicide que sa sœur n'a pas, on se demande d'où vient la différence" s'inquiète-t-il.

Au-delà de sa situation personnelle, son mandat d'élu l'a conduit à s'intéresser de près à toutes ces substances : "C'est assez effrayant, ce sont des produits de la mort, pas des produits du vivant" commente-t-il.

Les antiparasites pour chiens et chats, des neurotoxiques puissants

Lindane, Spiroxamine, Dimethénamide, Bifenthrine, Acétamipride, un peu plus tôt dans la journée, élus et familles ont manifesté sur le vieux port de La Rochelle, avec des pancartes portant les noms imprononçables de ces pesticides.

Terme générique qui rassemble les insecticides, les fongicides, les herbicides et les parasiticides, les pesticides sont des substances issues de la chimie de synthèse, conçues et destinées à détruire ce qui est estimé nuisible à l'humain. Les agriculteurs ne sont pas les seuls à en faire usage. La toxicologue Laurence Huc alerte d'ailleurs les familles sur l'utilisation des antiparasites pour les chiens et chats : "Ce sont des neurotoxiques puissants qui se transmettent par voies respiratoire et cutanée. Souvent, ce sont les enfants qui jouent avec les animaux. Et les enfants, plus ils sont jeunes, moins ils éliminent ces substances, ce sont donc les populations les plus exposées", précise-t-elle, regrettant le manque d'information des vétérinaires à ce sujet.

Un problème de santé publique

L'association Avenir Santé Environnement dénonce "l'effet cocktail" délétère de la présence de ces diverses molécules dans l'environnement, et réclame l'arrêt sans délai de leur utilisation, dans tous les secteurs d'activité, avec les mesures d'accompagnement nécessaires pour les professionnels, agriculteurs notamment.

L'enquête menée sur cet échantillon de 72 élèves ne prétend pas avoir valeur statistique. L'association souhaite qu'une étude scientifique à grande échelle soit menée par les pouvoirs publics. L'agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine a demandé à recevoir les résultats de cette enquête. Ils lui ont été transmis ce dimanche 13 octobre.