Cette application, déjà en place dans plusieurs départements français, est en test dans cinq communes de Charente-Maritime. Elle permet aux agriculteurs de prévenir les riverains de leur utilisation de pesticides. Une expérimentation est développée dans la Plaine d'Aunis, zone frappée par plusieurs cancers d'enfants ces dernières années.
C'est un des outils mis en place pour faire de la pédagogie envers les riverains et les promeneurs en Plaine d'Aunis, en Charente-Maritime. AgriCivis 17, une application qui permet aux agriculteurs d'indiquer les zones, les heures et la nature de leur épandage de pesticides. Dans cette zone agricole, qui concerne les communes de Montroy, Bourgneuf, Clavette, Périgny et Saint-Rogatien, il y a eu de nombreux cas de cancers d'enfants ces dernières années.
La commune de Saint-Rogatien, notamment, est un cluster de cancers pédiatriques. Dans cette commune d'un peu plus de 2 000 habitants, entourée de plaines céréalières, les cas se multiplient. En 2008, un premier cas de cancer est détecté chez un enfant. Jusqu'en 2019, il y a eu sept cancers chez des enfants et des adolescents. En 2022, la commune de Montroy détient le triste record de taux de prosulfocarbe dans l'air. Inquiets, des citoyens demandent un moratoire sur l'utilisation du désherbant.
Dans la zone, le climat est tendu entre agriculteurs et riverains alors dans le cadre d'une médiation entamée en 2022 entre les parties. "Ce territoire avec le problème de la qualité de l'air et les tensions sur place, nous avons travaillé avec la Communauté d'Agglomération de La Rochelle pour proposer des solutions. La Chambre d'Agriculture donc met en place différents outils pédagogiques, dont l'application AgriCivis 17. "L'idée ce n'est pas que d'évoquer les épandages, c'est aussi de faire du lien, de permettre aux agriculteurs d'expliquer leur pratique et leur quotidien, même quand il sème leur culture. C'est facilité la communication avec le monde extérieur", indique Julie Monroux, directrice du Service Eau et environnement à la chambre d'agriculture de Charente-Maritime Deux-Sèvres.
Téléchargement d'AgriCivis
>> AgriCivis sur iOS : https://apps.apple.com/fr/app/agricivis-17/id1615960116
>> AgriCivis sur Android : https://play.google.com/store/apps/details?id=com.mobile.agricivis&hl=fr&gl=US
Une application gratuite d'intérêt public
L’application est gratuite pour les agriculteurs comme pour l'ensemble des utilisateurs, qu'ils soient, riverains ou promeneurs occasionnels. Les exploitants et personnels agricoles de Charente-Maritime sont contributeurs, un statut attribué et vérifié par la Chambre d’agriculture. Pour s'inscrire, chaque utilisateur doit renseigner son nom, son prénom, son adresse, et pour les agriculteurs, le nom de leur entreprise ainsi que leur numéro de téléphone. "Cela repose sur le volontariat, donc, on va prendre le temps pour que les choses se mettent en place" souligne Julie Monroux.
Sur l'application, il est possible de visualiser les interventions en cours et de recevoir une notification sur celles-ci, si on se trouve dans un rayon de trois kilomètres. Les informations déclarées par les agriculteurs sont visibles sur une carte interactive. Elles ne se limitent pas à la simple utilisation de pesticides. Toute intervention susceptible de toucher ou de questionner les riverains peut être indiquée comme le signalement de trajet agricole lent ou de vols de matériels agricoles.
Saône-et-Loire et Gironde, départements pilotes
AgriCivis a été lancée fin 2020 en Saône-et-Loire. Elle a été initiée par la Chambre d'Agriculture et crée par l'entreprise, créatrice d'application mobile, Safycity. Dans ce département, les viticulteurs font également partie des instigateurs du projet. "Lors des traitements de sols notamment, les viticulteurs souhaitaient que l'information soit accessible au public, d'éviter les promeneurs à côté de vignes récemment traitées. Et aussi, de donner un délai d'entrée après épandage", détaille Hugo Adellon de la Chambre d'Agriculture de Saône-et-Loire.
Actuellement, la chambre d'agriculture réfléchit à une deuxième version de l'application. "Elle serait destinée aux touristes, car nous avons de nombreuses voies vertes", souligne Benjamin Alban, de la chambre d'agriculture de la Saône-et-Loire. Dans ce département, 1068 personnes utilisent cette application, 253 agriculteurs y contribuent.
Autre département pilote, la Gironde. Début 2021, la Chambre d'Agriculture propose BVE 33. Elle permet aux agriculteurs girondins d'informer efficacement les riverains, travailleurs et promeneurs lorsqu'une intervention a été effectuée ou est en cours. "C'est relatif au produit phytosanitaire, mais aussi au gel, prévenir d'un mouvement de matériel viticole qui pourrait toucher les riverains ou les promeneurs. C'est une utilisation générale pour faire du lien entre monde agricole et le public", raconte Antoine Thouvenin, du pôle valorisation des territoires de la Chambre d'Agriculture de la Gironde.
Aujourd'hui, ils sont 2 300 utilisateurs de BVE 33, dont 650 professionnels agricoles. "Il y a beaucoup de viticulteurs, mais également différents types d'agriculteurs sur toute la Gironde. Par contre, les anciennes générations n'y sont pas trop favorables. Ils préfèrent continuer le porte-à-porte". Et les agriculteurs s'en servent également comme outil de communication pour leurs événements. "Ça leur permet d'annoncer les rendez-vous à la ferme, d'avoir un lien direct avec promeneurs ou riverains", affirme fièrement Antoine Thouvenin.
Et depuis, d'autres départements mettent en place des applications similaires. C'est le cas de la Savoie et la Haute-Savoie, mais également la Charente ou encore l'Hérault. "Nous apportons notre expérience aux territoires qui se lancent. Et au final, tout le monde s'y retrouve, agriculteurs et riverains".