"Il faut qu'on soit davantage en souveraineté alimentaire" : trois questions à Anne-Laure Babault, députée MODEM de Charente-Maritime

Anne-Laure Babault, députée MODEM de Charente-Maritime, va prendre la tête de la mission parlementaire destinée à faire évoluer la loi Egalim. Avec le député macroniste Alexis Izard, elle doit proposer des solutions pour garantir un meilleur revenu aux agriculteurs, assurer un renouvellement des générations et viser la souveraineté alimentaire française.

Près d'un mois après le début du mouvement des agriculteurs, et à quelques jours de l'ouverture du Salon International de l'Agriculture, Gabriel Attal a déroulé une feuille de route pour répondre aux nombreuses inquiétudes exprimées.

Une mission parlementaire pour travailler sur les différentes lois Egalim va donc voir le jour, pilotée par la députée Modem de Charente-Maritime Anne-Laure Babault, et le député LREM Alexis Izard.

Anne-Laure Babault est membre de la commission des affaires économiques et travaille régulièrement sur les questions agricoles. Élue en 2022, elle représente la circonscription qui comprend la grande plaine céréalière d'Aunis, et qui a vu apparaître des contaminations de forages d'eau aux produits phytosanitaires, et un cluster de cancers pédiatriques.

Revenu agricole, renouvellement des générations, souveraineté alimentaire mais aussi usage des pesticides, la députée répond à nos questions.

Pourquoi a-t-il fallu créer cette mission parlementaire ?

Cette mission parlementaire, elle a vocation à faire le bilan des différentes lois, d’Egalim 1 à la loi Descroizailles, se poser, faire le bilan d’un point de vue très juridique, et après d’écouter, d’auditionner l’ensemble des acteurs économiques, l’ensemble des agriculteurs et des filières, pour écouter leurs difficultés, les réussites aussi, les choses positives qu’ont apportées les lois, et d’écouter leurs propositions, et de faire des préconisations d’évolution de la loi. Comme toutes les lois ont vocation à évoluer, le fait que les industriels, que certains industriels, et les distributeurs aujourd’hui contournent la loi Egalim, nous oblige à faire évoluer la loi pour protéger notamment nos agriculteurs.

Il y a nécessité avant tout de faire des contrôles, il faut qu’on fasse évoluer la loi mais il faudra aussi continuer d’intensifier les contrôles. Les manquements à la loi peuvent être par exemple sur la question de l’origine, ou concernant la contractualisation des matières premières agricoles. Ce sont les deux gros sujets.

Quelle est la vocation de cette mission parlementaire par rapport aux attentes des agriculteurs et à la colère qu’ils ont exprimée ces derniers mois ?

Dans les sujets importants, il y a la contractualisation des matières premières agricoles. Le fait qu’on ait une meilleure contractualisation de ces matières pose la question du revenu agricole. Aujourd’hui, l’enjeu majeur pour nos agriculteurs, c’est le renouvellement des générations. Pour renouveler les générations, il faut redonner de l’attrait au métier, ça passe entre autres, et on peut le comprendre, par la question du revenu.

L'enjeu majeur, c'est la question du renouvellement des générations. Il faut effectivement résoudre la question du revenu, ça fait des années que cette question se pose, il est grand temps de la résoudre réellement et d'y mettre des moyens.

Il faut donc des contrôles, et la sanctuarisation, c'est-à-dire le fait de mieux rémunérer nos agriculteurs et de mieux sanctuariser les matières premières agricoles dans les contrats entre industriels et distributeurs. Et en permettant de renouveler ces générations, on permettra d'être plus souverain dans notre alimentation. Puisqu'aujourd'hui, il faut savoir qu'on importe un poulet sur deux, on importe 50% de nos fruits et légumes. C'est catastrophique pour un pays qui est tout à fait en capacité de produire ces denrées.

Donc aujourd'hui, il faut qu'on soit davantage en souveraineté alimentaire.

Quel message envoie Gabriel Attal en déclarant une pause sur le plan Ecophyto un changement d’outil de mesure pour l’usage des produits phytosanitaires dans l’agriculture ?

Déjà la pause qui a été indiquée, elle était uniquement de trois semaines, c'est-à-dire l'idée c'était de pouvoir réfléchir à l'indicateur notamment de mesure avant le salon de l'agriculture. Là, on n'est plus en pause, la pause est déroulée.

Les agriculteurs ont exprimé qu'il y avait trop de contraintes aujourd'hui, notamment au niveau des questions environnementales. Ce que je ressens, c'est que les agriculteurs en conventionnel souhaitent avancer sur ces sujets-là, puisque ça a un coût pour eux, et qu'ils ont déjà fait des efforts sur ce sujet. On a, sur les produits les plus toxiques, fait une diminution de 96%, les agriculteurs ont diminué leur consommation de glyphosate de 30%, et ça il faut bien se dire que seule la France est vraiment très avancée sur ces sujets.  

Je peux vous dire que pour avoir été dans la commission d'enquête des phytosanitaires, quand on a pu échanger avec la commission européenne, quand on a auditionné les directions européennes, on s'est vraiment aperçus qu'on est vraiment précurseurs, qu'il y a une vraie mobilisation des Français. Au niveau européen, la France est précurseur sur ce sujet-là.

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La question importante qui se pose, c'est de se dire qu'on ne peut pas arrêter des molécules si elles ne sont pas arrêtées au niveau européen. Si on arrête une molécule en France sur certains de nos produits, on pénalisera nos agriculteurs français, mais on importera la molécule et les consommateurs consommeront des produits avec des résidus de ces molécules.

À mon sens, bien sûr que dans un idéal, ce serait bien d'arrêter des molécules et de ne pas importer ces produits, sauf qu'il faut que les Français soient prêts à consommer radicalement différemment. Je ne suis pas sûre qu'on soit tous au même niveau sur ce sujet-là.

Il y a une vraie prise de conscience, il faut qu'on travaille dessus, et il y a aussi des moyens mis en place par le gouvernement. Il y a une enveloppe dans le budget 2024 de 250 millions d'euros qui sont mis pour trouver des alternatives aux phytosanitaires. Maintenant, on ne va pas arrêter les phytosanitaires du jour au lendemain, parce que malheureusement, depuis l'après-guerre, on a construit ce modèle dans lequel on s'est un peu embourbés, et aujourd'hui on n'est pas dans un marché unique, on est dans un marché européen, un marché mondial. Il faut prendre en compte cette dimension européenne et cette dimension mondiale et faire avancer l’ensemble des pays, déjà européens, dans le même sens.

Anne-Laure Babault sera ce jeudi soir l'invitée du journal télévisé de France 3 Poitou-Charentes.

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